Un Géant Noël Fantastique à tous !!!
Avec plein de gorilles géants, de requins géants, de pythons géants et de monstres géants.
LA PEUR AU RENDEZ-VOUS
En vedette cette semaine, un ciné-livre qui en impose par son poids, son épaisseur (288 pages), sa richesse. Préfacé par Alexandre A
ja (qui fait lien entre les films d’horreur et les peurs de la petite enfance), Rendez-vous avec la peur, qui répertorie plus de 500 films, est construit autour de 20 séquences choc (de «La soif du Mal» pour Nosferatu aux «Plaisirs de la chair» pour Grave de Julia Titane Decourneau) – autant de portes d'entrée pour dévoiler un panorama le plus complet possible du genre, de Méliès à Bong Joon Ho, de l’expressionnisme allemand au found footage, en passant par les films gothiques de la Hammer, les slashers américains des années 80 ou les films de fantômes japonais, sans oublier le «Danger atomique» porté par Godzilla. Illustré de plus de 200 photos, cet ouvrage passe au crible les films qui ont marqué le genre, brosse le portrait de leurs auteurs et les replace dans le contexte de leur époque ou du style auquel ils appartiennent. Une approche aussi érudite que ludique pour découvrir un genre célébré dans les pages TOXIC de notre magazine, souvent décrié sans doute, mais unique par sa capacité à humer l'air du temps et à sonder l'âme humaine jusque dans ses plus sombres recoins. À la manœuvre, Olivier Bonnard journaliste cinéma au Nouvel Observateur pendant 15 ans avant de prendre son envol comme scénariste et romancier et Olivier Bousquet, journaliste cinéma au magazine VSD depuis plus de vingt ans et auteur de nombreux livres sur le cinéma et le rock (Epa).
LA NAISSANCE DE KING KONG
Dans une collection, «L’Homme de l’année», consacrée le plus souvent à des hommes politiques, des explorateurs ou des scientifiques, 1933 – L’homme qui inventa King Kong, met en lumière le travail d’un aviateur et d’un producteur, duo devenu réalisateurs pour un film unique, King Kong, soir Edmond C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. L’album s’ouvre sur la projection d’un série B, Ingagi, où l’enlèvement d’une femme noir par un gorille donne l’idée à Cooper de produire un film où un gorille (géant) ne serait pas une brute mais une victime. Le récit brode sur les aléas de la production, avec la mort subite d’Edgar Wallace en train de travailler au scénario ou les bisbilles avec William O’Brien, pas commode apparemment. Si le dessin du Serbe Dejan Nenadov (avec les couleurs de Pierre Schelle) est très évocateur, avec une préférence pour les quelques reconstitutions du film en noir et blanc, on peut être plus circonspect concernant le scénario de Jean-Pierre Pécau, qui en reste à l’anecdote, parfois inutile comme cette visite sur un tournage de Busby Berkeley, alors que les rapports entre la Belle et la Bête sont totalement escamotés. Mais on va dire que c’est toujours mieux que rien (Delcourt).
TOUJOURS DES BD
La série Carthago, créée par Christophe Bec avec divers dessinateurs doit être bien connue de nos lecteurs puisque, avec Abzu est notre seul Dieu, voici le treizième album de cette saga à rallonge mettant en scène le mégalodon, ce super prédateur de 20 mètres de long, ancêtre de nos requin ayant surgi avec ses frères et sœurs d’une fosse océanique… La chasse à la bête ayant ses limites, Bec nous transporte ici après la guerre atomique de 2027, sur une plateforme pétrolifère investie par de curieux moines qui ne jurent que par le dieu des profondeurs Abzu, et ont recueilli Lou Melville, la femme aux branchies, seule capable d’approcher les monstres. Le dessin d’Ennio Bufi soutenu par les couleurs bleu sombre des grands fonds d’Andrea Meloni impressionne toujours, surtout quand il met en scène les dents de la mer dévorant tout sur son passage, sous-marin compris (Les Humanoïdes associés).
Autre série à rallonge, les adaptations de Conan le Cimmérien pour une suite d’albums, chacun reprenant, avec chaque fois un scénariste et un dessinateur différents, une des 20 nouvelles écrites par Robert Howard (huit pour l’instant). L’Heure du dragon (scénario Julien Blondel, dessin et couleurs Valentin Sécher) adapte, lui, le seul roman mettant en scène le personnage, écrit spécialement pour une publication en Angleterre qui ne se fera finalement pas. On y suit la chute et la résurrection du héros, d’abord prisonnier du cruel empereur Xaltotun de Python après une défaite sur le champ de bataille, puis revenant pour se venger. Si l’histoire ressemble à beaucoup d’autres, on prendra le temps de scruter chaque image de Sécher, qui n’a pas son pareil pour faire s’affronter des centaines de combattants dans un hyperréalisme vaporeux qui semble issu d’un film de Zack Snyder (Glénat).
