"The Mask" en intégrale délirante !!!
Vite, vite, plus que 10 jours pour soutenir l'Ecran Fantastique
BATI : UNE EXPOSITION
Bords cadres, tel est le titre de la nouvelle exposition de Marc Bati, qu’on peut voir à la galerie Barbier.
L’exposition rassemble une trentaine de portraits de différents formats, reprenant et déclinant la galerie de dessins réunis dans le carnet Bords Cadres. Marc Bati, né en 1960, fait ses débuts dans des fanzines. Il rencontre Moebius en 1982. De leur collaboration naissent Edena, La nuit de l’étoile (Métal Hurlant, 1983), la trilogie Cristal Majeur (Dargaud) puis la série Altor (Dargaud). L’artiste présente ainsi (avec humour) son travail dans sa préface à Bords cadres, un fac-similé de son carnet de dessins éponyme, en tirage limité à 180 exemplaires, édité à l’occasion de l’exposition. Cette édition est accompagnée d’une sérigraphie inédite numérotée et signée par l’auteur sur 96 pages (éditions Barbier)
Galerie Barbier, 10 rue Choron, 75009 Paris
DU CÔTÉ DES COMICS
Sandman The Dreaming
Si Neal Gaiman, créateur de sa série célèbre, a abandonné le projet, ce n’est pas pour cela que le domaine du Rêve a cessé d’exister, puisque le voilà repris en mains, avec l’assentiment de de l’auteur, par Simon Spurrier, scénariste britannique œuvrant en particulier pour 2000 AD (Judge Dredd) et qui, dans cette première résurrection à l’aise dans un album de 280 pages, s’est entouré de nombreux graphistes, dont Bilquis Evely… Alors que le pays des songes, réparti en sept Puissances, lez Destin, la Mort, le Rêve, le D2sir, le Désespoir, le Délire et la Destruction vivait une période de paix, voilà qu’un nouveau danger menace. Pour y faire face, de nouveaux personnages entrent en scènes : Luciebn gardien de la bibliothèque des Rêves, contenant tous les livres, même ceux qui n’ont jamais été écrits, Mervyn Potiron, qui en a la tête d’Halloween, l’intrépide Dora, « rare résidente du Songe à pouvoir dormir mais qui ne rêve jamais », sans oublier le corbeau Matthew, qui jadis fut un homme. Inutile bien sûr de tenter de résumer une histoire qui en contient mille et n’obéit qu’à la logique du rêve, pas très éloigné de celle d’Alice, seulement se laisser porter par un vent de folie, un dessin tourbillonnant, comptant de magnifique têtes de chapitre pleines page dues à Jae Lee et June Chung (Urban Comics).
Tout aussi fou mais plus détendu, un personnage bien connu The Mask , apparait dans le quatrième et dernier volume de son intégrale, 200 pages contenant deux longs récits, Carnaval ( Rich Hedden au scénario, Goran Declic au dessin) et Les Jouets du grenier (Bob Fingerman et Sibin). Il est permis de référer le premier titre, originellement publié d’avril à juillet 1996, qui se déroule en Louisiane, avec vaudou et crocodile, et où le masque s’accapare un cuisinier qui crache me feu, une strip-teaseuses qui se dévêt jusqu’au squelette, ou encore devenir Tarzan («Moi Tarzan, toi du gênes !») la seconde histoire étant (relativement) plus sage. Mais l’essentiel est qu’on s’amuse bien (Délirium).
