Tout un été avec "Superman", des comics au film en passant par une biographie "totale"
Paul Verhoeven, 87 ans, en pleine forme et prêt pour de nouvelles aventures
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L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE
Thoorak, voilà le titre du premier volume d’une nouvelle série, La Confrérie des Tempêtes, que signent au scénario J. L. Istin et Sylvain Cordurié, avec Giovanni Lorusso au dessin, et déjà prévue pour 5 albums, dont les couvertures et titres sont déjà dans les tiroirs. Agora, gamine de 12 ans qui n’a déjà pas froid aux yeux, vit dans le port de Havrerhum. Et voilà qu’un soir, toute sa famille est passée sous ses yeux au fil de l’épée. Par qui et pourquoi ? Et alors qu’elle-même est sur le point d’être assassinée, elle est sauvée par un gigantesque Orc, à peau verte comme il se doit, Thoorak, qui se trouve être le second du féroce capitaine Blackthorne, sur le point d’appareiller à bord de son voilier pirate La Lanterne. Agora, comme on s’en doute, embarquera, et il faudra les 70 pages aventureuses de l’album, où «Les tempêtes broyaient les navires comme du bois pourri, où le scorbut vous arrachait les dents une à une» pour devenir une piratesse de 18 ans, sur qui continue de veiller Thoorak. Nous sommes sur le monde bigarré d’Arathéon, où s’opposent la Confrérie des Tempêtes, maîtresse des océans, et l’empire d’Orl Kaartan. Si ce scénario ressemble à mille autres au royaume infini de la fantasy, ses auteurs ont suffisamment de métier, avec un dessin aussi précis qu’évocateur pour qu’on ne lâche pas cette entrée en matière qui promet. (Oxymore).
Exodus, premier tome de la nouvelle série Rook nous transporte dans le futur (2171) et sur une autre planète, Exodus, laquelle, en plein cours de terraformation et de peuplement, a brusquement vu son appareillage technologique tomber en panne, d’où reflux de la plupart des habitants, sauf ce qu’on appelle la main-d’œuvre, abandonnée volontairement ou non sur un monde qui, livré à lui-même, redevient sauvage. Ce planet opera conjugué au survivalisme est mu par un pitch ingénieux : les Bergers, ou Connecteurs neuronaux animaliers, sont muni d’un casque leur permettant de lier leur esprit à l’espèce animale à laquelle ils sont connectés, et d’une certaine façon les commander. Nous faisons ainsi connaissance avec Corbeau et sa horde de corvidés, et de Louve entourée de sa horde de loups, qui vont avoir à faire avec un rebelle, le colossal Ursa, qui dirige des ours. L’essentiel de cet album de 192 pages tient à des combats animaliers furieux au sein d’une jungle devenue proliférante, le pitch-bis étant que les animaux locaux, désormais libérés du terraformeur qui les tenait en laisse, sont devenus énormes. D’où, illustrant un scénario basique où nous ne courrons pas après la logique (Geoff Johns), des séquences magnifiques enrichies par de périodiques doubles-pages où Jason Fabok, conforté par les couleurs virulentes de Brad Anderson, nous plonge dans un film en images fixes d’une perfection stylistique à n’en pas croire ses yeux, où Corben n’est pas loin. De plus, ce qu’on n’hésitera pas à qualifier de chef-d’œuvre n’est qu’un premier tome qui nous laisse attendre les suivants avec plus que de l’impatience (Urban).
