Un Frank Herbert des origines "La Chute des Anges"
"Captain Futur", superbe serial des années 40 édité au Bélial
LES DÉBUTS DE FRANK HERBERT
On dit bien que les nains aussi ont commencé petits. On se garderait donc d’oublier que le grand Frank Herbert, l’auteur de Dune, a eu lui aussi des débuts difficiles, même son chef-d’œuvre ayant été au départ rejeté par près de vingt éditeurs avant d'être finalement accepté par Chilton, une petite maison d'édition de Philadelphie qui lui offrit une avance de 7 500 dollars. Au titre de ses premiers pas, La Chute des anges, qui n’aborde pas la sf, mais se veut un simple roman d’aventure : le pilote Jeb Logan qui travaille pour son propre compte au cœur de l’Amazonie, est contacté par une jeune femme, Monti Bannon, désireuse de rejoindre son mari qui a monté un «rancho» isolé au bord d’un rio, à plus de mille kilomètres dans la jungle. Il accepte mais, arrivé non sans mal à bon port, l’expédition découvre que la plantation a été attaquée par les Jivaros, que Bannon a été tué, seul survivant son adjoint, un mercenaire allemand du nom de Gettler, que Jeb doit embarquer pour le voyage du retour, à bord d’un hydravion accidenté et incapable de voler, qui doit caboter au long du cours d’eau, poursuivi par les Indiens depuis la rive. À cela s’ajoute un soupçon : et si Gettler était le véritable meurtrier de Bannon ? Herbert présenta à deux reprises son roman, une première fois en en 1957, une seconde, dans une version réécrite, en 1962. Chaque fois, refus sur refus, malgré les arguments de l’auteur faisant valoir que son récit ferait un « bon petit film pas cher ». Qu’est-ce qui n’a pas marché, alors ? Le scénario, tout simplement, Herbert n’ayant pas été capable de meubler son pitch de base du moindre suspense, de la moindre invention, se bornant, pendant plus de 250 pages, à faire lourdement dialoguer ses quatre personnages (s’y ajoute le fils de Monti, âgé de 13 ans), qui se soupçonnent et s’engueulent tout en dévidant une psychologie de bazar sur le sens de la vie, les deux mâles lorgnant bien évidemment sur la femelle, tandis que l'hydravion descent interminablement le fleuve sans qu’on aperçoive un seul indien. Conclusion, et tant pis pour l’aura ensuite gagné par l’auteur, il s’agit d’un bien mauvais livre, qui ne sera publié aux USA que de manière posthume en 2013, et voit ainsi, 12 ans plus tard, son édition française arriver dans les bacs. À réserver donc à qui voudrait absolument posséder l’intégralité des œuvres du grand Frank Herbert… dans la collection qui a accueilli la quasi-totalité de ses écrits (Robert Laffont, “Ailleurs et demain”).
DANS LES FORÊTS DU GRAND NORD
Grand nord canadien. Alaska Stockton, jeune photographe, s’est fait engager par la mairie d’Oldforest, parc national s’étendant au pied des Rocheuses, désert l’hiver, bourré de touristes l’été. En réalité, si Alaska a accepté ce travail de représentation, c’est pour découvrir ce qui a bien pu arriver son père, mort quelques années plus tôt dans un supposé accident de montagne. Elle lie connaissance avec Anton Reed, ancien militaire des forces spéciales qui, lui, vient d’arriver dans la région pour une quête semblable : savoir si sa compagne, censée avoir péri dix ans plus tôt dans un accident de la voiture qu’il conduisait, est réellement morte, ce dont il doute, surtout après avoir aperçu dans restaurant une femme lui ressemblant trait pour trait. Tous deux vont partir pour une expédition hasardeuse dans la neige et le froid, soupçonnant qu’on leur cache beaucoup de choses dans une communauté peu bavarde qui ne compte aucun enfant et où les naturels de l’endroit ne semble pas vieillir. C’est le pitch d’Olforest, signé Pierre-Yves Touzot, qui connait bien une région qu’il nous convie à arpenter avec ses deux héros pendant plus de 300 pages. Si l’aspect documentaire du roman est le point fort de roman, réussissant ce qu’ava it raté Herbert dans le texte ci-avant, il est dommage que l’auteur se soit précipité dans les 50 dernières pages à nous asséner le pourquoi du comment, à travers une multitude de personnages, dont la moitié veut tuer l’autre moitié, son texte, semblant alors été écrit à la vitesse grand V, n’épargnant pas l’impardonnable : « Elle est incapable de quitter l’homme qui a assassiné son père de ses yeux ». Un petit effort, Pierre-Yves, et on abordera en confiance les deux futurs volumes qui devront boucler cette trilogie intrigante (La Trace).
