À SORTIR EN SALLES
WOLF HUNTING ****
(Project Wolf Hunting/Neugdaesabgyang). Corée du Sud. 2022.
SORTIE: 15 FÉVRIER 2023.
47 criminels coréens, réfugiés aux Philippines, ont été livrés à la police de leur pays pour y être jugés. Entravés, ils embarquent donc dans le port de Manille, à destination de Busan, sur le cargo Frontier Titan où ils sont les seuls passagers, gardés par 20 inspecteurs… Que va-t-il se passer ? Comme on pouvait s’en douter, des malfrats se sont infiltrés dans les rangs et de la police et, de nuit, délivrent les captifs, au rang desquels Jon Du, jeune psychopathe remarqué par les tatouages qui lui montent jusqu’au cou, va se montrer particulièrement violent, commençant à assassiner sans mesure toute personne, flic ou membre de l’équipage, qui passent à la portée de son pistolet ou de tout autre objet pouvant lui servir d’arme. Nous sommes donc en présence d’un polar à la Scorsese, d’une violence qui ne se dément jamais, menés par des personnages certes basiques mais vigoureusement dessinés, un médecin dépassé par les événements, une fliquesse qui se battra jusqu’au bout, un étrange jeune homme mutique, Ceo, qui se dresse contre Jon Du. Mais les représentants de ces deux camps opposés dans un lieu clos flottant sont-ils véritablement seuls à bord ?
C’est à son dernier tiers que va intervenir un autre personnage, au visage ravagé, jusqu’alors brièvement vu couché, inerte, sous respirateur, dans une sorte de sarcophage, et à qui le médecin doit, toutes les six heures, injecter un produit calmant. Mais quand les injections cessent… C’est ici que le film bifurque vers un summum de l’horreur, le thriller accédant à une dimension fantastique, elle aussi classique, dont il serait dommage de détailler le cours mais dont les prémisses remontent à la Seconde Guerre mondiale et aux expériences menés sur des cobayes par des médecins japonais cherchant à fabriquer, dans le cadre d’un mystérieux projet Kemono, de véritables armes humaines. Pour donner, si l’on peut dire, plus de corps à son récit où quasiment personne n’est épargné, ni moralement ni physiquement, Kim Hing-Sun a choisi le gore le plus brut, à savoir que chaque meurtre, et il y en a des dizaine en deux heures de film, ne se fait pas sans efflorescences de sang ruisselant en rivière dans les coursives, avec un acharnement visuel particulier accordé aux coups portés sur des crânes éclatés et des visages déchirés en lambeaux, une bande-son évocatrice accentuant la sauvagerie des séquences. Ce qui n’est pas un point de vue mais une nécessité de mise en scène pour densifier au maximum un propos où les sous-entendus politiques ne sont pas absents, porté par un métrage dont l’intensité et l’inéluctabilité rejoint celle du Dernier train pour Busan. Reste évidemment la réaction de certains spectateurs qui pourraient être outré par cette déferlante jamais vue et s’en détourneraient avec dégoût, ce qui est parfaitement leur droit. Pour d’autres, dont le signataire de ces lignes, ces outrances s’inscrivent dans la vigueur d’une réalisation au cordeau qui va sans faux-semblants jusqu’au bout de son propos. Quitte, sortant de la salle, à refaire dans sa tête un montage où serait coupé le prolongement gore de chaque scène à l’hémoglobine généreuse. Le film, dans une version plus acceptable, serait-il le même ? À chacun sa réponse.
Jean-Pierre ANDREVON
FILMS EN VOD
ALONE WITH YOU
Les mystères de l’amour**
USA. 2021. Réal. et scén. : Justin Brooks et Emily Bennett. (Shadowz).
Alors qu’elle prépare des retrouvailles romantiques avec Simone, sa co-locataire photographe, dont elle est folle amoureuse, Charlie se retrouve sans nouvelle de sa dulcinée et enfermée dans son appartement. Sa réalité va alors commencer à s’effriter.
Réalisée par Emily Bennett et Justin Brooks avec un budget que l’on imagine dérisoire, Alone with You est une œuvre certes imparfaite mais qui, cependant, n’est pas dénuée d’intérêt. Le film suit ainsi le parcours de Charlie, une jeune femme qui, on le comprend très vite, voue un amour obsessionnel à sa colocataire. Cet amour obsessionnel est le cœur même du récit qui se déroule en grande partie à huis-clos dans un appartement aussi inquiétant qu’étouffant. Dès lors, de nombreuses questions se posent. Charlie, est-elle seule à son domicile ? Quelqu’un a-t-il pénétré chez elle ? A-t-elle l’esprit dérangé ? Est-elle victime de phénomènes paranormaux ? Jouant sur ces interrogations, le duo de réalisateurs fait monter l’angoisse progressivement, notamment à travers de petits détails présents dans le décor (les photos accrochées au mur, les croix disposées un peu partout). La mise en scène, fluide et efficace, et la photographie, qui joue sur les contrastes, contribuent à instaurer une atmosphère angoissante et à faire lentement monter la tension. Si certaines séquences sont particulièrement convaincantes, d’autres en revanche s’avèrent un peu répétitives et n’apportent pas grand-chose à l’histoire. Comme c’est souvent le cas dans ce genre d’entreprise où l’action repose principalement sur les épaules d’un seul personnage, le film n’évite pas les longueurs par moments, au risque de perdre l’attention du public. Heureusement, l’interprétation d’Emily Bennett, est remarquable, la comédienne réalisatrice parvenant à rendre crédible le personnage de cette femme au bord du gouffre. Et puis, il y a la grande Barbara Crampton, dans le rôle de la mère, dont la présence au générique ne pourra que ravir les fantasticophiles. Reste que l’ensemble dégage une impression de déjà-vu et que beaucoup de spectateurs, habitués au genre, devineront assez facilement le dénouement. Ce qui gâchera forcément le plaisir qu’ils auraient pu prendre à visionner cette petite production indépendante loin d’être déshonorante.
