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TOUT SUR LES VAMPIRES
Croyait-on tout savoir les vampires ? Certes, romans, films et études n’en sont pas avares mais, outres les livres très circonstanciés de Jean Marigny, dont avons régulièrement parlé ici, restait à pourvoir la somme brassant toutes ses apparitions. Eh bien voilà qui est fait avec V, Vampirologie, énorme pavé d’Adrien Party, grand spécialiste qui anime depuis 20 ans le site Vampirisme.com, l’auteur tenant à préciser : « Pièces de théâtres, films, bandes dessinées, jeux vidéo sont des œuvres tout aussi nobles et exploitent bien souvent le sujet avec autant d’intelligence que l’œuvre écrite ». On ne s’étonnera donc pas de trouver des chapitres comme Culture Hip-hop et vampires, ou Hard-Rock et vampires, plus de 40 pages étant consacrées aux jeux vidéo. L’auteur qui, dans sa chronologie inaugurale, fait remonter la première véritable apparition du personnage à l’année 1732, avec Visum et repertum de Johannes Flügkinger, rapport d’un médecin sur un cas supposé de vampirisme, n’hésite cependant pas à citer Homère et son Odyssée (« le premier témoignage selon lequel les morts sont attirés par le sang des vivants ») et voit aussi, dans la faveur que connait le thème au XIXe siècle en Angleterre, « l’allégorie d’un ennemi venue de l’extérieur pour pervertir en son sein la société victorienne face au déclin de l’Empire britannique » – caractéristique en cela : le comte Dracula venu clandestinement de l’Est en bateau… De très nombreux entretiens (Franck Thilliez, à propos des vampires et la fiction policière, Anne Rice, et nombre d’autres spécialistes complètent ce monument de 735 pages, à absorber par petits bouts, dont on peut seulement regretter la quasi absence d’illustrations (timbres-poste en noir et blanc) et une couverture peu attractive (Actusf).
LE COMIC DE LA SEMAINE
La guerre atomique éclate en juillet 2030. Tarik Geiger a juste le temps de mettre sa famille à l’abri dans le bunker du Nevada qu’il a aménagé sous une falaise, qu’une bombe éclate non loin, l’aspergeant de radiations. Vingt ans plus tard, un semblant de société s’est réorganisé autour d’un simili-royaume dont le centre est Las Vegas, et que gouverne une roitelet de pacotille. Mais qui est cet étrange personnage solitaire, seul humain à pouvoir se hasarder à l’extérieur sans scaphandre, qu’on appelle l’Homme atomique et qui, lorsqu’il retire les deux barres (de refroidissement ?) qu’il porte dans son dos, s’illumine et projette autour de lui des radiations mortelles ? On l’aura compris, c’est Tarik Geiger, qui a survécu, que l’enfer subi a transformé en pile électrique, et qui veille jalousement, en compagnie de Barney, son loup à deux têtes, sur le mausolée où est restée cloitrée sa famille. C’est lorsque le roi décide de le capturer que commence la saga de The Unnamed :Geiger, conçu au scénario par Geoff Johns et au dessin par Gary Frank, deux familiers de chez DC qui ont travaillé sur Superman et Batman, pour une post-apo au long cours (272 pages pour ce premier épisode), qui aurait pu sortir de la plume d’Harlan Ellison ou Roger Zelazny, tant cette saga, à mi-chemin entre Mad Max et une fantasy survoltée est aussi surprenante qu’originale, sachant passer de pures séquences d’horreur (les insectes mutants, Tarik carbonisant ses ennemis) à une poésie nostalgique, que le dessin hyperréaliste aux magnifiques couleurs (Brad Anderson) dote d’une présence véritablement physique (Urban Comics).
LA BD DE LA SEMAINE
Nous l’avons signalé plusieurs fois ici, les 15 nouvelles de Liu Cixin, que l’on considère comme une des meilleurs écrivains de SF contemporains, textes regroupés dans le recueil L’Équateur d’Einstein, sont en train d’être adaptées en autant de recueils BD, chacun aux mains de scénaristes et dessinateurs différents, ce qui rend l’ensemble forcément assez hétéroclite et, il bien l’avouer, avec des réussites diverses. Proies et prédateurs, qui vient de sortir, est l’un des meilleurs, qui s’ouvre de manière très « Indiana Jones » sur un chantier de fouilles archéologiques en Abyssinie, où est révélé un mausolée où sont mêlés squelettes humains et de dinosaures. On passe ensuite à la récupération dans l’espace d’un cristal contenant l’image d’une fillette venue prévenir l’humanité de l’approche du Dévoreur, gigantesque tore de cinquante mille kilomètres de diamètre capable d’engloutir une planète de la taille de la Terre et de la dévorer jusqu’à l’os, océans et atmosphère compris. Mais cela ne doit se produire que dans un siècle, ce qui devrait permettre à l’humanité de se préparer. Seulement voilà qu’un vaisseau venu du tore arrive en plein New York, d’où s’extrait un représentant des Dévoreurs, en forme de gigantesque dinosaure bipède qui s’empresse de manger tout cru un fonctionnaire de l’ONU, qu’il trouve à son goût tout en recrachant le croupion. L’adaptateur Jo Morvan a réussi en 108 pages à maintenir un suspense constant dans cette sorte de mixte entre Contact et Independance Day, pour un récit apocalyptique certes assez naïf et qui fleure bon les années 50, que le graphiste chinois Yang Weilin interprète de manière classique mains efficace, jusqu’à la conclusion qui permet de renouer avec le mystère de son introduction (Delcourt).