DRUUNA REVIENT
Tout amateur de BD a gardé dans l’œil la splendeur dénudée de la sculpturale Druuna, cette héroïne créée en 1986, dans l’album Morbius Gravis par l’Italien Paolo Eleuteri Serpieri, qui allie dans son trait fouillé la grâce d’un Manara et la précision de Moebius. Bonne et mauvaise nouvelle à la fois, l’auteur a abandonné sa Barbarella bis à d’autres mains, ce qu’il explique dans la préface à Druuna, au commencement (t. 1 : Espoirs) : « J’ai décidé avec mon éditeur italien d’ajouter à mes histoires la relations d’autres événements vécus par Drunna et qui se sont produits quelques années plus tôt. L’ouvrage que vous avez entre les mains est donc le premier épisode d’une nouvelle série écrite par Alessio Schreiner, dessinée par Eon et supervisée et approuvée par mes soins ». Il ajoute, concernant ses propres travaux: «J’en suis au chapitre 10, que j’aurai terminé dans quelques années». Nous prendrons donc patience, avec les 64 planches de cette résurrection où, dans la ville hantée par les mutants que nous avons déjà tant de fois arpentée, Drunna et son amant Kartes tentent de fuir vers le monde du dessus, traqués par les monstres tentaculaires et les sbires du maître encapuchonné de la cité. Certes, si nos nouveaux auteurs font ce qu’ils peuvent pour coller au style de Serpieri, le dessin, à regarder de près, n’a pas sa finesse, et les péripéties sont quelques peu routinières, ce qu’Eon compense par un surcroit d’érotisme. On s’en contentera (Glénat/Lo Scartabeo).
UN PEU DE LECTURE :
Zéphy, Alabama de Robert McCammon.
Zephyr, dans l’Alabama, est une ville idyllique pour Cory Mackenson, onze ans.
Un lieu rassurant où, en 1964, la vie est encore simple ; on travaille à l’usine de papier ou à la laiterie, les familles aussi différentes soient-elles sont unies,
les amitiés sont éternelles et même si parfois les comètes zèbrent le ciel, des bolides hurlants filent sur les routes et certains habitants font preuve d’excentricité,
c’est un incroyable terrain de jeu pour un enfant à l’imagination fertile qui souhaite devenir écrivain. Malheureusement, un froid matin de printemps, alors que Cory accompagne son père dans sa tournée, ils sont témoins d’un accident : une voiture finit dans les eaux sombres et insondables du lac Saxon. Malgré une tentative de sauvetage désespérée, le malheureux conducteur ligoté derrière son volant plongera inévitablement dans les profondeurs obscures et le père de Cory dans l’horreur qui se tapit toujours trop près de nous. Alors que le jeune garçon s’efforce de comprendre le mal qui les tourmente depuis ce jour, ses yeux s’ouvrent peu à peu sur les forces puissantes et souvent mystérieuses qui l’entourent.
D’une sorcière qui peut entendre les morts et envoûter les vivants, à un clan violent qui n’agit qu’à la pleine lune, en passant par les petites frappes imprévisibles de son quartier, Cory va devoir affronter les secrets qui se cachent dans l’ombre de sa ville natale et traverser le fin voile entre fantaisie et réalité entre folie et magie, car la santé des siens et sa propre vie sont peut-être en jeu…Traduit dans une quinzaine de langues, ce petit chef-d’œuvre primé réunit différents genres qui vont bien au-delà du monde évocateur du sud des États-Unis dans les années 1960, pour toucher à l’universel (Monsieur Toussaint Laventure).
Tè mawon, de Michael Roch.
Lanvil, mégalopole caribéenne, vitrine rutilante des diversités culturelles, havre pour tous les migrants du monde, est au centre de tous les regards. À la pointe de la technologie, constellée d’écrans, la ville s’élève de plus en plus haut, mais elle oublie les trames qui se tissent en son sein. Pat et sa bande de débouya vivent de magouilles et de braquages. Joe et Patson courent de galère en galère, poursuivis par les flics. Ézie et sa sœur Lonia, traductrices, infiltrent les hautes sphères des corpolitiques. Toutes et tous rêvent en secret de retrouver la terre de leurs ancêtres, le Tout-monde, enseveli quelque part sous le béton. Pour y parvenir, un seul chemin : faire tomber les murs entre l’anba et l’anwo, et renverser l’ordre établi. Roman choral irrigué par le kréyol, macrolangue hybridée et imprévisible, Tè mawon est une entreprise de décolonisation de la langue française, aux pulsions cyber-punks.
