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FILMS EN VOD
THE WONDER
Irlande/USA/Royaume-Uni. 2022. Réal.: Sebastián Lelio. (Netflix).
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Au XIXe siècle en Irlande, une dizaine d’années après qu’une grande famine ait frappé le pays, Lib, une infirmière, et sœur Michael, une nonne, sont appelées au chevet de la jeune Anna O’Donnell, une fillette de onze ans qui prétend survivre sans manger depuis plusieurs mois sans que cela n’affecte sa santé. Aidé par un journaliste anglais, Lib va tenter de percer le mystère qui entoure ce prétendu miracle mais va se confronter au poids de la religion et des croyances…
Le cinéaste chilien, Sebastián Lelio aime filmer les femmes et le démontre une fois de plus. Après Gloria, A Fantastic Woman ou encore Désobéissance, le réalisateur met à nouveau en scène un personnage féminin fort, en butte avec un système patriarcal et une société victime des propres mythes qu’elle s’invente. Mais cette fois, il le fait sous forme d’enquête oscillant entre réalisme et fantastique et s’inscrivant dans le cadre pastoral de l’Irlande du XIXe siècle. Et le résultat est fascinant. L’histoire de cette fillette capable de survivre sans s’alimenter s’ancre dans une petite communauté animée par une foi inébranlable et reposant sur une domination masculine. Ce contexte n’est évidemment pas anodin et rappelle, par certains aspects, celui de The Village, de M. Night Shyamalan. L’opposition entre croyance et science est ici incarnée par le personnage de la religieuse et par l’héroïne, qui se heurte au poids de la religion mais aussi au peu de considération portée aux femmes par des hommes qui prennent seuls les décisions. Cette confrontation entre le rationnel et l’irrationnel est très bien traité et constitue le nœud d’un récit qui joue sur le mystère et distille une angoisse sourde. Un mystère accentué par la mise en scène sobre et fluide de Lelio mais aussi par une splendide photographie d’Ari Wegner, dont le travail très pictural évoque les peintures de Vermeer. Quant à l’interprétation de tout premier plan, elle contribue à la réussite de ce drame subtil et intelligent, empreint de réalisme fantastique.
LA PETITE NEMO ET LE MONDE DES RÊVES ***
(Slumberland). USA. 2022. Réal.: Francis Lawrence. (Netflix).
Nemo est une petite fille qui a du mal à faire le deuil de son père. Un jour, elle découvre une carte secrète menant à Slumberland, le monde des rêves. Avec l’aide de Flip, un hors-la-loi, elle va parcourir cet univers onirique dans l’espoir de trouver une perle susceptible d’exaucer son vœu le plus cher…
Doté d’un budget confortable de près de 150 millions de dollars et réalisé par Francis Lawrence (Je suis une Légende, Hunger Games : L’embrasement), La Petite Nemo et le monde des rêves prétend s’inspirer librement de la BD «Little Nemo in Slumberland». Les spectateurs qui pensent voir, avec ce film, une adaptation du chef-d’œuvre de Winsor McCay, peuvent d’ores et déjà passer leur chemin, ce blockbuster empruntant, au final, très peu d’éléments à ce monument du 9e art. Par contre, ceux qui souhaitent visionner un divertissement familial haut de gamme vont probablement apprécier cette production pleine d’action et de fantaisie. Après une introduction pittoresque, les décors, l’héroïne, sa situation familiale et les enjeux dramatiques prennent rapidement forme et plongent le public au cœur d’un récit mouvementé et plein de rebondissements. On pourra certes reprocher au scénario d’être quelque peu balisé et pavé de bonnes intentions, mais la réalisation de Lawrence est suffisamment solide pour emporter l’adhésion. Le cinéaste développe une mise en scène très graphique jouant sur les couleurs, les éclairages et les décors et, s’appuyant sur des effets visuels résolument oniriques (et qui dégagent par moment un charme gentiment désuet), livre quelques beaux moments (la séquence de la danse). Les personnages sont, en outre, savoureux, à l’image de la jeune héroïne, campée par Marlow Barkley, et de Flip, incarné avec énergie par Jason Momoa, tout comme les rôles secondaires (mention spéciale à l’oncle spécialiste des poignées de porte). Des atouts qui suffisent à faire de cette production un agréable divertissement familial.
Erwan BARGAIN
NEWS
LE SILENCE DE LA PEUR
Joseph Quinn rejoint Lupita Nyong'o dans A Quiet Place : Day One.
Joseph Quinn, qui a récemment interprété le personnage préféré des fans de «Stranger Things», Eddie Munson, jouera dans le spiin-off A Quiet Place, Day One. Le film a pour vedette Lupita Nyong'o et est réalisé par Michael Sarnoski, à partir d'une idée originale du créateur de la franchise John Krasinski. L'histoire est gardée top secrète, mais on sait qu'elle se déroulera dans le même univers que celui des deux précédents A Quiet Place, suivant cependant de nouveaux personnages dans un endroit différent. Comme le titre l'indique, les retombées se dérouleront le premier jour où les créatures extraterrestres sensibles au son arriveront sur Terre, entraînant avec elles un effondrement social. Michael Bay, Andrew Form et Brad Fuller produisent via Platinum Dunes, Krasinski produisant via sa bannière Sunday Night avec son partenaire Allyson Seeger producteur exécutif. Outre ce métrage, un troisième volet de la série de films A Quiet Place est en préparation et devrait sortir en 2025, celui-ci sortant le 8 mars 2024.
RÉSURGENCE
Cailee Spaeny, la relève de Sigourney Weaver dans Alien ?