UN SUPER-HÉROS POLONAIS
Non, les super-héros ne sont pas qu’anglo-saxons ! Témoin The Witcher, créé par Andrzej Sapkowski, né en 1948 Lodz , d’abord traducteur pour le magazine national “Fantastyka”, puis novelliste, créant en en 1986 son personnage de Geralt de Riv, qui deviendra héros d’un premier roman en 2013, après être passé par les comics, les jeux de rôle, les jeux vidéo, les séries télévisées et un film. Qui est Geralt, the Witcher ? Un chasseur de monstres, évoluant dans un monde dévasté par les guerres et où de petits royaumes sont dirigés par des sorciers et des sorcières, un monde où les elfes comme les autres espèces non-humaines sont chassés de leurs terres tandis que des monstres en tous genres (basilics,vampires, dragons, mille-pattes géants…) apparus depuis des dizaines d’années sèment la désolation. Une quinzaine de nouvelles, six romans , des livres illustrés (tous publiés chez Bragelonne) ne sont que quelques-uns des titres de celui qu’on n’hésite pas à appeler « le Tolkien polonais », et qui compte aussi un premier film, Wiedzemir, réalisé en 2001 par Marek Brodzki, qui fut aussi le premier assistant de Steven Spielberg sur La Liste de Schindler. Quant aux séries télévisées, au nombre de trois, notons que pour l’une d’elle c’est Henry Cavill en personne qui interprète le rôle principal. Cette saga est brillamment racontée par Yannick Chazareng dans un Mook de 130 pages très illustré qui sera une découverte pour beaucoup (Ynnis).
L’OURS SORT DE SON TROU
Nous avons souvent parlé des jeunes et minuscules éditions de l’Ours, qui sort chaque mois de son hibernation pour une parution très spécifique : un petit livret de 16 pages, format journal mais plié en huit, et qu’il faut découper. Cette collection, qui accueille aussi bien de la SF, du fantastique que du polar, et qui a édité déjà Caza, Joëlle Wintrebert, Claude Ecken et quelques autres, s’appelle 22 222. Pourquoi ? Parce les auteurs ont pour obligation de livrer un texte de 22 222 signes exactement. Les participants ont-ils obéi au signe près ? Aux lecteurs et lectrices de faire le calcul. C’est en tout cas la règle qu’a suivi le rédacteur de la parution de ce mois pour Le Village des ombres. Où un groupe de vidéastes traverse à nuit tombée le Vercors après un reportage. Une panne de véhicule oblige les deux véhicules à s’arrêter en pleine forêt. Un jeune reporter, Yann, va se rendre dans un village proche dont les lumières ont été aperçues entre les branches pour y chercher du secours. Mais c’est bien autre chose qu’il y trouver…
Ces opuscules ne pouvant être procurés que par correspondance, pour la très modique somme des 2 euros, on doit s’adresser ici :
Ours éditions • Yves KOSKAS
2 chemin de la Crouzille
34150 Puéchabon
Ah oui, toute modestie à part, la nouvelle est signée Jean-Pierre Andrevon.
DU NOUVEAU CHEZ LAURENT GENEFORT
Abandonnant les space opera qui constituent l’essentiel de son œuvre (cf. sa magnifique saga d’Omale), Laurent Genefort nous livre aujourd’hui, titré Les Temps ultramodernes, une uchronie en forme de Steampunk. Nous sommes à Paris en 1924, mais un Paris (en même temps que le monde entier) bien différent de celui du début de siècle puisque tout transport se fait désormais grâce à l’énergie de la cavorite, ce minerai miracle qui supprime la pesanteur. Découvert à la fin du siècle précédent, la cavorite a permis la conquête immédiate du système solaire, Mars en particulier, où les colons ont été mis en présence de l’espèce intelligente endémique, les erloor, pacifiques et peu évolués, qui vont très vite être exploités, de la pire des façons. L’ouvrage, épais de 440 pages, est entièrement construit à base de références, la cavorite en premier lieu, dont on se souvient qu’il s’agit d’une invention d’H. G. Wells pour Les Premiers hommes sur la Lune, les Martiens, eux, avec leurs ailes membraneuses, venant de chez Gustave Le Rouge. Des personnages réels, comme Marie Curie, occupent le décor de fond, le récit étant porté par une demi-douzaine de figures de premier plan, dont deux femmes, l’institutrice Renée Manadier et la scientifique Marthe Antain, le rôle méchant étant dévolu à Marcel Chery, sorte de docteur Mengele pour qui les erloor ne valent que leur poids de torture. S’il y aurait un (léger) reproche à faire au roman, c’est que Genefort, tout à le description minutieuse et très imagée de son univers, en a quelque peu négligé le récit, au suspense d’autant plus absent que le mystère que ses deux héroïnes vont tenter de résoudre en se rendant sur la Planète rouge est connu des lecteurs dès la moitié de l’ouvrage. Mais au moins, la balade vaut le coup d’œil (Albin Michel — “Imaginaire”).
JEAN-PIERRE ANDREVON