Tè mawon étant le premier roman de science-fiction caribéen francophone, il était intéressant d’avoir le point de vue de son auteur.
Quels sont selon toi, aujourd’hui, les enjeux d’une science-fiction caraïbo-centrée ? Et qu’est-ce que l’afrofuturisme ?
« L’afrofuturisme, en littérature, est la projection de nos sociétés afrodescendantes dans un futur prophétique où les individus ne sont pas discriminés ou oppressés. Ce sont des récits afrocentrés qui tendent à rééquilibrer une littérature qui ne propose que des modèles positifs blancs et occidentaux, auxquels la majeure partie des populations caribéennes n’a jamais réussi à s’identifier, c’est-à-dire des récits qui parlent de ces sociétés, racontées par elles et pour elles. Tout l’enjeu de la SF caribéenne commence là où l’afrofuturisme échoue : envisager une SF non seulement où les personnes noires ne sont pas l’objet d’un regard oppresseur, mais aussi une SF multi voire transculturelle, au regard de l’héritage immatériel laissé par Édouard Glissant et d’autres penseur caribéens. Tè mawon, littéralement Terre marronne, fait explicitement référence au marronnage des personnes esclavisées : c’est-à-dire leur fuite vers la liberté et leur vie en dehors du système oppressif. La piraterie n’est jamais finie. Le marronnage n’a jamais cessé. La terre des Caraïbes reste et restera un territoire où l’espoir est contre-dystopique : retrouver notre souveraineté, notre libre arbitre… »
Enfin, Le Déchronologue, signé Stéphane Beauverger, nous revient à l’occasion d’une réédition au sein d’un luxueux ouvrage de 410 pages, que Léo Henry présente ainsi : «C’est un unicum dans l’histoire de la science-fiction française, de la littérature en général, une merveille qui fusionne le récit de piraterie, la SF temporelle et l’expérimentation narrative. Ces trois aspects abordés non pas successivement, mais simultanément, et se répondant l’un à l’autre. Le Déchronologue est d’abord, à l’évidence, un récit d’aventures maritimes, prenant place dans les Caraïbes de la fin du XVIIè siècle. C’est un roman d’aventures historiques, avec langue archaïsante, termes techniques, dialogues enlevés. Pour ce qui est de la science-fiction, le livre explore avec minuties le gere secondaire du voyage temporel. On est dans la fabrique de l’uchronie, cet endroit où les époques se frottent…» On ne peut dire mieux au sujet d’un roman justement célébré, dont l’auteur, Breton né en 1969 et adepte des jeux vidéo, s’était déjà fait connaître avec sa trilogie du Chromozone (La Volte).
DICK ENCORE ET TOUJOURS
Nos lecteurs le savent, les éditions Denoël ont commencé la réédition (intégrale ?) des livres de Philip K. Dick. Cette semaine, deux nouveaux pavés le concernant atterrissent sur nos rayonnages, à commencer par les 850 pages de «la Trilogie divine», regroupant les trois derniers romans de l’auteur : Siva, L’Invasion divine et La Transmigration de Thimothy Archer, ultime ouvrage de l’auteur, mort deux jours avant sa publication. On sait que ces romans déroutant sont une tentative d’explication, sinon de justification, d’une expérience mystique dont l’auteur avait fait l’expérience en 1974, et qui avait changé sa vie, avec une nouvelle perception de l’univers. Un cas unique et extrême d’autobiographie fantasmée. Invasion divines, Philip K. Dick, une vie, signé Lawrence Sutin, est une étude globale que son auteur nommait une « sympathie critique », se basant, après une longue enquête, sur les témoignages croisés de tout personne ayant connu Dick. L’ouvrage, épais de plus de 500 pages, avait été salué à sa première édition en 1995 par le Grand Prix de l’Imaginaire. De quoi tout connaître sur un géant perturbé (Denoël).
JEAN-PIERRE ANDREVON