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Y A-T-IL DE LA VIE DANS L’UNIVERS ?
S’il est une question très apte à agiter le monde de la sf, les auteurs certes en premier lieu, mais aussi, nécessairement, les lecteurs, c’est bien celui de la représentation de nos voisins galactiques (et extra-galactiques). Car puisque personne n’en n’a jamais vu un seul, tout serait permis à l’imagination. Question : suffirait-il d’accaparer une morphologie humaine, de lui ajouter une queue, des oreilles pointues et de peindre sa peau en bleu ? C’est pour y répondre que la très intéressante collection “Parallaxe”, lancée par le Bélial’ et qui s’attache à traquer la science dans la science-fiction, aborde le problème dans La Vie Alien, d’abord sous la plume de Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA de Saclay et âme active de la collection qui, à travers les chapitres “Cosmosphère” et “Géosphère” nous rappelle que pour que la vie apparaisse – mais qu’est-ce que la vie, au fait ? – une multitude de conditions cosmiques puis géologiques doivent s’enchaîner, dans un désordre apparent qu’on peut résumer par le célèbre « le hasard et la nécessité ». Ce que conforte Jean-Sébastien Steyer, paléontologue au CNRS avec “Biosphère” où il entre dans le vif du sujet : comment, puisque les deux éléments indispensables à une vie organique basée sur le carbone sont les macromolécules et la présence d’eau liquide, s’agrègent-ils pour donner un humain… ou tout autre non-humain. Répondre à cette question entraine fatalement à en poser d’autres : vu l’extraordinaire diversité de la vie sur Terre, entre la bactérie et le diplodocus, un Alien serait-il plus différent encore, jusqu’à ne plus pouvoir l’identifier comme tel ? Où ressemblerait-il fort à nous autres humains, avec cinq sens, un cerveau à l’abri d’une solide boîte crânienne et des mains aux doigts préhensiles aptes à fabriquer des objets – ce dont la trompe de l’éléphant et les tentacules du poulpe seraient incapables ? Occasion de fustiger nombre d’auteurs prestigieux de la sf (Frank Herbert et ses vers de sable bien trop gros pour se mouvoir sous le sable n’y échappe pas), seuls trouvant grâce aux yeux des auteurs Al Clement (Question de poids), de qui a d’ailleurs été exhumé un article de 1974 jusqu’alors inédit chez nous, “Créons des êtres imaginaires”, le mot de la fin restant à Laurent Genefort : en l’absence de toute preuve, reste l’imagination.
En fait, la seule vraie question que pose ce passionnant ouvrage est bien : sommes-nous seuls dans l’univers, oui ou non ? Sorti en ce début d’année, le livre de l’astrobiologiste Nathalie A. Cabrol À l’aube de nouveaux horizons (Seuil) répond : «Il y aurait au moins une douzaine de civilisations avancées dans notre galaxie». Pure supposition on s’en doute, que Franck Courchamp, du CNRS prolonge par : « Affirmer qu’il n’existe pas de vie ailleurs que sur Terre revient à prétendre que l’océan ne renfermerait aucun poisson sur la foi du contenu d’un seul verre d’eau ». Quant à Arthur C. Clarke : « Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’Univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux sont terrifiantes ». Quand on saisit que la plus proche étoile, Proxima Centauri, se trouve à « seulement » 4, 2 années-lumière de la Terre et qu’à la vitesse de nos actuels fusées il faudrait 75 000 ans pour l’atteindre, on voit que la réponse n’est pas pour demain et, sans doute, pour jamais. Mais au moins reste la science-fiction (Le Bélial’ – Parallaxe).
SPAWN : LE RETOUR
Nous connaissons tous le Spawn, un des héros les plus surprenants de toute l’histoire des comics, ce policier assassiné et revenu de l’Enfer en ayant rejeté le Diable, et bien décidé à protéger sa famille tout en pourchassant le mal de manière expéditive. Créé en 1992 par Todd McFarlane, après qu’il ait quitté Marvel pour fonder sa propre firme, Image Comics, la série a, à ses débuts, recueilli un succès faramineux (1 million, 7 exemplaire pour son premier numéro) pour peu à peu s’étioler, McFarlane, fort occupé à gérer ce qui était devenue une vraie usine avec la vente des jouets à l’image de ses personnages, déléguant à des auteurs et dessinateurs de talent la suite des aventures de ses héros ; mais, à la fois autoritaire et perfectionniste, n’hésitant pas à retoucher texte et dessins dans le dos de ses collaborateurs (dont Neil Gaiman), d’où de nombreuses fâcheries et même procès bien connus du milieu des comics. Conscient de ce patinage, McFarlane, en 2019, se décide à revenir aux manettes, en créant divers doubles de son héros, dont une femme, Scorched, et le Pistolero, que l’on va découvrir dans le présent GunSlinger. Qui est-il ? Un justicier au pistolet facile, qui a traversé la guerre de Sécession et qu’on découvre percé de flèches indiennes en 1865, avant qu’il ne se relève, projeté à l’époque contemporaine, où il va vivre maintes aventures, se heurtant notamment au Clown et à son monstrueux complice le Violator. La double originalité de ce nouveau protagoniste est qu’il ne possède pas les pouvoirs du Spawn originel et, tout immortel qu’il est, se fait taper dessus plus souvent qu’à son tour ; de plus, perdu dans le monde actuel dont il ne connait rien, il accumule bévues et questions, s’étonnant par exemple qu’il puisse y avoir des toilettes à l’intérieur des maisons, ce qui insuffle un peu d’humour dans un univers toujours très sombre. Pour illustrer cette nouvelle saga, McFarlane, qu’on sait être un des meilleurs graphistes du genre avec Jim Lee, n’est que scénariste, ayant confié le dessin à Brett Booth, qui le vaut en précision et virtuosité, au point que cet album de 160 pages qui contient les interviews de ses deux vedettes, pourrait sembler être du maître en solo. À découvrir ! (Delcourt).
