"Spiderman" porte le deuil d'un de ses créateurs de légende.
Les Pictes combattent les Grands Anciens au delà du mur d'Hadrien.
LE MONDE DES COMICS EN DEUIL
Créateur des super-héros Punisher et Wolverine, John Romita Sr., qui a participé à façonner l’univers de Marvel, est mort ce 14 juin à 93 ans. Il laisse parmi les plus importantes planches de «Spider-Man» des années 60 et 70. Né en 1930 à Brooklyn dans une famille d’immigrants italiens, Romita fait partie de la première génération de gamins élevés en lisant des comics. Superman et les super-héros, mais surtout Terry et les Pirates, de Milton Caniff qu’il révère au point de faire une école d’arts avec l’espoir de faire carrière dans la BD. De 17 à 21 ans, il enchaîne les petits boulots avant d’être mobilisé et de rejoindre l’armée qui, plutôt que de l’expédier en Corée, le garde à Brooklyn, où il peint des affiches de recrutement. Entre deux boulots pour l’US Army, il traîne à Manhattan et décroche des piges pour Atlas (qui deviendra Marvel) et DC Comics, avec quelques récits horrifiques mais surtout des tonnes de comics à l’eau de rose (Girl’s Romance, Young Love…), genre dont il devient un des spécialistes jusqu’à ce que DC abandonne le créneau dans les années 60. Usé par ce travail à la chaîne non crédité, Romita se tourne alors vers la pub et n’envisage la bande dessinée que dans un rôle d’encreur. C’est le directeur de publication, Stan Lee en personne, qui le convainc de reprendre le dessin en lui confiant notamment le personnage de Daredevil. Puis il accède à Spider-Man, où il apporte une touche de glamour venue du romance comics. L’ado Peter Parker devient le jeune Américain idéal. Excellant dans le dessin de pin-up, il transforme la série en véritable soap, avec triangle amoureux, dilemmes moraux et peines de cœur. En 1973, il cosigne avec Gerry Conway et Gil Kane le poignant récit The Night Gwen Stacy Died, un des favoris des amateurs. John Romita participe aussi à élargir le casting de la série en créant une foule de personnages qui deviennent à leur tour des incontournables de l’univers Marvel – Mary-Jane Watson, le Caïd, le Shocker, Tigra, voire des personnages à part entière : le Punisher ou Wolverine. Il crée aussi un des rares héros noirs qui ne reste pas à l’arrière-plan, Luke Cage. John Romita restera très actif jusqu’à l’orée des années 80 cédant peu à peu la place à son fils, John Romita Jr.
L’AUTEUR DE LA ROUTE VIENT DE DISPARAITRE
Cormac McCarthy est mort, ce 13 juin 2023, à l'âge de 89 ans à son domicile de Santa Fe, dans l'État du Nouveau-Mexique. Considéré comme un héritier de William Faulkner et Herman Melville, il connait son premier grand succès avec son sixième roman, De si jolis chevaux. Il nous intéresse comme auteur de La Route (2006), récit post-apocalyptique salué par le Prix Pulitzer, et porté à l’écran en 2009 par John Hillcoat avec Vigo Mortensen.
LES ANIMAUX ONT LA PAROLE
HP21, Animal ad hominem , anthologie dirigée par Léo Dhayer, sort ces jours-ci sous une magnifique couverture de Jean-Jacques Tachdjian, est ainsi présent par l’éditeur : « Compagnons de biosphère ou inépuisable vivier à la disposition du bipède humain, cousins plus ou moins lointains sur l’échelle de l’évolution ou biens meubles taillables et dépeçables à merci du « roi de la création », les animaux, entre mauvaise conscience et bon droit satisfait, ne cessent de questionner l’humain dans son humanité. Comment évoluera à l’avenir cette relation qui s’est toujours racontée de manière univoque ? » Réponse en 33 nouvelles, pas moins, qu’il faudrait toutes citer… En piochant presque au hasard, signalons les cris de rage de Mickaël Feugray dans À bas les abattoirs ! La tendresse désespérée de Céline Maltère qui, dans Le Chant du cygne, imprégné de l’histoire des chauves-souris au temps du Covid, n’hésite pas à nous rappeler que « l’on apprenait aux enfants à haïr ce qui ne leur ressemblait pas », à savoir les bêtes, dont « La plupart furent assassinées, gazées, pulvérisées ». Et ne reste plus, pour sauver ce qui reste à sauver, que la taxidermie, ce à quoi s’emploie Agathe Vivès dans Taxidermia. Mais on peut aussi, par mutation contrôlée, devenir animal, ce qu’il advient chez Jérôme Calogerogiannis dans Les Ursidants où, comme le titre l’indique, on crie « Vivent les ours ! ». Ou « Vivent les chiens ! », selon Phil Aubert de Molay qui, dans Chienne de lecture, nous offre un codicille au Demain les chiens de Clifford D. Simak. Quelle solution, alors ? Elle revient à Caza qui, dans Bipèdes, enfin ! propose que les animaux deviennent des humains, debout sur deux pattes et parlant (Flatland).
UTOPIE OU DYSTOPIES FÉMINISTE ?
