Stephen King part en vrille dans l'espace
Gilles Penso explore 50 ans du dernier empereur d'Hollywood, Ridley Scott
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TOUT DAVID LYNCH
Sous-titré « un marginal à Hollywood » et signé Ian Nathan, Voilà un bien beau livre, grand format, 240 pages, qui remet en lumière un réalisateur rare, qu’on aurait tort d’oublier même s’il s’est fait bien discret ces derniers temps, et qui paraît – est-ce une coïncidence ? – en même temps que le numéro hors-série des Cahiers du cinéma qui lui est consacré. Sagement et classiquement découpé en autant de chapitres que de longs-métrages (Lynch n'en a réalisé que dix n 40 ans de carrière, le dernier datant de 2007), sans oublier ses trois séries télévisées où Twin Peaks se taille la part du lion, l’étude s’attache aux difficultés rencontrées, aux échec publics aussi (Dune, Mulholand Drive – « qui ressemble à ces souvenirs fuyants qu’on ne se remémore jamais complétement ») d’un réalisateur inclassable dont le crédo est : « Les humains sont comme des détectives. Nous voulons tous comprendre ce qui se passe et savoir ce qui est vrai », d’où cette recherche constante mais toujours brouillée (Lost Highway) d’une vérité insaisissable. Si Ian Nathan sait rétablir les beautés d’un métrage boudé et incompris (Dune), si pour lui le chef-d’œuvre de l’auteur reste Blue Velvet « et ses magnifiques perversions », il n’élude pas non plus les doutes saisissant Lynch, d’où peut-être son retrait : « Si l’on pouvait traduire en mots la symbolique de la plupart de mes concepts visuel, personne n’accepterait de produire aucun de mes films ». Voilà en tout cas un panorama aussi riche que passionnant, qu’illustrent de nombreuses photos grand format – ne citons que cette double page où, face à face, Nicolas Cage et Laura Dern, son actrice fétiche, rayonnent au soleil de Sailor et Lula (Huginn & Muninn).
UN STEPHEN KING SURPRENANT
Nous sommes en 2026. Gwendy Peterson, sénatrice (démocrate) du Maine, prend place dans la navette spatiale Eagle-19 Heavy, à destination de la station internationale Many Flaggs, qui ressemble trait pour trait à celle de Kubrick dans 2001. Elle doit, au septième jour, réussir une expérience dont dépend le sort du monde, et dont le Macguffin est contenu dans une valise blanche estampillée « Document classifié ». Dont le milliardaire républicain Gareth Winston, qui lui aussi fait partie du voyage en tant de passager payant s’intéresse de très près. Mais qu’y a-t-il dans cette valise ? La Dernière mission de Gweny, que le maître a co-signé avec Richard Chizmar, peu connu encore en France mais nettement plus aux États-Unis, renvoie, de l’auteur, à Gwendy et la boîte à boutons (Gwendy’s Botton Box, 2017), que suivait La Plume magique de Gwendy (Gwendy’s Magic Feather, 2019), lui écrit par Chizmar. Pour en arriver à ce troisième volet réunissant les deux autreurs, la fameuse boîte à ne surtout pas toucher venant elle en droite ligne de la nouvelle de Richard Matheson Le Jeu du bouton, (1970) portée au cinéma (The Box) en 2009 par Richard Kelly. Si l’on ajoute que les références à La Tour sombre et Ça viennent alimenter une chute surprenante, l’impression est que King a voulu faire une œuvre testamentaire où l’autobiographie n’est pas absente, témoin la personnalité de Gwendy Peterson, 64 ans, qui, souffrant d’un début d’Alzheimer lui faisant tout oublier, y compris le nom de ses coéquipiers, nous offre un portrait aussi touchant que sombrement réaliste d’une dégradation inéluctable. On espère néanmoins que non, ce roman de 2022 devant être suivi, l’an prochain, de deux ouvrages prévus, dont un épais recueil de nouvelles. Quant à cette Dernière mission, est-il utile d’ajouter qu’on y retrouve, intactes, les qualités de toujours du King ? (Le Livre de poche).
JANE, UN BIOPIC DE PHILIP K. DICK
À partir du mois de novembre, des studios hollywoodiens accueilleront le tournage du film Jane, un biopic portant sur Philip K. Dick. Le réalisateur, Alfonso Cuarón, y racontera la vie de l’écrivain à travers le regard de sa sœur jumelle, décédée quelques semaines après sa naissance. Pour cette production Amazon, Alfonso Cuaron, le réalisateur de Gravity (2013) et Roma (2018), fait équipe avec l'actrice Charlize Theron, qui incarnera la défunte. Celle qui a été oscarisée pour Monster en 2003 coproduit également le film via son entreprise, Denver and Delilah Productions. Isa Hackett, la fille de l'auteur, produira Jane aux côtés du duo. Cette dernière a participé à la production de plusieurs adaptations des œuvres de son père, comme Le Maître du Haut Château .Elle explique : « Jane, la sœur jumelle de mon père décédée quelques semaines après sa naissance, était au centre de son univers.