LES PLUS GRANDS DES PLUS GRANDS
Si, aux fans des comics, était posée la question suivante : Quels sont pour vous les plus grands des super-héros ? – on ne risquerait guère de se tromper en sachant d’avance qu’il s’agirait de Batman et de Superman. Parce que ce sont les premiers – nés à un an d’écart dans l’écurie DC –, qu’ils ont résisté à tout et ont été capables d’agglomérer autour d’eux tous leurs confrères apparus au fil des décennies. C’est une nouvelle fois le thème de Justice League Unlimited, où Mark Waid et Joshua Williamson au scénario avec Dan Mora et quelques autres au dessin ont décidé de réunir dans le quartier général de la Ligue, la Tour de Garde, tous les héros de DC dont on ne trouve qu’une petite partie dans l’illustration ci-jointe, et à qui sont opposés quelques Grand Méchants emblématiques, comme les Paradémons, et ceci dans le cadre de l’Amazonie en flamme, rien que ça ! Williamson et Mora, aidés par une bonne dizaine de collaborateurs, se retrouvent dans Superman Dark Prophecy, où le plus super de nos super – dont on apprend qu’il est seulement immortel mais éternel ! – affronte une fois de plus Doomsday, mais aussi le Piégeur temporel, en compagnie de Superwoman qui n’est autre que son épouse Lois Lane, laquelle a hérité de ses pouvoirs. On en dira tant ! Si ces deux albums se présentent comme un condensé d’action et d’effets spéciaux à s’en faire tourner la tête, on retrouve un peu de calme et surtout plus de psychologie dans Ghost of Gotham (Tom Taylor pour le scénario, Mikel Janin au dessin) où le second des plus grands à retrouvé l’assassin de ses parents. Problème : doit-il se venger, lui dont la philosophie est de ne jamais tuer, d’autant qu’une scientifique aussi intrigante que charmeuse lui propose un sérum capable de décupler ses forces. Il ne faudra pas moins que la sagesse de Superman pour lui faire entendre raison. Trois albums dans la grande tradition, et qui réussissent à innover sur un terrain plus que connu (Urban Comics).
AU RAYON DES CLASSIQUES
«Au début, la femme crut qu’elle s’était cognée contre un rocher où un morceau de bois. Elle ne ressentit pas de douleur particulière, plutôt comme on aurait violemment tiré sur sa jambe droite. Elle tendit la main pour toucher son pied, elle ne trouva rien. Elle remonta plus haut (…), ses doigts avaient touché un amas d’os et de chair déchiquetée». D’où sont extraites ces lignes ? Tout cinéphile n’aura qu’un cri, non pour avoir obligatoirement lu le roman dont elles sont tirées, mais pour avoir vu et revu de film de Spielberg, qui lança sa carrière et fut considéré comme le premier blockbuster mondial : Les Dents de la mer ! Rappelons seulement qu’à sa publication en 1973, le volume restera 44 semaines en tête des ventes aux États-Unis et que plus de 9 millions d'exemplaires seront vendus dans le monde. C’est une nouvelle traduction qui nous est présentée aujourd’hui, ce qui permettra à ses lecteurs et lectrices de jauger du travail d’adaptation et de mise en scène du réalisateur, à partir de ce qui n’était au départ qu’une honnête série B, premier livre de fiction d’un jeune journaliste dont un des travaux était d’écrire les discours du président Lyndon Johnson. Une post-face de l’auteur, écrite en 2005, fait part de se regrets d’avoir présenté le requin comme un monstre en rappelant qu’on en tue cent millions chaque année pour les servir dans les assiettes, alors que dans le même temps les victimes de la bête se comptent tout au plus en une petite dizaine. Cela devait être dit ! (Totem).
Passons maintenant à Edmond Hamilton, auteur du fameux Les Rois des étoiles et qui, dès 1940, pour alimenter le périodique Captain Futur lancé par Mort Weisinger, futur patron des D.C. Comics, s’empare du personnage de Curt Newton, géant roux doté d'une science infuse et justicier spatial, que secondent Simon Wright dit le Cerveau, lequel baigne dans un bocal de sérum, Crag le robot indestructible, et Otho l'androïde synthétique, quatuor formant le groupe des Futuristes qui, à bord du vaisseau Comète, va se heurter à tous les méchants possibles d'un bout à l'autre de la galaxie. La saga, essentiellement écrite entre 1940 et 44 mais qui se poursuivra jusqu'en 1951, comptera pas moins de 21 volumes. La série tombée dans l’escarcelle du Bélial’, voilà qu’est publié aujourd’hui un septième volume, Le Magicien de Mars (1941) où sur Cerbère, l’une des trois lunes de Pluton, Ul Quorn, le légendaire Magicien de Mars, ourdit un plan proprement diabolique depuis sa geôle au cœur de la terrible Prison interplanétaire. Un plan dont le seul but est se venger du capitaine Futur, à qui il doit sa réclusion… En même temps est réédité le premier volume de la série, L’Empereur de l’Espace (Captain Future and the Space Emperor) qui commence ainsi : «La noire menace qui couvait à des millions de kilomètres...» Si cela ne vous donne pas envie ! (Le Bélial’).
Jean-Pierre ANDREVON