"Plus noir que noir", les bonnes nouvelles de Stephen King
Les cahiers de vacances de Métal Hurlant
DES BD EN PETIT FORMAT
Les éditions Glénat, jamais à court d’idées et d’innovations, lancent ce mois une collection d’albums petits format, des poches si l’on veut (19 x 15), à commencer par Fukushima, Chronique d’un accident sans fin (scénario Bertrand Gallic, dessin Roger Vidal), qui avait déjà eu droit à une publication grand format en 2021. Comme on s’en doute, il s’agit, sur 112 pages, de la relation la plus exacte possible de la catastrophe du 11 mars 2O11, que suit, sur 20 pages un document chiffré, cartes à l’appui, qui ne laisse rien dans l’ombre. Donc un doc à prendre comme tel, finement et précisément dessiné, où l’on regrettera néanmoins l’excès de débats entre les responsables au détriment des vues extérieures, notamment des dégâts dus au terrifiant tsunami qu’on avait à l’époque pu voir filmés en direct. Bien différent est Le Patient, thriller intimiste dû à Timothée Le Boucher, auteur complet qui, en 290 pages, fait se confronter, dans une chambre d’hôpital, Pierre Grimaud, 21 ans, seul rescapé de ce qu’on a appelé “le Massacre des Corneilles” où sa sœur Laura a exterminé au couteau toute sa famille, et Anna Kieffer, une psychologue tentant de le faire revenir à la vie. Car Pierre sort tétraplégique d’un coma de 6 ans, prétendant être hanté par les visions d’un homme en noir hantant ses nuits qui pourrait être le véritable coupable. Seulement où la vérité ? Pierre ne ment-il pas ? Et son état physique ne pourrait-il pas être moins grave qu’il en donne l’impression ? Auteur complet, Le Boucher a travaillé façon manga, dans un style réaliste et de petite case en petite case, comme pour élonger au maximum une suspense étouffant qui ne se dément jamais jusqu’à la révélation finale. Même si l’influence d’Amityville est perceptible, une réussite majeure. On ne peut malheureusement en dire autant de Méto, sur un sujet pourtant porteur même si très utilisé : 64 adolescents aux prénoms romains (Crassus, etc) sont enfermés dans une ville souterraine et surveillés par des “Césars”. Le héros du titre va chercher à s’échapper et y parviendra, découvrant la vérité. Cette dystopie claustrophobe, tiré par Lylian et Nesmo au scénario et Lerolle au dessin d’une trilogie due à Yves Grevet ne manquerait cependant pas d’intérêt si elle n’était autant délayée (256 pages) et servie par un graphisme un peu raide. La pente remonte avec Sang de sein
(scénario Patrick Werber, dessin Nicoby) une agathachristerie voulue comme telle où un écrivain de renom voulant accoucher d’un polar en chambre close ultime se fait enfermer dans un phare désaffecté en compagnie de quatre volontaires, un autre écrivain de polars, un commissaire en retraite, une réalisatrice et un spécialiste de miss Agatha. Pas de chance, il sera le premier à mourir pour de vrai. Même si le graphisme est un peu sommaire, on se laisse prendre par une ambiance et un suspense qui seraient parfaits pour un Netflix du samedi soir.
UNE MÉDAILLE POUR FABIEN CERUTTI
Il aura fallu près de 10 ans pour que la série de Fabien Cerutti, Le Bâtard de Kosigan, atteigne la consécration avec le Prix du Roman Francophone des Imaginales 2025 pour Un Printemps de sang, publié comme les volumes précédents chez Mnémos, qui fête cette année sont 3e anniversaire, après une naissance en 1995 chez Multisim, une maison dédiée au jeu de rôle mais créant alors, explique son patron Frédéric Weil «une collection dédiée au patrimoine de la science-fiction. Pour fêter ses 30 ans, Mnémos a lancé deux initiatives : une collection de « super intégraux » en tirage limité, avec un soin particulier apporté à l’objet : bandeau-titre, esthétique soignée, tirage à 2000 exemplaires avec en janvier Les Arpenteurs de Rêves de Mathieu Gaborit, et un deuxième projet sous la forme de trois concours de nouvelle portant sur la fantasy, la sf et la jeunesse ». Pour en revenir à Fabien Cerutti et son cinquième tome primé, il précise : «Un Printemps de sang est en réalité la première histoire écrite. J'ai rédigé le reste comme un prélude. Le cinquième volume du cycle se passe en 1365 : alors que la guerre de Cent Ans fait rage entre Français et Anglais, Pierre Cordwain, bâtard de la puissante maison bourguignonne de Kosigan, revient dans le comté qu’il avait fui à la mort de son père. Ancien capitaine de mercenaires, espion et assassin redouté, il s’y infiltre discrètement…» À suivre, et good luke !
