FILMS EN VOD
UNE OBSESSION VENUE D'AILLEURS ***
(Paramount Channel)
Le duo Berk & Olsen appartient à cette nouvelle génération de scénaristes-producteurs-cinéastes spécialisés dans le cinéma à petit budget mais à "haut concept". Ils débutent avec le thriller Body en 2015 puis enchainent par Stake Land 2 : The Stakelanders et Villains. Leur dernière œuvre poursuit dans cette veine : peu de personnages, une durée réduite et un twist à mi-parcours qui modifie totalement notre perception du film. Une belle économie de moyens puisque, durant 90% du temps de projection, le métrage se concentre sur deux protagonistes, le couple composé de Ruth (Maika Monroe) et Harry (Jake Lacy). Ensemble depuis six ans, très amoureux, ils ont décidé d'effectuer une randonnée en forêt afin, notamment, de lutter contre l'anxiété persistante de Ruth. Harry se propose, de son côté, de la demander en mariage. Bref, ce week-end sylvestre s'annonce parfait… Mais le spectateur, lui, a été témoin d'un événement mystérieux dès l'entame : la chute d'un corps céleste, prémisse à des manifestations extraterrestres.
Si l'utilisation d'un environnement forestier pour susciter l'angoisse n'est pas neuve, l'ensemble fonctionne parfaitement. Les interactions entre les deux protagonistes se montrent bien gérées et, en quelques minutes, leur caractère se voit brossé adéquatement. Ils deviennent ainsi rapidement attachants. Les paysages sont, pour leur part, idylliques mais les deux réalisateurs parviennent, grâce à une belle photographie et un jeu sur les ombres, à leur conférer un aspect angoissant.
Présenter dès le départ la nature de la menace se révèle, en outre, une bonne idée, créant un sentiment de crainte palpable dès la découverte d'un cerf enduit d'une étrange substance noire. Le tout s'exacerbe lors du retournement de situation, proposé après quarante minutes, qui propulse le film vers la science-fiction.L’œuvre emprunte certains éléments à divers classiques mais emporte l'adhésion par son ambiance paranoïaque. Si tout n'est pas parfait, la présence de Maika Monroe (It Follows) assure la qualité d'interprétation nécessaire à crédibiliser le récit. Jake Lacy (Rampage) se montre, lui aussi, très efficace dans un rôle pourtant délicat.
Frédéric PIZZOFERRATO
TROLL ***
Norvège. 2022. Réal.: Roar Uthaug. (Netflix).
Enfant, Nora contemplait, avec son père Tobias, le massif de Trolltinden, source de nombreuses légendes en Norvège. Désormais adulte, elle est devenue paléo biologiste et fait des fouilles dans l’espoir de trouver des fossiles de dinosaures. Mais quand, à cause de travaux de construction d’un tunnel, un troll se libère de la montagne dans laquelle il était piégé et dévaste tout sur son passage, Nora est appelée par le gouvernement pour tenter de comprendre cet étrange évènement…
Le Japon a ses Kaijū, la Norvège possède ses Trolls. Et tout comme Godzilla ou Gamera, ils ne sont pas commodes. Comme en témoigne le film de Roar Uthaug (Cold Prey, Tomb Rider) qui met en scène, avec Troll, un divertissement aussi réjouissant que dépaysant. Débutant de manière sensible et juste en nous dévoilant l’héroïne, alors enfant, écouter son père lui parler de la Nature et des légendes ancestrales auxquelles elle ne croit pas, le métrage s’attache dans un premier temps à nous présenter la personnalité de Nora, jeune femme intelligente et déterminée, absorbée par son travail. Le récit emprunte évidemment de nombreux codes déjà utilisées dans ce type de productions, mais il le fait de telle manière qu’il se créé presqu’automatiquement une connivence avec le public habitué à ce genre de spectacles cinématographiques. Ainsi, à bien des égards, Troll évoque par moments, les films des années 80 estampillés Amblin et dégage un parfum de nostalgie. Voir cette créature gigantesque marcher vers Oslo et détruire tout ce qui est sur son chemin procure une joie quasi enfantine et constitue l’un des points forts de cette histoire au message éminemment écologiste. Les effets spéciaux sont en outre de fort belle facture et participent grandement au plaisir que l’on peut prendre devant cette production ne manquant pas d’humour, bien au contraire. En témoigne la relation conflictuelle que l’héroïne entretient avec son père, un père qui vit en ermite au plus près de la Nature et qui n’hésite pas à accueillir sa fille en slip, un fusil à la main. Réalisé avec efficacité, bénéficiant d’une magnifique photographie mais aussi d’une solide interprétation, Troll s’impose à l’arrivée comme un divertissement familial haut de gamme qui démontre une fois de plus l’excellente santé du cinéma fantastique nordique.