Vue dans Pacific Rim : Uprising, Sale temps à l’hôtel El Royale,et The Craft – Les nouvelles sorcières), Cailee Spaeny sera la tête d'affiche du prochain Alien, que va diriger Fede Alvarez (Don’t Breathe 1 & 2, Evil Dead, Millénium : Ce qui ne me tue pas). Bien que les détails de l'intrigue soient gardés secrets, le nouvel opus ne serait apparemment pas liée aux entrées précédentes de la série. Ridley Scott, géniteur de l’original de 1979 et auteur de deux autres épisodes (Prometheus et Alien : Covenant, deux préquelles qui tentaient de raconter l'origine des Xenomorphes), produira le film via sa bannière Scott Free. Ce projet sera le septième Alien et vise à redémarrer la franchise. Le casting de Cailee Spaeny suggère que le film poursuivra la tradition de la franchise consistant à opposer un rôle féminin fort aux monstres extraterrestres. La jeune actrice a précédemment joué dans la mini-série de science-fiction plébiscitée d'Alex Garland «Devs». Elle tourne actuellement Priscilla, un biopic de l'ancienne épouse d'Elvis Presley, Priscilla Ann Presley, réalisé par Sofia Coppola.
TERREUR À BORD
Présence maléfique en mer
Diffusé ces jours-ci aux USA, le thriller psychologique Presence marque les débuts dans le long-métrage du réalisateur Christian Schultz. Après avoir quitté New York suite à une dépression nerveuse, Jennifer (Jenna Lyng Adams) est contactée par sa meilleure amie pour lui annoncer une bonne nouvelle concernant leur co-entreprise. Dans l'heure qui suit, Jennifer embarque dans un avion privé et descend le quai jusqu'au yacht privé d'un milliardaire. Tout semble bien, sauf que Jennifer est en proie à des visions violentes et troublantes. Son anxiété incontrôlée tente-t-elle de l'auto-saboter une fois de plus... ou une présence sinistre s'est-elle accrochée à elle ?
PRETIGIEUX DOUBLÉ
Le Grand Prix de Trieste et Fantasia 2022
The Artifice Girl de Franklin Rich a obtenu le Grand Prix du dernier festival du film fantastique et de SF de Trieste après avoir été pareillement récompensé au festival Fantasia de Montréal. Lorsqu'un justicier d'Internet développe un nouveau programme informatique révolutionnaire pour lutter contre les prédateurs en ligne, son avancement rapide soulève de sérieuses questions d'autonomie, d'oppression et de ce que signifie vraiment être humain. «Nous pensons que le film tisse une histoire intelligente, brillamment jouée et très stimulante. Ce film démontre une utilisation bénéfique de la technologie dans un futur plein de questions sur l'humanité et sa coexistence avec l'intelligence artificielle» ont commenté les membres du jury, dont faisait partie le réalisateur Neil Marshall.
À SORTIR EN SALLES
INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS *****
France/Italie/Suisse, 2022. Réal.: Alain Ughetto
SORTIE : 25 JANVIER 2023.
Après la tendre évocation de sa passion amoureuse juvénile pour une étudiante iranienne en pleine révolution islamiste khomeyniste, idylle ressuscitée en pâte à modeler dans le très poétique Jasmine (2013), le réalisateur-animateur marseillais Alain Ughetto poursuit l’exploration de son passé en redonnant cette fois vie à ses grands-parents marionnettisés. Neuf ans lui ont été nécessaires pour «creuser sous son nom», c’est-à-dire mener des recherches généalogiques, historiques et piloter un travail acharné sur ses petites figurines aux yeux «grands ouverts» avec la construction de décors tantôt réalistes, tantôt oniriques. L’objectif recherché est de magnifier la geste migratoire de ses ancêtres du Piémont italien vers la Provence alpestre française dans la bouillonnante première moitié du XXe siècle qui porte les désastres (fascisme, xénophobie, pauvreté, épidémies, Guerres mondiales) comme la nuée porte l’orage. À la manière d’un Alejandro Jodorowsky avec son diptyque autobiographique au parfum surréalisant, Ughetto se met également directement en scène en faisant interagir sa main «taille réelle», guidée par sa voix-off, avec des scènes de vie alternativement reconstituées, imaginées et fantasmées impliquant ses grands-parents et leurs proches. Idée géniale qui lui permet de partir à la recherche de ses origines pour mieux comprendre son identité et ses attributs particuliers, telles ses habiletés et dextérités manuelles que l’on comprend trans-générationnelles. Ce legs familial, don du Ciel, conduit ainsi l’auteur à utiliser ses propres mains pour exprimer tout son potentiel artistique et narratif… Tout en recourant à de nombreuses astuces visuelles comme l’utilisation de brocolis, pastèques, charbons de bois, papier carton ou encore châtaignes pour figurer des habitations, intérieurs de pièces, montagnes ou encore infrastructures sur lesquelles travaillaient les fameux «travailleurs immigrés» dont le labeur herculéen et sans complainte a contribué à la modernisation de la France (construction de routes, chemins de fer, ponts). Un pays parfois peu reconnaissant voire carrément raciste à l’égard de ses minorités étrangères, à l’image du titre du métrage saisissant, choquant mais ô combien réel même si le propos du réalisateur n’est nullement moralisateur ou acrimonieux. Alternant l’humour façon comédie sociale italienne de la grande époque (Monicelli, Scola, Risi), sujets graves (le sort peu enviable réservé aux migrants, entrant étrangement en résonance avec une actualité récente des plus brûlantes) et effets de style lorgnant du côté du cinéma fantastique des origines à la Méliès, l’auteur nous invite à un fabuleux voyage poético-réaliste dans les trésors enfouis de son passé dont la puissance d’évocation vise à concilier histoire intime et universalité dans ce que la condition humaine contient de plus précieux et de plus inaltérable : la transmission et la mémoire.
Laurent SILVESTRINI