"Princesse de Dune" : que vaut le dernier opus ?
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TOUTES LES HISTOIRES DE CHRISTIAN LÉOURIER
Avec un premier roman publié en 1972, « Les Montagnes du soleil », surtout connu pour le Cycle de « Lanmeur », Christian Léourier, faut-il le rappeler, est un des auteurs majeurs de la sf française, dont le thème préférentiel et la colonisation spatiale et les rapports aux extraterrestres sous tous leurs aspects, ce que nous rappelait encore en 2013 sa novella Le Réveil des hommes blancs ». Riche d’une cinquantaine de romans, dont une bonne part pour la jeunesse, on compte à son palmarès autant de nouvelles qui, jusqu’alors, restaient dispersées. Ce qui rend d’autant plus précieux le volume Les oiseaux d’Argyl, son premier recueil, qui en regroupe 27 (dont quelques inédits) sur 350 pages, lesquelles, si l’on n’y trouve pas les récits se rattachant à Lamneur, témoignent de l’étendu de sa palette. À commencer par son premier texte publié (dans Fiction), en 1972 également, La Roulotte, en mémoire de son grand-père forain, où l’on trouve déjà un E.T. (à double-face) en visite sur la Terre avant de retourner maison. Novelliste, il n’a certes pas oublié les grands espaces qui lui sont cher, comme le texte-titre Les Oiseaux d’Argyl, (1987) où un explorateur se retrouve coincé sur un monde uniquement peuplé d’oiseaux, Les Hôtes, voyant tout un équipage vivant dans le corps de la créature gigantesque qui les a avalés et qu’on peut considérer comme un clin d’œil à Stefan Wul, ou encore Le Jour de gloire où, sur la planète Kerbron, Ian Rivet répond pour son malheur à une petite annonce demandant un volontaire pour succéder à l’Empereur en place, qui prouve que l’auteur ne manque d’humour quand lui arrive d’en user. Mais plus nombreux sont les textes redescendus sur Terre, qui sonnent comme autant de dystopies : Le Monde-de-piété où c’est son corps qu’on met en gage (1974), thème qui se répète dans Tout a un prix (2015) où le narrateur a déjà vendu «une cornée, un rein, un lobe de fois (à deux reprises, ça repousse) soixante centimètres de de tissu artériel et une quantité industrielle de moelle osseuse». Ce qui s’appelle payer de sa personne, comme dans Les Rats (2016), dont le héros se nourrit jusqu’à ce que… Quel que soit le thème abordé et le style choisi, Léourier sait captiver par sa façon claire et fluide d’écrire, l’auteur étant particulièrement à l’aise dans sa manière de planter un décor état-d’âme, qu’on trouve notamment dans Vues en perspectives du Jardin des Plantes (2018), où l’on a l’impression d’arpenter avec lui un monde dont il ne reste que la nostalgie à vif : «La ville a avalé la Bièvre qui le bordait. Le jardin alpin succède à la vallée suisse, qui elle-même occupait l'emplacement de la fosse aux ours. Les pachydermes de mon enfance ont cédé leur rotonde aux microscopiques acariens. Les Wallabies s’ébattent près d’un bassin vide : l’éléphant de mer qui s’ennuyait dans sa piscine exiguë est mort tandis que je devenais adulte». Comme il faut tout lire, il est temps de laisser ce plaisir à qui se précipitera sur ce volume qu’on a compris être chaleureusement recommandé (Argyll).
UN STEPHEN KING TRANSALPIN ?
Deux pré-adolescents de treize ans, Bruno et Nino, le second au corps horriblement brûlé suite un incendie dont il s’est miraculeusement tiré dans son enfance, vivent leur jeunesse dans un orphelinat près de Salerne, où ils subissent le pire des traitements. Heureusement, voilà les vacances d’été, où ils sont accueillis par une riche famille des environs, les Aloïa, où ils doivent travailler à la ferme. Une libération ? Mais qui est cette petite fille, Caterina, qui semble cloitrée au grenier ? Et cet homme coiffé d’un grand chapeau, n’apparaît-il que dans les cauchemars de Bruno, ou dans la réalité? Quand des cadavres pourrissants sont découverts non loin de la propriété, les deux gamins commencent à réaliser qu’ils sont en réalité tombés de Charybde en Scylla. L’Homme sans sommeil, signé de l’Italien Antonio Lanzetta, développe par chapitres heurtés une suite de maléfices enchaînés où l’ombre de la guerre, encore proche puisque nous sommes en 1948, s’étend de manière inéluctable, avec un héros dont on découvre peu à peu la vraie personnalité. «À peine ses premiers poils de barbe avaient-il commencé à pousser qu’il s’était rendu compte qu’il aimait tuer. En grandissant, il avait compris qu’il n’y avait pas vraiment de différence entre les bêtes et les hommes. Un cœur, des poumons, un estomac. Les organes étaient tous les mêmes, se perçaient et saignaient de la même manière». Lanzetta est-il pour autant «le Stephen King italien», comme l’adoube un portrait flatteur ? On ne trouve pas chez lui cette fluidité qui caractérise le maître, remplacé par un travail à la hache, si ce n’est à la tronçonneuse, qui accumule mystères et horreurs où l’on finit par se perdre, l’adjonction de flashbacks en 1905 et de flash forward datés de 2010 n’arrangeant pas la compréhension. Mais on ne peut enlever à l’auteur le don de nous d’avaler ces 350 pages sans reprendre son souffle, se serait-ce que pour savoir jusqu’où il va aller. Et puis à chacun de juger (Mera).