LE ROMAN DE LA SEMAINE
Le 25 juillet 1925, le château de Randan, qui avait appartenu au dernier roi de France, Louis Philippe d’Orléans, qui régna de 1830 à la révolution de 48, disparaît dans les flammes. Accident, attentat ? Ce n’est que 80 ans plus tard qu’une jeune écrivaine, Abèle, décider d’enquêter, remontant une histoire pleine de mystère l’histoire, dans le but d’en écrire un livre : « Abèle fut frappée par le château en ruines. Elle vit en lui une race de spectres qui murmuraient sans cesse, captivant le regard, attirant l’œil sur ses briques noires, sur ses murs léchés par des flammes éteintes depuis quatre-ingts ans, un fantôme bavard et muet, dont le vêtement flottait au milieu d’un immense parc… » Ce qui l’amène à rencontre une étrange bibliothécaire, Odélia, qui en sait peut-être plus qu’il n’y paraît, la complicité des deux femmes leur permettant de plonger dans le passé, particulièrement celui d’Adélaïde d’Orléans, sœur du roi, qui parait avoir eu un rapport bien particulier avec la nature et les animaux. Avec La Tour des dames, Céline Maltère, qui a su nous charmer depuis une petite dizaine d’années par ses nombreux récits, romans ou nouvelles, dix-huit si l’on compte bien, délicats et poétiques, cruels aussi parfois, nous entraine ici dans un monde légendaire où s’exprime fortement ses opinions, comme l’amour de la nature qui va de paire avec sa détestation de la chasse et des chasseurs, les animaux finissant d’ailleurs par avoir le dernier mot : « La foule des forêts étrangla, dévora, et les balles ne purent rien contre elle quand on appela en renfort les gendarmes. Sur le paysage étripé, les bêtes se délectait des hommes ».
Comme nous délectons de la prose fluide et élégante de dame Céline (Christine Bonneton).
OBJETS FILMIQUES NON IDENTIFIÉS
Qu’est-ce qu’un Ofni ? Comme le définit le titre ci-dessus, ce peut aussi bien être un nanar qu’un film ne relevant d’aucun genre ou, même s’il appartient à un genre précis, sa singularité en fait un Ofni à l’intérieur de sa propre catégorie. Et, s’il peut s’agir de films « si décalés qu’ils sont à la limite du ridicule », ils peuvent aussi intégrer des films parfaitement réussis même s’ils restent inclassables. Voilà en tout cas résumé le propos d’Alain Pozzuoli et Philippe Sisbane qui, dans Les Ofnis du cinéma fantastique et de SF, en réunissent une centaine, dont le choix, assurément personnel aux deux auteurs, laisse parfois perplexe. S’il ne fait pas de doute qu’After Blue de Bernard Mandico est une daube d’une belle prétention ou que Les Pomp pomp Girls du Diable (Greydon Clark), où «un tel degré dans la débilité confine à l’œuvre d’art», on s’étonne de trouver dans la liste le Freaks de Tod Browning comme Le Procès de Wells, Barbarella de Vadim comme le Vampyr de Carl Dreyer, tous films reconnus, devenus des classiques et ne déparant nullement l’œuvre de leurs auteurs respectifs, de même que l’Alphaville de Godard, présenté comme son seul film de SF alors qu’il est aussi le réalisateur de deux courts métrages du genre. Certes on ne chipotera pas sur Titane de Julia Ducournau, par ailleurs deux fois orthographiée Duvournau, et l’on s’amusera de lire que L’Homme-homard venu de Mars est un film « alimentaire », sans savoir s’il s’agit d’humour volontaire ou non. De toute façon, on parcourra ces pages pas trop sérieuses avec l’amusement qui leur est dû, ne serait-ce que pour le plaisir éprouvé à n’être pas toujours d’accord avec leurs auteurs (Terre de brume).
JEAN-PIERRE ANDREVON