Ce film défiera les conventions d’un biopic et embrassera la réalité alternative que Philip K. Dick— une réalité dans laquelle sa sœur bien-aimée a survécu au-delà de sa sixième semaine. » La multinationale Amazon tisse des liens étroits avec le corpus de l'artiste, ainsi de la série Le Maître du Haut Château, diffusée sur Amazon Prime Video, à l'instar de Philip K. Dick’s Electric Dreams. En 2024, la plateforme sortira une mini-série : Blade Runner 2099. Enfin, la multinationale prépare une adaptation des Clans de la lune alphane coproduite par Electric Shepherd Productions et Patrick Moran Productions...
100 FILMS D’HORREUR
Voilà un titre qui dit tout et avec lequel on ne peut qu’être d’accord, y compris avec cette précaution de François Rey, l’un des trois auteurs avec Fred Wullsch et Henri Delecroix : « Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord avec cette liste ». Laquelle, donc, aligne, décennie par décennie, aligne 100 titres, à commencer par Nosferatu le vampire (1922) et s’achevant avec Mad God de Phil Tippet (2021), « pour l’amour de l’art » précise Rey. Chaque film étant présenté sur une double page abondamment illustrée, tout un chacun pourra donc s’amuser à aller pour ou contre le choix des compilateurs, forcément d’accord (Psycho, « film d’horreur par excellence »), ou trouvant que certains métrages auraient pu rester au garage (Titane), quelques réalisateurs étant nettement surestimés (Jordan Peele). Avis personnel bien entendu, qui est là pour être contesté, avec certaines remarques qui le sont tout autant, comme le fait que nos auteurs doivent avoir un problème avec l’invisibilité puisque ni Hollowman de Verhoeven ni Invisible Man de Leigh Whannel ne sont cités, et le terrifiant Anti Life oublié. En conclusion, si cet ouvrage basique n’apprendra rien aux lecteurs de l’Écran Fantastique, il peut être vivement recommandé aux néophytes (Ynnis).
DEUX POLARS HAUT DE GAMME
Signé du seul Nikopek, Français au départ coloriste, Arcadium se situe en 1989 dans la petite ville de Rosebud, Montana. Un jeune homme, Gavin, se rend à la police, s’accusant du meurtre de toute sa famille, à commencer par un beau-père détesté qui maltraitait sa mère. Racontées en flash-back, les 140 pages de cet album s’étendent longuement sur les journées ayant précédé la tuerie et l’annonçant – les copains, les copines, l’ennui. Extrêmement fouillé concernant les caractères, cette tranche de vie pourrait être signée James Ellroy si, dans sa dernière partie, elle ne virait pas au fantastique allusif, les fantasmes prenant le pas sur la réalité. Construit comme un film aux plans d’un réalisme photographique soutenu par des couleurs mordorées virant peu à peu à l’écarlate, voilà un récit, tel qu’on pourrait le trouver dans les faits divers venus d’Amérique, qui s’imprime aussi durablement dans l’œil que dans l’esprit (Ankama). Plus classique mais tout aussi prenant, Douze, signé au scénario par Herik Hanna et au dessin par Hervé Boivin, voit douze personnes, onze hommes et une femme, invités pour un repas fastueux dans un hôtel isolé des Alpes par un inconnu se faisant appeler l’Hydre. Agent secret, tueur, policier, chaque invité, dont aucun n’a été convié par hasard, a son secret et se méfie de tous les autres. La nuit suivant le repas va voir un déchainement sanglant qui ne s’achèvera que par l’ultime vérité. À la manière d’un roman de Stanislas-André Steeman (Six hommes morts) où d’un de ces films du samedi soir genre Le Menu, le récit maintient au long de ses 60 pages un suspense étouffant que le dessin ligne clair au découpage parfois étonnant (cf. les deux pages du repas silencieux) rend particulièrement prenant. Pas de doute, cela ferait un film de plus sur le sujet (Delcourt).
UNE VISITE AU STUDIO GHIBLI
Si nous n’allons pas, concernant les films de Miyazaki, rejouer le refrain du « 7 aux 77 ans » puisqu’ils vont bien au-delà et un peu en deçà, voilà, avec l’album Le Monde du studio Ghibli, sous-titré « un guide non officiel » et signé Michael Leader, Jake Cunningham, une jolie porte d’entrée aux plus petits. Par ordre chronologique, un portrait des héros et héroïnes des divers métrages du réalisateur (suivi de la manière de se déguiser) ; les créatures les plus emblématiques comme Totoro (et la façon de le dessiner) ; les recettes de cuisines à préparer à la maison (on mange beaucoup chez Miyazaki) ; les moyens de transport accompagnés de la façon de se construire un planeur en papier ; l’importance de la nature, les autres réalisateurs maison, et encore quelques autres rubriques à découvrir. Au total une petite merveille de 128 pages très abondamment illustrée. Pour les enfants ? Pas que ! (4D4).
L’OURS DE NOVEMBRE
Notre micro-édition favorite (ourseditions@protonail.com) signale sa parution de novembre avec Tu m’as bien vu !, signé Jérémy Bouquin, qui nous prouve qu'avoir des super-pouvoirs, ici la télépathie, n'améliore pas forcément la vie...
Profitons-en pour rappeler aux naturels de l’endroit que, ce dimanche 19, l’Ours tiendra un stand au 5e Salon du Livre de Viols-le-Fort, dans l’Hérault, de 10 à 17 h à la salle polyvalente.
Jean-Pierre ANDREVON