Miranda Reynolds, dont le mari vient de se suicider, abandonne tout et part sur les routes des États-Unis avec sa fille Emma, 17 ans. Son but : rejoindre la communauté de Femlandia, créée vingt ans plus tôt par Win, sa mère qu’elle n’a jamais revue, et réservée aux femmes. Car « Win comprit dès son plus jeune âge que les hommes étaient des animaux. Elle les aurait bien qualifiés de porcs, mais trouvait la comparaison insultante pour cette pauvre bête innocente ». Qu’est-il passé, en fait ? Guerre atomique, attaque extra-terrestre, pandémie ? Rien de tout ça mais bien pire, seulement une crise économique, puisqu’on sait que l’économie mène le monde. Alors « avant que l’eau ne se tarissent et que les coupures de courant ne laissent place à des pannes de plus en plus prolongées, puis permanentes », Miranda et Emma bravent tous les dangers, dont une attaque de trois brutes qui se termine par un viol dont la description fait froid dans le dos, mais pour trouver quoi à l’arrivée ? « Une utopie où tout le monde mange de l’herbe de blé, insulte les hommes et joue des morceaux de Janis Joplin en boucle » ? Ces quelques exemples donnent le ton de Femlandia, signé Christina Dalcher à qui l’on doit avant cet opus Vox, dystopie patriarcale où les femmes n’ont pas le droit de prononcer plus de cent mots par jour, a une manière bien à elle de tricoter une apocalypse lente, loin aussi bien du gémissement que de l’horreur, mais avec un humour au sang froid qui fait mouche. Car que vont trouver les deux femmes à Femlandia ? Le paradis féministe ? Et que peut-il arriver si une femme tombe enceinte ? Mais de qui puisque toute présence masculine est bannie dans a communauté ? Alors que, depuis quelques années, actualité oblige, les romans collapsologiques se multiplient jusqu’à lasser, le récit de Christina Dalcher, qu’on aurait bien tort de prendre pour un manifeste féministe basique, est plus qu’une heureuse surprise (Robert Laffont).
LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS FRAPPENT TRÈS FORT
Riche moisson BD cette semaine avec dans notre panier deux albums à dévorer. Les Ombres de Thulé, de Patrick Mallet au scénario avec des dessins de Lionel Marty et Axel Gonzalbo pour les couleurs est à classer dans l’heroic fantasy, mais partant d’une base historique solide : nous sommes au nord de l’Écosse en 136 après J.-C. avec une colonne romaine s’enfonçant au-delà du mur d’Antonin, région aux mains des Pictes et des Gaëls, qui se font la guerre entre eux et aussi contre l’envahisseur. L’album commence à la naissance du bébé d’un noble romaine, assassinée sur les ordres d’une sorcière qui veut se servir de l’enfant pour ourdir une obscure malédiction et contre qui se dressera Kormac Mac Fianna, roi des Pictes qui a tout de Conan, et devra affronter les hrudinées, monstres colossaux issus des profondeurs de la terre et dont on devine à les voir (cf. notre illustration) qu’ils doivent tout à Lovecraft. Inutile d’en dire plus, les 144 pages de l’album, aux dessins réalistes d’une violence extrême – voir la séquence inaugurale où Domina, la mère du bébé, est éventrée par un centurion devenu zombie avant d’être égorgée – nous en mettant plein les yeux, pour peu que l’on ne soit pas trop délicat.
C’est en 1976 que, dans les pages de Fluide Glacial, voient le jour les premières planches de La Jôle qui, devenu par la suite album, sera le point de départ de la tétralogie de Max Cabanes, Dans les villages, qui se poursuivra jusqu’en 1986 avec L’Anti-Jôle, La Crognote rieuse et Le Rêveur de réalité. Mais justement quelle réalité ? Le premier tome se déroule dans un décor pierreux et sauvage abritant d’étranges gnomes néanderthaliens qui ne cessent de s’asticoter et dont le couple de base, Julienne et Jean-Marie, vont avoir affaire avec une créature indescriptible, la Jôle-à-poils ras. Et dans ce décor caverneux, que vient faire ce byclo ? Et cette maisonnette style années 50 ? Cabanes, au long d’un récit totalement désarticulé, introduit peu à peu ses créatures, les Merdouzils, les Ricoucourgnes, les Chiournes-de-Pûrnes, dans un décor de plus en plus contemporain où ils se fondent avec malice, tandis que son style graphique d’une extrême précision évolue de concert, passant d’un noir et blanc très hachuré à l’apaisement de couleurs pastel. Qui demanderait de plus amples explications se reportera à la longue postface de Nicollas Trespallé, clôturant les 210 pages d’un album aussi énigmatique que somptueux, qui nous remet en mémoire un auteur totalement original qu’on aurait grand tort d’oublier. Ces deux monuments aux Humanoïdes associés.
VINGT MILLE LIEUX SOUS LES MERS À AMIENS
Les manuscrits originaux de Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne sont exposés pour la première fois dans la ville d'adoption du célèbre écrivain, au musée de Picardie. « La légende dit que c’est George Sand qui lui aurait suggéré de faire un roman sous les eaux car son imagination serait particulièrement mise en valeur dans ce monde sous-marin et il se lance", explique François Séguin, conservateur du patrimoine et commissaire de l'exposition. Les visiteurs peuvent ainsi se pencher sur l’écriture de la main de Jules Verne, l'exposition présentant également de nombreuses illustrations du roman, des outils de navigation et des maquettes de bateaux, la pièce maîtresse de l’exposition restant la reproduction d'un Nautilus de quinze mètres de long et quatre de diamètre.
Ouvert jusqu'au 1er octobre 2023, du mardi au vendredi de 09h30 à 18h, les samedis, dimanches et jours fériés de 11h à 18h
Jean-Pierre Andrevon