UN LOT DE RÉÉDITIONS
Princesse de Dune, signé Brian (fils de) Herbert et Kevin J. Anderson, est le plus récent (2023) avatar de l’interminable série de suites et de préquelles que nos deux auteurs ne cessent de produire en complément des cinq romans originaux de Frank Herbert. Cette traduction express, n’en doutons pas, veut accompagner la sortie du (magnifique) second volet du film de Denis Villeneuve, d’autant qu’ici, une préquelle située deux ans avant le premier, l’une des deux femmes en vedette est Chani la Fremen où, à l’écran, son interprétation par Zendaya fut particulièrement remarquée (Robert Laffont – “Ailleurs et demain”). Du Canadien prodige Peter Watts, Vision aveugle (2006), voit le vaisseau Thésée pénètre dans le nuage d’Oort, alors que le synthétiste de bord, Siri Keeton, est tiré de l’hibernation pour se trouver face à une énigme : un corps céleste gros comme dix fois Jupiter, dont on ne sait au départ s’il s’agit d’un artefact ou d’une créature vivante, apparaît sur sa route. Sur le thème de la communication avec une espèce totalement étrangère, un vertige devant l’inconnu que seul Clarke et Lem avaient su jusque-là nous communiquer (Le Livre de poche).
Autre space opera, français cette fois, Le Dixième vaisseau, signé Pierre Bordage – première édition il y a moins de deux ans – nous présente Ivio Squirell, capitaine de vaisseau intrépide, qui purge une peine de réclusion à perpétuité pour des meurtres qu’il a toujours niés. Jusqu’au jour où le gouvernement lui propose, en échange de sa liberté, de prendre part à une expédition vers la galaxie du Triangle où des signes d’une activité intelligente ont été détectés. Une expédition périlleuse, car les neuf vaisseaux ayant précédemment tenté l’aventure ont mystérieusement disparu…(J’ai lu). Mais ce n’en est pas fini avec notre auteur national puisque voilà une seconde réédition, Inkarmations (2019) où à Vienne, durant l’hiver 1910, une karmachari nommée Alyane vole au secours d’un dénommé Aldolf Hitler que deux rakchas voulaient assassiner afin d’affecter la trame du karma.. « Observer, infiltrer, agir Avec puis disparaître », tels sont les principes de base des karmacharis dont les missions consistent à intervenir chaque fois que les suppôts du Souverain des Abîmes mettent en péril le destin de l’espèce humaine, comme au Moyen-Âge à l’occasion du procès des Templiers, ou bien dans l’avenir comme à Colonie 2, une base établie sur Shandra, planète d’une étoile binaire. La philosophie de ces 470 pages pleines de surprises : l’espèce humaine saura encore se tirer des bourbiers dans lesquels elle s’ingénie à s’enliser. C’est « Makik », nouvelle collection de poche que viennent de lancer les éditions Leha qui nous font profier de cette seconde naisssance.
Jean-Pierre Andrevon
UN BARRIO NOIR, ROUGE SANG
Au confluent du polar made in USA et d’un fantastique fortement teinté de mysticisme mexicain, les romans de Gabino Iglesias rappellent la folie furieuse du cinéma de Robert Rodriguez, époque Une nuit en enfer. Lauréat du Bram Stoker Award et du Shirley Jackson Award, l’auteur de ‘’Santa Muerte’’ et ‘’Les Lamentations du coyote’’ nous revient avec Le diable sur son épaule dont l’intrigue se déroule à cheval entre ces deux cultures rivales cimentées par une même violence latente. Dans ce roman trépidant où la mort plane presque à chaque page, un jeune père de famille originaire de Puerto Rico (à l’instar d’Iglesias) prénommé Mario devient tueur à gages pour tenter de financer le coûteux traitement contre le cancer susceptible de sauver sa petite fille. De fil en aiguille, Mario s’embarque des deux côtés de la frontière texane dans une odyssée criminelle de plus en plus terrifiante, se lançant dans une opération commando pour le compte d’un horrifiant chef de cartel usant de la pire des magies noires pour parvenir à ses fins. Créatures de cauchemar, zombie et crocodiles parent toute la seconde partie du livre d’une aura dantesque qui ne se dément pas jusqu’à son implacable conclusion digne des meilleurs films noirs (Sonatine).
Sébastien Socias