Truc de dingue: le premier numéro de "Spiderman" se vend à plus d'un million de dollars !
Majik, prometteuse nouvelle collection de poche.
HONNEUR À LA MAISON AU BORD DU LAC
L’équipe d'Urban Comics nous font part de leur joie de recevoir le prix bd Fnac-France Inter 2024 Fauve pour l’album The Nice House of the Lake, dont le tome 1 fut publié l’an dernier et donc nous avons parlé ici : « Cette récompense revêt un caractère tout particuliers à nos yeux. À cause des liens très étroits que nous avons créés avec les auteurs, James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno lors de leur venue en France, il y a tout juste un an. D'autre part, par la portée de ce titre, sur ce qu'il dit de notre monde et de notre rapport à l'autre. Et enfin pour ce que ce titre représente : un formidable représentant de la diversité des genres en comics, qu'il est toujours dommageable de réduire aux seuls super-héros ». Rappelons le départ du récit : Ils sont une dizaine de copains et copines de bar trentenaires, dont un certain Walter, qui invite les autres à venir passer un week-end dans sa maison isolée au bord d’un lac, dans le Wisconsin. Tous s’y retrouvent, le lieu est magnifique mais, quand Walter se manifeste, c’est sous la forme d’une apparition au corps distordu comme une figure d’un tableau de Bacon, pour annoncer à ses amis qu’ils sont les seuls survivants de la fin brutale de l’humanité, ce que prouvent des vidéos montrant des villes en flammes et des gens qui, atteints par une marée rouge tombée du ciel se désagrègent atrocement. Mais est-ce bien la vérité? Et eux, pourquoi ont-ils été choisi ? Quant à Walter, à nouveau disparu, est-il responsable ou n’est-il qu’une sorte de messager? Extra-terrestre? Sans moyen de communication, sans pouvoir s’échapper à cause d’une barrière intangible qui délimite le domaine, les onze vont donc survivre entre l’ennui, les hypothèses, les disputes. Très prenant, cet album de 184 pages prend son temps pour décrire cette claustrophobie de manière la plus réaliste au possible, dans une ambiance à la Stephen King, tandis que le dessin brut de Bueno (Aquaman, Batman) rend à la perfection l’angoisse qui règne. Le second tome, qui vient de paraître, un peu bavard il faut l’avouer, ne fait que préciser certains aspects élaborés dans le premier (les captifs auraient atteint l’immortalité), tandis que Walter ne serait en réalité pas le vrai commanditaire de cette situation. Pour tout savoir, il va nous falloir attendre un second cycle annoncé (Urban Comics).
JOHN BRUNNER REVISITED
Nous avions un peu perdu de vue John Brunner, prématurément disparu en 1995 à l’âge de 60 ans, auteur de ces deux livres majeurs que sont Tous à Zanzibar et Le Troupeau aveugle. Il est vrai que, si son œuvre a été dans sa grande majorité traduite chez nous, restait encore quelques sous-couches à exhumer, ainsi de ce court cycle de cinq longues nouvelles réunis sous le titre générique du Voyageur en noir, et originellement publiées en Grande-Bretagne entre 1960 et 1979 pour l’ultime, ce qui laisse à supposer que, pour notre auteur, il s’agissait d’entractes ouverts entre des récits plus sérieux, d’autant que, pour la seule fois dans sa carrière, Brunner s’était ici lancé dans l’heroic fantasy. Fantaisie plus qu’héroïque d’ailleurs, son personnage, un magicien du nom de Mazda possédant un bâton de lumière dont il frappe le sol pour en faire surgir l’élémental Laprivan-aux-yeux d’or, ne faisant que résoudre des problèmes de droit et de justice touchant d’ailleurs – et c’est là où l’on reconnait sa patte – plus les gens du peuple que les grands seigneurs, la philosophie de l’ensemble, comme le note le préfacier Patrick Moran, étant de substituer l’ordre rationnel au chaos des origines. On lira donc avec plaisir et amusement ces lignes tirées du passé, certes pas du grand Brunner, en cause des scénarios bien effilochés, mais qu’il aurait été dommage d’ignorer (Mnémos).
RÊVER AVEC UN RÊVEUR
Enfin plus de violence ! serait-on tenté de crier en refermant le bel album de Raphaël Drommelschlager, L’île où le roi n’existait pas. De quoi s’agit-il ? D’un jeune homme de trente ans quand même, Max, qui tient une librairie où ne passe jamais personne. Il ne fréquente pas grand monde, Gus, un copain qui tente vainement de le sortir de sa léthargie, et Camille, qui pratique le beau métier de tailleuse de guitare même si elle ne sait pas en jouer, et aimerait bien attirer Max dans son lit, alors que lui a autre chose à faire : rêver. Il se laisse couler dans son bain, et le voilà au fond de l’océan, folâtrant avec une baleine à bosse ; des poissons, des tortues marines l’accompagnent quand il parcourt, la nuit, les rues de la ville. Rien ne changera pour lui ? Non, car deux événements vont le pousser à partir pour l’ailleurs: l’incendie de sa librairie et un concours gagné pour un voyage vers les îles lointaines. En 96 pages finement dessiné et enluminées de couleurs délicates, l’auteur sait nous plonger dans les rêveries de Max. Pour la jeunesse ? Non, tous âges. Un risque de mièvrerie ? Non, une poésie toute simple qui peut venir de Windsor McKay. Et que va trouver Max à son réveil ? L’amour, bien sûr (Grand Angles).