TRAHISON SANGLANTE
Mark A. Latham / ***
Sous-titré « Sherlock Holmes – Le Dossier Dracula », le présent récit remet en scène – et ce n’est évidemment pas la première fois – le plus grand détective de tous les temps et son fidèle adjoint le docteur Watson. Pour les faire se confronter à une énigme qu’on croyait close depuis longtemps et la mort de son acteur principal, le comte Dracula en personne. Le fameux vampire ? Allons donc ! Pour un homme aussi épris de logique que Sherlock Holmes, un vampire ne peut exister. Mais qui était donc Dracula, alors ? Avec en main le « dossier Dracula », comprenant des lettres très compromettantes pour certains des personnages de l’histoire racontée par Bram Stoker, Holmes va se livrer à une enquête minutieuse, interrogeant tous les survivants, comme Mina et son mari Jonathan Harker, et jusqu’à van Helsing lui-même, qui va se révéler bien différent de la noble figure dessinée par Stoker, et plus encore du personnage interprété par Peter Cushing dans les films de Terence Fisher. Exercice de haut vol traité par un auteur suprêmement britannique qui connait son Conan Doyle sur le bout de la plume, le récit qui, certes, d’interrogatoire en interrogatoire, peut sembler bavard, s’amuse à démonter pièce par pièce le chef-d’œuvre de Stoker pour arriver à cette conclusion : « Il semble que le comte Dracula, cet homme que vous avez décrit comme un monstre, soit le personnage le plus noble de cette triste histoire ». Qu’on se le dise ! (Bragelonne).
RICH LARSON : UN AUTEUR À SUIVRE
De l’auteur, cet Américain né au Niger et qui a beaucoup voyagé avant de se fixer au Canada, a été traité déjà son roman Ymir (4 étoiles). Avec La Fabrique des lendemains, recueil initialement publié en 2020 et reparaît aujourd’hui en poche, ce sont 28 nouvelles, serrées en 540 pages, parmi les quelques 200 publiées par Larson en une petite dizaine d’années, et sélectionnées par Dominique Martel et Helen Hertzfeld pour leur collection Quarante-deux, où le duo va de découverte en découverte concernant la sf anglo-saxonne… Tout en restant centré sur un univers qui lui est propre, dont le transhumanisme et la robotisation de la société sont les deux mamelles, notre auteur parvient à innover sur ce qui, en d’autres mains plus routinières, pourrait tourner à un simple catalogage d’un monde déglingue. Transhumanisme : « Mars sent l’organisme s’échiner à convertir son dîner en chair et en peau neuve. La toute dernière balle s’extirpe den spirale de son cœur et tombe sur le sol sans bruit ». Tiré de la nouvelle qui ouvre le recueil, Indolore, cette simple phrase, à propos d’un individu capable de se régénérer immédiatement en cas de blessure, donne la mesure de l’inventivité de Larson pour ce qui est du transformisme semblant atteindre tout un chacun, ainsi de Carnivores, où Finch, un gros costaud, l’est parce qu’hybride cloné d’humain et de Néandertal. Au point que les robots paraissent parfois plus humains que leurs concepteurs, ainsi de Sculpteur Sept (Toutes ces merdes de robots) ne pouvant comprendre que Porteuse Trois a cessé fonctionner, car la mort est pour lui une notion incompréhensible. Comment se fait-il que, dans une base lunaire (En cas de désastre sur la Lune), Laurie, partie explorer un objet s’étant crashé sur notre satellite, revienne en deux, trois quatre exemplaires tous identiques ? Et qui sont ces êtres appelés Quatre Courants Chauds, Neuf Épingles Fragiles, Trois Récifs Dentelés, qui creusent obstinément de leurs tentacules un tunnel en direction du Toit du Monde (Innombrables lueurs scintillantes) ? Inutile de multiplier les exemples pour convaincre de la très grande originalité d’un auteur qui, ne le cachons pas, est parfois difficile à lire et à comprendre, mais fait figure de grande révélation de cette décennie, à qui il faut il faut associer, et ce n’est pas la première fois, son traducteur Pierre-Paul Durastanti (Le Livre de poche).
JEAN-PIERRE ANDREVON