DES NOUVELLES À DEMI-MOT
L’auteur du court recueil Le Joueur du Louvre est ainsi présenté par son préfacier : «Cet homme aux mille vies sait absolument tout faire : dessinateur industriel, géologue, sous-préfet [mais oui !] , conférencier, enseignant du supérieur, auteur de romans de nouvelles, de pépins, de pièces de théâtre, d’essai et autres manuels, sans oublier ses casquettes d’éditeur, de faiseur de revue et organisateur de conventions science-fictionnelles…» Est-il temps de lever le voile ? Mais oui, il s’agit de Pierre Gévart, directeur de Galaxies. Et qui parle ainsi de lui ? Bruno Pochesci, dont on ne se fait pas de la disparition brutale et qui publia son premier texte… dans Galaxies justement. Mais nul copinage dans cet hommage, seulement un juste rappel des talents de celui possède incontestablement une belle plume et qui, dans les 9 nouvelles réunies ici se montre à la fois astucieux, sobre, et très loin de l’emphase galactique nourrissant ses 26 romans (si on compte bien). En témoigne ses démarrages les plus perso, comme dans Le Village où il nous raconte sa visite à Portmeirion, ou Le Joueur du Louvre qui commence par une visite de la tour Saint-Jacques. Mais sieur Gévart n’oublie pas le monde peu clément où l’on vie, ou vivra sous peu, et où il sera difficile de savoir qui est vivant et qui est une IA (Une ville était là au matin) mais par contre très facile de parler avec les morts qui, puisque morts, nous survivront (A.M.E.). Un bain de fraîcheur qui ne demande pas 500 pages pour s’exprimer, seulement 170 (Blogger de Loire).
EN VACANCES AVEC MÉTAL HURLANT
On ne s’étonnera plus de ce que notre fameux mook trimestriel, pour fête ses 50 ans d’existence, va chercher comme nouveautés. Ainsi ce “Cahier de vacances” qui, sur ses 100 pages, nous annonce 301 jeux SF et 96 références à la Pop Culture. À ce titre, des retours sur La Planète des singes, Fondation, Star Trek et bien d’autres Musts, et pour les jeux, si l’on commence par un labyrinthe circulaire à y perdre le nord et une vaste grille de mots mêlés à en perdre ses cheveux, on trouve aussi plusieurs classiques comme “Chercher l’intrus” (magnifique double page de Bratukhin) ou “Quelles différences ?” et naturellement une foultitude de questions des plus simples (Qui est l’auteur du Monde perdu ?) aux plus compliquées. De quoi s’amuser cet été à l’ombre d’un parasol. Bonne route !
ALAIN DAMASIO EN SCÈNE
Du 27 au 29 Juin, pour célébrer les vingt ans de La Horde du Contrevent, roman culte d’Alain Damasio, trois événements immersifs mêlant lecture polyphonique, musique live et performance collective sont proposés à Paris au Lavoir moderne parisien, Une expérience littéraire et sensorielle fidèle à l’esprit indocile de La Volte.) Ce marathon sera porté par un noyau de 4 comédiennes et comédiens, accompagnés d’un musicien live, pour une lecture chorale de 6 heures pour un tissage de voix alternant intensité dramatique, souffle poétique et moments d’improvisation. En fin de soirée, une scène ouverte permettra au public – lectrices, lecteurs, autrices, auteurs, musiciennes, musiciens – de prendre part à l’aventure, dans une ambiance libre.
Vendredi 27 JUIN 18h – minuit : VENT, avec 4 basses électriques posées, verticales, sur leur stand et jouées par les souffles de 4 ventilateurs, Laurent Pernice et comédiens + invités dont Alain Damasio, Héloïse Brezillon.
Samedi 28 JUIN 14h – 20h : EAU. Scène ouverte de 19h à 20h, avec Thomas Carpentier, musicien, Guillaume Lecamus, Lecteur et metteur en lien, Melody Shanti Mahe, Lectrice et chanteuse.
Dimanche 29 JUIN 11h – 17h : MONTAGNE, avec Pierrick et comédiens (Benjamin Mayet) + invités.
Le Lavoir Moderne, 35 rue Léon (Paris XVIIIe).
Jean-Pierre ANDREVON
DES BONNES NOUVELLES DU ROI DE L’HORREUR
Avec le talent consommé qu’on lui connait, capable de trousser une longue histoire qui aurait pu du reste tout aussi bien donner matière à un roman complet (‘’Le mauvais rêve de Danny Coughlin’’) que de nous expédier en quelques pages dans une forme d’horreur pernicieuse au détour d’une rencontre tragique sur un bout de banc (‘’La cinquième étape’’), Stephen King nous est revenu chez son éditeur habituel avec Plus noir que noir, un recueil de nouvelles plus délectables les unes que les autres regroupées en un bon pavé de plus de 620 pages. Qui débute en fanfare avec le récit d’une réussite inexplicable, celle de deux vieux amis modérément doués pour l’écriture et la peinture soudain rattrapés par le succès (‘’Deux crapules pleines de talent’’) à la faveur d’un événement dont ils ont fait en sorte de conserver jalousement le secret de leur vivant et qui nous est progressivement révélé au fil d’une intrigue digne d’un épisode de ‘’La Quatrième Dimension’’ fleurant bon la science-fiction des années ‘60. Entre des histoires de famille où la violence peut s’abattre sur tout un chacun au détour du chemin, un flic dont l’interrogatoire d’un suspect dévie vers l’inattendu, des turbulences en plein ciel, la présence d’alligators et de serpents à sonnettes sans oublier une variation sur le thème des vœux exaucés par un génie facétieux, on se délecte de la fertilité narrative du maître américain qui a toujours le don de satisfaire ses fans quel que soit le format considéré (Albin Michel).
Sébastien SOCIAS