Erwan BARGAIN
TROLL **
Un autre avis sur le film
Norvège. 2022. Réal.: Roar Uthaug (Netflix)
Les Trolls au cinéma furent souvent réduits à de la figuration, du Seigneur des anneaux à La Reine des neiges, et peu de films les ont placés en vedette. On citera le sympathique Troll de John Carl Buechler (et sa suite délirante et très drôle) ou le divertissant Troll Hunter plus axé sur les aspects folkloriques de cette mythologie. L'annonce de leur retour dans une grosse production laissait espérer un blockbuster utilisant à bon escient cette légende nordique. Roar Uthaug avait, en outre, bien exploité les paysages norvégiens dans le slasher Cold Prey. Malheureusement, sans être honteux, Troll s'avère une énième production Netflix sans saveur ni originalité, l'équivalent d'un plat nourrissant mais incapable de satisfaire les papilles.
L'intrigue, basique, décrit le réveil d'une créature légendaire qui se dirige vers la civilisation en écrasant tout sur son passage. Une recette reprise de King Kong et Godzilla, sans compter leurs succédanés, de Yonggary à Gorgo en passant par le Colosse de Hong Kong, Gamera ou D-War. À tel point qu'on espère une pincée de second degré capable de nous faire digérer la pilule… Mais le réalisateur demeure d'un sérieux papal. Ou alors l'autoparodie s'avère trop subtile pour être discernable. En tout cas aucun cliché ne nous est épargné, à commencer par des protagonistes stéréotypés. Une paléontologue mignonne, un vieux cinglé qui n'a pas perdu sa capacité à croire aux contes de fées, une hackeuse geek rigolote et un intello. Sans oublier un militaire prompt à déclamer un beau discours afin de remotiver les troupes. Des personnages tous droits issus d'une production Roland Emmerich des années 90 et, dans ses moments "héroïques", le film évoque Independence Day. Certes, le spectaculaire permet de belles scènes d'action, des destructions distrayantes et l'un ou l'autre affrontements musclés aux effets spéciaux corrects. Mais cela ne suffit pas à nous intéresser à cette intrigue rabâchée mise en scène sans la moindre inspiration, desservie par une photographie sombre impersonnelle et ponctuée de punchlines consternantes. Un discours écologique aujourd'hui très banal assorti d'une vague critique de la religion (en particulier de la christianisation de la Scandinavie) se chargent d'épaissir un scénario englué dans sa prévisibilité. Objectivement, Troll n'est même pas réellement mauvais, il respire simplement la naphtaline et constitue une énième resucée des ingrédients du Kaiju Eiga des décennies antérieures. Évidemment le monstre se révèle plutôt gentil, ce qui n'empêche pas les humains de vouloir le tuer par tous les moyens possible, y compris de nouveaux missiles expérimentaux. Le final, voulu émouvant, suit la tradition de King Kong avec une morale identique: la Belle tuera toujours la Bête. Bref, ce long-métrage calibré témoignage d'une certaine conception du cinéma où seule la (petit) efficacité immédiate est envisagée. Dès lors seuls les plus indulgents pourront prendre un minimum de plaisir à ce décevant Troll.
Frédéric PIZZOFERRATO
CINÉ-LIVRES
La peur et la religion au cinéma est une thèse universitaire adressée aussi bien aux passionnés de cinéma qu’aux universitaires. Le sujet du livre analyse et explique l'élément le plus utilisé du cinéma d'horreur du Moyen Orient : l’image du Djinn. Une émergence qui a commencé à augmenter dans le cinéma turc après 2000. De même, on a vu que l'image du Djinn était largement utilisée dans les films d'horreur produits dans les pays occidentaux, notamment par Hollywood, à partir de cette époque. Les raisons de l'émergence et de l'usage de cette image du Djinn, largement utilisée en Occident et surtout au Moyen Orient et en Turquie, sont analysés via la méthode critique dans cet ouvrage. Il est également déterminé que l'utilisation de cette image du Djinn, à la fois présente en Occident et au Moyen Orient, est façonnée en fonction de raisons politiques. Alors que l'image du Djinn, qui se crée en étant influencé par les croyances, est utilisée pour répandre la croyance de la religieuse musulmane.
Le livre est écrit par le Pr Gizem Şimşek Kaya, originaire d’Istanbul. Elle est diplômée de l’Université de Marmara, ayant ensuite obtenu son diplôme d’études supérieures à l’Université Kültür d’Istanbul, Département design & communication. Elle a ensuite terminé son doctorat en 2012 avec sa thèse intitulée « Horror And Religion In Cinéma : Analyzing Component Of Djınn In American And Turkish Films After 2000 (Critical Theory And Semiological Methodology Within A Framerwork) » à l’Université de Marmara, Département Télévision/Radio. Gizem Şimşek Kaya a travaillé comme chercheuse pendant 8 ans à l’Université Kültür d’Istanbul. Elle travaille sur les théories critiques, les croyances dans le cinéma, les films d’horreur turcs, le cinéma et le folklore. Chaque jour, elle donne à ses étudiants l’envie et l’orientation pour réaliser et créer les futurs films d’horreur turcs. Gizem rédige sur son site web des articles en analysant tous les films de genre qui sortent chaque semaine en salles en Turquie.
Rudy VIDAL
https://rudyprod.wixsite.com/sheitan-editions