UN SPIDER-MAN DE PRIX
Un exemplaire du premier numéro de Spiderman, aux conditions de conservation « quasi-parfaites », s'est vendu pour 1,38 million $ (environ 1 ,26 million €) lors d'enchères à Dallas, organisées par Heritage Auctions, établissant un record pour ce comics de l'homme araignée. Lors de la même vente, un exemplaire du Superman #1 a aussi affolé les compteurs avec un prix final s'élevant à 2,3 millions $ (environ 2 ,1 millions €). L'exemplaire de Superman #1 que proposait Heritage Auctions était noté 7.0, un état « Bon / Très Bon ». La maison d'enchère présentait également une copie de Showcase No 4, avec la première apparition de Barry Allen (The Flash), vendue pour un montant record de 900.000 $ ; une copie de All-Star Comics No 8 de 1942, qui marque la première apparition de Wonder Woman, adjugée pour 1.5 million $ ; ainsi qu'une copie de All-Story d'Edgar Rice Burroughs, publiée en octobre 1912 et dans laquelle on voit Tarzan pour la première fois, vendue pour 264.000 $.
BD : LA GUERRE AU PASSÉ
Il faut toujours avoir l’œil la collection « Jour J », qui continue de dévider ses uchronies les plus diverses. Avec sa cinquantième parution (déjà !), Saint-Denis des Amériques, nous sommes en 1685, alors que Louis XIV est mort prématurément et que son frère Philippe VII règne sur la Nouvelle France, à savoir une large enclave sud-est de l’Amérique du nord, où le bon roi a lié alliance avec les tribus iroquoises et a aboli l’esclavage. Près de lui Fouquet, qui donc échappé au courroux de Louis XIV et un certain Aramitz, dernier survivant de la bande des quatre. Politiquement, Philippe est tiraillé entre son désir de reconquérir le royaume de France ultime ouvrage, Airside (2023) reste non traduit à ce jour. ou d’étendre son empire vers l’ouest. D’autant que Saint-Denis est cerné au sud par les possessions espagnoles, et à l’est par les Anglais, lesquels préparent des machines infernales navales pour couler la flotte française. Scénarisé par les habituels Fred Duval et Jean-Pierre Pécau (qui laissent de côté un peu trop d’ombres historiques – qui règne en France métropolitaine, pourquoi Philippe en a-t-il été chassé ?) et dessiné avec un beau classicisme par Vladimir Aleksic, ce premier tome de 52 pages est surtout une mise en place détaillée, avant un tome 2 où l’on espère un opeu plus d’action (Delcourt).
Très différent est le One shot La Guerre des Amazones, lui situé en 805 en Bohème, territoire en passe d’être envahi par les armées de Charlemagne commandées par son fils Karl, dans le but affirmé de christianiser ces barbares, sur qui règne le roi Krok, lequel laisse volontiers à ses deux filles, Libussa la blonde guerrière qui préfère les femmes, et la brune Tété qui a des visions Pour donner une image la plus évocatrice possible de ces âges sombres, qu’a scénarisé Stéphane Piatzszek, le graphiste Guillermo Gonzalez Escalada a usé d’une technique graphique s’apparentant à la peinture préraphaélite de la première moitié du XIXe siècle, ce qui nous vaut en 3D très sombre de magnifiques scènes de chasse, de guerre, de chevauchées, d’alcoves aussi, où la cruauté s’allie à l’érotisme (le long bain des deux sœur). On retiendra en particulier la séquence où un prélat fait abattre une idole pour la remplacer par un gigantesque crucifix, avant qu’il ne soit enlevé par un dragon qui l’emporte jusqu’au nid de ses petits qui le croquent à belles dents. Game of Thrones n’est pas loin. Décédé en plein travail, Escalada fut remplacé pour les 7 dernières pages de l’album par Iñaki Holgado et Nicolas Bègue, lesquels n’ont pas démérité. Au total, un éblouissement pour les yeux (Soleil –« Quadrants »)
UNE NOUVELLE COLLECTION DE POCHE
Apparu en 2017 dans le paysage des Littératures de l’Imaginaire, Leha Editions amorce 2024 avec un gros dossier : la création d’une collection de poche, Majik. Un pari audacieux, autant qu’une nouvelle corde à l’arc de cet éditeur, installé à Marseille depuis quelques années. Jean-Philippe Mocci, son directeur : «Notre projet majeur est le lancement de Majik, ce qui dans la vie d’une maison d’édition n’est pas anodin. Côté Fantasy, nous allons notamment conclure deux grandes sagas, Le Livre des Terres Bannies de John Gwynne et la Trilogie de Licanius de James Islington, en poursuivre d’autres telle la Confrérie du Sang de John Gwynne une Fantasy d’inspiration viking dont le premier tome L’Ombre des dieux marche très fort depuis sa parution à la rentrée dernière, avec une première réimpression deux mois après sa sortie malgré un très beau tirage initial. Et nous prévoyons bien sûr aussi quelques pépites avec nos auteurs français, notamment pour la rentrée littéraire Inkarmations de Pierre Bordage et Cathédrale de Hermine Lefebvre
Jean-Pierre Andrevon