PAUL VERHOEVEN EN LONG ET EN LARGE
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe, en France en tout cas, que bien peu d’étude sur ce cinéaste majeur qu’est Paul Verhoeven (citons un livre d’entretiens par Nathan Réa, chez Rouge profond et qui date de 2010). Aussi est-ce combler un vide que ce pavé de 750 pages, qu’on doit au critique et ami du réalisateur Rob van Scheers, néerlandais comme lui, dont l’ouvrage ne fait pas que suivre la carrière de Verhoven, mais intègre ses confidences, ce qui permet de plonger dans les processus de création et les liens avec la vie de celui qui vécut son enfance pendant la guerre et n’hésitera pas à déclarer à propos de son œuvre : «Un peu de guerre, c’est très excitant». Et aussi : «Je me fais généralement peu d’illusion sur la moralité de mes personnages principaux». Alors cynique, Verhoven ? On constatera à l’écouter que rien n’est simple pour quelqu’un qui, dans son pays, est invariablement démoli par la critique bien qu’il ait contribué à sauver presque à lui seul l’industrie du film néerlandais avec l’immense succès de son long métrage Turkish Délices, qui détient toujours le record du plus grand nombre d’entrées du cinéma néerlandais. Comme il ne peut être question, dans le cadre de cette notice, de suivre pas à pas une carrière dont le flambeau est le fameux Basic Instinct dont on suivra un tournage difficultueux, Michael Douglas n’acceptant qu’au bout de six mois de casting de tourner avec Sharon Stone, on retiendra au moins ces paroles de celui dont les trois cinéastes préférés sont Hitchcock, Ingmar Bergman et David Lean : «Les films qu’on voit enfant son déterminants pour notre futur goût créatif». Même s’il tient à ajouter, fausse modestie peut-être : «Tout m’est toujours tombé dessus. De tout ce que j’ai proposé, ce qui venait de moi, rien ne s’est jamais fait. J’ai fait ce qu’on me proposait. Mes films c’est à 70 % l’équipe et le casting. Moi je ne représente que 30 %, au mieux». Si les quelques 300 pages sure ses films hollandais, moins connus, sont précieux, le cinéphile plus attaché à son œuvre fantastique (cf. le très mal compris Starship Troopers) se passionnera pour sa carrière américaine, qu’on doit à Spierberg qui lui aurait dit : «Les Pay-Bas sont trop petits pour toi. Viens travailler ici». Passionnant, de la part d’un jeune homme de 87 ans, qui rêve toujours d’un film sur Jésus et n’a pas dit son dernier mot (Aux forges de Vulcain).
SUPERMAN INTERNATIONAL
Est-ce la sortie cinématographique du Superman nouveau signé James Gunn qui a suscité cet essor ? N’en doutons pas, car du côté de chez DC et de ses traductions chez nous, c’est l’envol. Ainsi de Superman the Word, album collectif de 15 histoires courtes réparties sur 216 pages, et dont la particularité est de nous présenter des créations issues d’autant de pays différents, signalées par un petit drapeau national. Ce qui nous vaut une variété réjouissante, l’humour ou le pastiche respectueux prenant en général le pas sur la dramatisation. La France, par exemple, avec Superman à Paris (scénario Sylvain Runberg, dessin Marcial Toledano Vargas) nous présente Lois et Clark en vacances dans notre capitale, leur idylle étant interrompue par le surgissement de la Seine de King Shark, hommage à n’en pas douter à certain requin qui la hanta. Chaque pays se servant dans son récit d’une particularité nationale, on verra, au Mexique, l’homme d’acier se heurter aux dieux incas venus lui faire la nique (À la gauche du colibri de Bernardo Fernandez). L’Italie, elle, a choisi de faire descendre notre héros dans L’Enfer de Superman, hommage cette fois à Dante, où Marco Nucci au scénario et Fabio Celoni avec un dessin dynamique et coloré nous offrent un des plus longs et des plus réussis segments quand, pour l’Inde, Rana Daggubati et Sid Kotian nous demande Comment être un héros quand on vole les trésors architecturaux. Arrêtons-nous là en signalant une récurrence avec laquelle certains auteurs se sont bien amusés : comment Clarke arrive-t-il à se changer quand il n’y a nulle cabine téléphonique à proximité ?
Le plus populaire des héros peut aussi en voir des durs (rappelons qu’il est mort plusieurs fois), comme dans les 200 pages de The Final Night, où une entité cosmique, le Solarivore, qui se nourrit des étoiles comme Galactus se nourrissait des planètes, vient envelopper notre astre. D’où glaciaction progressive contre laquelle les membres de la Ligue de Justice tentent de lutter, avec à leur tête Superman, qui avait oublié que, à mesure que le soleil faiblit, lui-même perd ses pouvoirs… Heureusement, Lex Luthor et Green Lantern sont Là. Karl Kesel au scénario et Suart Immonen au dessin, aidés par de nombreuses secondes mains, nous donnent une de ces aventures malléables qui, depuis le fameux Crisis on Infinite Earths, nous font tourner la tête. Ces deux albums, bien entendu, chez Urban Comics.
Jean-Pierre ANDREVON