Erwan BARGAIN
LES LIGNES COURBES DE DIEU ****
(Los renglones torcidos de Dios). (Netflix).
Alice Gould est détective privée. Pour les besoins d’une enquête, elle se fait passer pour une paranoïaque afin d’être internée dans un hôpital psychiatrique. Son but : élucider la mort mystérieuse d’un jeune patient. Mais rapidement, elle va passer, aux yeux des médecins, pour une femme fortement déséquilibrée dont le cas nécessite un traitement…
Cinéaste ibérique jouissant d’une belle réputation auprès des amateurs de thrillers, Oriol Paulo s’est fait connaître en coscénarisant Les yeux de Julia avant de passer derrière la caméra et de réaliser ses trois premiers longs-métrages, El Curpo, L’accusé et Mirage. Avec Les lignes courbes de Dieu, adaptation du roman éponyme de Torcuato Luca de Tena, il confirme son indéniable talent pour distiller le suspense et nous offre un film fascinant à plus d’un titre. Reposant sur un script à la fois complexe et virtuose qui mêle passé et présent, réel et folie, Paulo tisse un récit machiavélique qui s’amuse à brouiller les pistes et à promener le spectateur dans une intrigue à tiroirs qu’il est difficile d’évoquer sous peine d’en altérer l’intérêt. Toujours est-il que le mystère entourant le personnage d’Alice, mais aussi ceux d’Ignacio ou du directeur de l’hôpital contribue grandement à semer le trouble dans l’esprit du public et accentue la dimension psychologique de l’histoire. Lors de séquences quasi oniriques, le réalisateur nous entraîne ainsi dans le subconscient de l’héroïne ajoutant, au passage, quelques pièces au puzzle qui s’assemble sous nos yeux. Il ponctue en outre son film de scènes véritablement marquantes comme celle de la danse d’Alicia sur le morceau «Summer Wine» de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood ou encore celle dans la geôle qui s’avère réellement terrifiante. L’interprétation est, de plus, de grande qualité (mention spéciale à Barbara Lennie, fabuleuse dans le rôle d’Alice), tout comme les décors qui avec leur côté rétro, participe à l’ambiance si particulière du métrage. Quant au dénouement, dont évidemment nous ne dirons rien ici, il contribue lui aussi à la réussite de cette œuvre à la fois surprenante et passionnante qui confirme la maestria d’Oriol Paulo.
Erwan BARGAIN
IL ÉTAIT UNE FOIS 2 **
(Disenchanted). USA. 2022. Réal.: Adam Shankman. (Disney+).
Catapultée dans le monde réel, Giselle, la princesse du monde merveilleux d’Andalasia, est mariée depuis une dizaine d’années à Robert, un avocat new-yorkais, père d’une fille prénommée Morgan. Alors qu’un nouveau-né est venu agrandir la famille, le couple, lassée par la vie citadine, décide d’emménager à Monroeville, une petite bourgade champêtre et bucolique…
En 2007 sortait sur les écrans, Il était une fois, réalisé par Kevin Lima et qui rencontra un succès-surprise au box-office. Recyclant régulièrement les grands titres de leur catalogue, les studios Disney ont donc décidé de donner une suite à cette comédie musicale qui jouait avec les codes du conte de fée. On retrouve ainsi Giselle et sa famille quinze ans après les faits relatés dans le premier film. Morgan a grandi et est désormais une adolescente rebelle qui ne croit plus aux histoires merveilleuses de sa belle-mère et qui a bien du mal à accepter de quitter New York pour s’installer à Monroeville. Cette relation conflictuelle entre Giselle et la jeune fille sert ici de ressort narratif au récit, qui emprunte de nombreux éléments à Cendrillon. Les références au célèbre métrage d’animation de Disney sont en effet nombreuses et servent en quelque sorte de fil rouge à cette séquelle jouant à fond la carte du féérique. Décors grandioses, costumes colorés, animaux qui parlent, prince charmant, dragons…Tous les éléments sont rassemblés pour transporter le spectateur dans un univers cartoonesque, profondément ancré dans l’imaginaire collectif comme en témoigne les nombreux clins d’œil aux classiques Disney qui émaillent le film (La Belle au bois dormant, Raiponce, Blanche Neige et les sept nains…). Malheureusement, si certaines séquences s’avèrent aussi amusantes que réussies, cela ne suffit pas à hisser cette suite à la hauteur de son prédécesseur, l’humour appuyé, les longueurs et les passages musicaux trop nombreux brisant quelque peu la magie de l’ensemble.
Erwan BARGAIN