Stephen King explore l'intimité d'un tueur à gages
"Rocky Horror Show" déboule et débite sur scène en live
Notre Pop Icons Stephen King-toujours disponible !
STEPHEN KING AU SOMMET
Billy Summers un tueur à gage. Mais attention, comme il s’en défend lui-même, il ne tue que les méchants. Son dernier coup, alors qu’ayant dépassé la quarantaine il a décidé qu’une fois fait il arrêterait, concerne un certain Allen, truand qui doit être transféré de Los Angeles au palais de justice d’une petite ville où il doit être jugé. Mais cet homme en sait trop et c’est pourquoi ses complices ont décidé qu’il doit être éliminé sans bavure avant d’en dire trop. C’est là qu’intervient Billy Summers qui, posté dans l’immeuble d’en face, au quatrième étage, et armé d’un fusil à lunette perfectionné, devra descendre Allen au moment où il sortira du fougon cellulaire. Après quoi il n’aura qu’à disparaître dans la nature, riche des deux millions de dollars promis, somme colossale dont il a déjà touché une petite partie, pour un boulot routinier et sans risque. Sans risque, vraiment ? Billy est un trop vieux routier pour ne pas soupçonner ses commanditaires, genre l’homme qui a vu l’ours qui a vu l’ours et dont ne connait pas le grand patron, de lui jouer un tour à leur façon une fois le boulot fait. Et Stephen King, porte-plume de Billy, le sait d’autant mieux, dans un récit éponyme fourmillant de détails – comment, par exemple, notre tueur se prépare trois mois à l’avance, adoptant trois identité différentes avant d’appuyer sur la détente, ce qui ne se produit qu’au bout de 250 pages d’un roman qui en compte plus de 700. Ensuite ? Il doit se débarrasser des grands méchants avant qu’eux-mêmes ne se débarrasse de lui. Et c’est là qu’une femme intervient, qu’il a recueilli suite à un viol, et tout amateur de polar sait bien que dès que la femme paraît, la situation ne peut que s’aggraver. Qui pourrait regretter qu’il ne s’agit là que d’un simple polar, qui plus est sur un thème rebattu, ne doit pas s’arrêter à ce « détail », tant le texte de King, d’une fluidité remarquable sur un réalisme en béton armé, vous emporte et ne vous lâchera plus jusqu’à la dernière ligne : « Saviez-vous qu’il était possible de s’asseoir devant un écran ou une feuille de papier et de changer le monde ? » C’est toujours l’auteur qui a raison. En tout cas quand on s’appelle Stephen King (Le Livre de poche).
PAUVRES CRÉATURES AVANT L’ÉCRAN
C’est dans l’élégant espace vert de 34 hectares au cœur de Glasgow, Park Circus, et plus exactement au numéro 18, que résident trois des protagonistes principaux de Pauvres Créatures (sous-titre : Épisodes de la jeunesse du docteur Archibald McCandless, officier de Santé publique écossais, édité par Alasdair Gray) roman du même, Gray paru en 1992. À l’époque à laquelle se déroule le livre, la fin du XIXe siècle, vivre ici conférait un certain statut aux membres de l’élite dont est issu le personnage de Godwin Baxter, fils d’un grand chirurgien, représentant d’une ville à la pointe du progrès scientifique. Dans le film de Yorgos Lanthimos, Glasgow disparaît totalement, Baxter et sa protégée, Bella, créature fabriquée à partir du corps d’une suicidée et de la cervelle du bébé que son ventre renfermait, habitent un manoir rose dans un Londres de fantaisie. Ce détournement de l’œuvre a engendré des tribunes agacées car le roman de Gray peut être lu comme une critique de l’establishment britannique – cela devant être dit. Mais c’est avant tout, pour le lecteur français, un pastiche du roman gothique anglais, plein d’humour, et féministe qui plus est, et plein de verdeurs sexuelles. Exemple, alors que le narrateur demande à Bella si elle a fait « cela » avec beaucoup d’hommes, c’est pour s’entendre répondre : «Oui, dans le monde entier, mais surtout dans le Pacifique. Sur le bateau pour Nagasaki, j’ai rencontré deux sous-officiers, et il m’est arrivé de faire ça six fois par jour avec chacun d’eux ». On est prévenu. Cette présente et première traduction comprend aussi de nombreuses illustrations de la main de son auteur, ainsi que maintes notes « critiques et historiques » qui contribuent à son charme pervers (Métailié).
1OO ANS DE SURRÉALISME EN BELGIQUE
Cent ans après la parution du Manifeste né sous la plume d’André Breton, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique présentent une somme impressionnante du surréalisme sous toutes ses formes. Une exposition qui nous plonge dans un rêve éveillé, à travers les labyrinthes du subconscient des plus grands artistes : les mondes métaphysiques de Giorgio de Chirico,
les illusions fantastiques de Max Ernst, les constellations ardentes de Joan Miró, l’œuvre truquée de Man Ray, le réalisme érotisant de Paul Delvaux, les paysages oniriques en suspension de Marion Adnams. Peintures, sculptures, objets, assemblages et photographies dialoguent ici dans un ballet d’œuvres hypnotisantes, qui n’oublient ni la poésie délirante de Salvador Dalí, les créatures mythologiques de l’ensorcelante Leonor Fini, ni bien entendu le maître des maîtres, René Magritte. Dans cette chasse aux monstres, des éléphants aux pattes arachnéennes croisent la route d’une Méduse endormie et rencontrent le corps inanimé d’un Orphée arrivé au bout de son voyage charnel et spirituel entre deux mondes. Quel amateur de sf ou de fantasy résisterait à une visite ?
Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, 3 rue de la Régence à Bruxelles, exposition ouverte jusqu'au 21 juillet 2024.
LE ROCKY HORROR SHOW EN V. O.
Célébration irrévérencieuse de la culture queer, située quelque part entre le pastiche de série B, la parodie de film de science-fiction et d'épouvante, le Rocky Horror Show a débarqué sur la scène parisienne le 27 février dernier en version originale. Cinquante ans après sa création, le Lido nous invite à suivre les aventures de Brad et Janet, un jeune couple moins innocent qu'il n'y parait, découvrant un soir de pluie l’effrayant manoir du charismatique et libidineux Dr Frank’n’Furter… Ce show époustouflant de deux heures effrénées, rythmé par les chansons endiablées du film culte de Richard O’Brien et par les prestations spectaculaires des artistes sur scène (mention spéciale au vampire lubrique en porte-jarretelles) est avant tout un prétexte à un délire musical jubilatoire, sexuellement débridé et plein d'humour (potache). Interprété par une troupe de comédiens survoltés nous entraînant dans un tourbillon de folie, d'extravagance et de pure fantaisie avec leurs costumes à paillettes, leurs déshabillés en dentelle et leurs guêpières en cuir, voilà un spectacle à l'euphorie garantie, que les fans du film de Jim Sharman, mais pas qu’eux, ne devraient pas manquer.
Le Lido 2,
116 Av. des Champs-Élysées, jusqu’au 7 avril 2024
PIRATESSE, DÉMONES ET DRAGONS
Monday Ryan est née pyrate (avec un y), ou c’est tout comme puisque son père l’était et qu’elle a suivi sa route, jusqu’à épouser un confrère qui finira pendu par les Anglais de sir Cloudesley Napier, que Monday poursuivra par tous les océans jusqu’à… Une histoire fantaisiste que ce Pyrate Queen (scénario Peter Milligan, dessins Adam Pollina, couleurs Tamra Bonvillain) ? Pas tant que ça puisqu’on sait qu’au XVIIIe siècle, une femme pouvait être capitaine, élue qui plus est, d’un bâtiment au pavillon noir. Dont on suit ici sur 110 planches aux bateaux, costumes, décors d’un beau réalisme en Technicolor les aventures débridés qui ne manquent ni d’humour ni d’un soupçon de sexe (Bliss). Du sexe, et des nudités plutôt prudentes d’ailleurs, on en trouve dans Nancy in Hell, où Et Torres au scénario, Enrique Lopez Lorenzana au dessin et Fran Gamboa à la couleur, où la délurée Nancy s’échappe de l’Enfer en compagnie du beau Lucifer, qui n’est pas un méchant puisqu’on sait bien qu’il n’est qu’un ange déchu. Problème : ils ont laissé la porte ouverte, d’où une horde de démon, tous plus gigantesque et affreux les uns que les autres déferle dans notre monde, où l’armée tente en vain de les arrêter à coups de canon, message Godzilla bien compris. D’où 100 pages furieuses où le dessin d’une précision exceptionnelle dans le détail exige de s’arrêter cinq minutes à chaque planche. Pitié pour les yeux ! (Graph Zeppelin). Terminons cette plongée en fantasy graphique avec Sang Dragon, signé du seul français Bédu (mais avec Cerise aux couleurs), où une jeune princesse chassée par son frère à la mort de leur roi de père, doit aller réveiller un dragon. S’il s’agit d’un album plutôt ciblé jeunesse et si le dessin reste d’une stylisation banalisée pour ce qui est des personnages, tous les dragons en lice, dont cette armée de crocodiles volants et cuirassés, jusqu’aux géants venus tout droit de Game of Thrones, ont su réveiller suffisamment le brio de l’auteur pour qu’on prenne plaisir à ces péripéties développées en terrain connu (Dupuis).
TOUT L’ART DE NICOLAS KERAMIDES À GRENOBLE
Né à Paris en 1972, il étudie le dessin à Grenoble, complète sa formation aux CFT Gobelins dans la section animation à Paris avant d’intégrer pour 9 ans le Walt Disney Studios à Montreuil. Parallèlement, il réalise des travaux publicitaires pour la ville de Grenoble. En 2000, il passe à la bande dessiné les aventures d'une petite fille nommée Luuna que publient les éditions Soleil que suit Tykko des sables, avec 12 albums au total chez Soleil. Son style, caractérisé par une approche cartoon, lui permet d'aborder des personnages connus comme dans Mickey's craziest adventures et Donald's happiest adventures, eux chezGlénat. En collaboration avec Tebo, il revisite également Alice au pays des merveilles dans Alice au pays des singes. Une vaste exposition présentée par la Galerie Momie, rue Lafayette à Grenoble présente de nombreuses planches, mais aussi sa collection de figurines, son intérêt pour la musique étant illustré illustré par sa participation à la création de pochettes d'album et d'un t-shirt pour Renaud. L'exposition est ouverte jusqu'au 27 avril. Pour les Grenoblois ? Pas que !
Jean-Pierre Andrevon