Plongez-en vrai-dans l'univers de Tim Burton
Blake et Mortimer poursuivent Olrik jusqu'à la galerie Daniel Maghen
EDGAR POE CHEZ CORBEN
Inutile de présenter à nos lecteurs Edgar Allan Poe – de son nom complet, qu’on oublie chaque fois. Et Richard Corben ? Rappelons déjà son décès, 2 décembre 2020 à l’âge de 80 ans, qui en attrista plus d’un, avec la consolation qu’il nous reste des milliers de planches et, pour la seule France, plus de 30 albums depuis les années 80. Corben, c’est au départ les corps body-buildés de ses personnages de fantasy, au premier rang desquels Den ou Rowlf, qui ne cesse de rencontrer des créatures femelles toujours nues, aux mamelles hypertrophiées et à la cuisse peu farouche, imposant une impression de relief qui n’appartient qu’à lui, grâce à un travail de calques superposés et l’usage de l’aérographe, technique génératrice d’un modelé subtil efficace aussi bien dans ses paysages que pour les incroyables « gueules » volontairement caricaturales qui parsèment ses planches. Il était bien naturel qu’il rencontre le fantastique gothique, ce qu’il fit avec nombre d’adaptations distribuées notamment dans les magazines Eerie, Creepy ou Vampirella, ainsi de La Maison au bord du monde de William Hope Hodgson, et naturellement Poe avec dix premières histoires, Edgar Allan Poe’s Haunt of Horreur (2006), que suivra, entre 2012 et 2015) de nouvelles versions de contes déjà illustrés augmentés d’inédits, avec en particulier, sur 48 planches, une superbe Chute de la maison Usher, où l’on appréciera sa représentation toute personnelle de Roderick Usher, qui surprendra qui a encore dans l’œil Vincent Price dans la version de Roger Corman. La totalité de ces histoires vient d’être réunie chez nous dans un superbe album de 248 pages, Esprits des morts & autres récits d’Edgard Allan Poe, 16 adaptations au total, dont les textes les plus connus du poète, Le Masque de la Mort Rouge, Le Corbeau, Double assassinat dans la rue Morgue, L’Enterrement prématuré, mêlés à courts récits plus discrets, comme Les Esprits des morts, ou L’Homme des foules, qui fut sa dernière visite à Poe. Qu’on ne s’attende pas, cela va de soi, à des adaptations littérales, Corben, dans un court entretien, tenant à préciser : « Mes adaptations ne sont que l’interprétation des visions suggérés par Poe dans ses textes et ses poèmes. On ne peut même pas les considérer comme des mises en images de ses textes. Ce sont la formalisation de mes propres pensées, inspirées par les créations de Poe ». D’où accumulation de cadavres pourrissants, de squelettes surgissant des tombes, sans oublier l’envahissement des répugnants asticots de The Conqueror Worm. Horreur pure (la Mort Rouge), poésie romantique (Le Corbeau), violence exacerbée (la Rue Morgue), humour noir (La Barrique d’Amontillado), tout cela se conjugue dans ce style inimitable qui caractérise un graphiste à nul autre pareil, dans cette visite qu’on n’espère pas ultime, mais que tout amateur devrait conserver à la première place dans sa bibliothèque (Délirium).
LES PLANTES AUSSI ONT DROIT AUX ÉCRANS
Quelle plante a tué le héros d’Into the Wild ? Quelle orchidée rare a été tellement chassée qu’elle se trouve au bord de l’extinction ?Existe-t-il une plante carnivore sur le modèle de celle de La Petite boutique des horreurs qui serait capable de manger un être humain ? C’est pour répondre à ces questions, et à bien d’autres, que Katia Astafieff, dans l’érudit et ne manquant pas d’humour Les Plantes font leur cinéma, se livre à un tour d’horizon de certains végétaux dont certains occupent un rôle de premier plan, pouvant «avoir un intérêt symbolique, accompagnant l’intrigue, ou esthétique, participant à l’ambiance ou à la poésie du film ». Avatar, et sa floraison luminescente, serait un bon exemple de cette seconde catégorie, alors que Silent Running, avec ses derniers végétaux mis en orbite au-dessus d’une terre désertifiée appartiendrait à la seconde. La SF se taille évidemment la part du lion dans ce recensement, avec les plantes délibérément hostiles comme les Triffides du film de 1963 d’après le roman de John Wyndham, ou encore celles d’un épisode de Chapeau melon et bottes de cuir, Les Mangeuses d’hommes du Surrey, qui sont en outre télépathes. Bien d’autres exemples seraient à citer, sans surtout oublier l’avertissement qui clôt le livre, nous prédisant un avenir bien sombre si rien n’est fait pour protéger notre biodiversité. Car en fin de compte l’humanité est plus dangereuse pour les plantes que l’inverse ! (Dunod).
VONDA MCINTIRE, AUTRICE FÉMINISTE À L’HONNEUR
De Vonda McIntyre (1948 – 2019), nous pouvons ( re)découvrir cette semaine deux romans, son premier, « Loué soit l’exil » en 1975, qui voit Mischa, voleuse et télépathe, croupir à Centre, sur une Terre post-catastrophique vouée à la violence, et son plus célèbre, « Le Serpent du rêve », prix Nebula et Hugo où, dans un monde retourné à une ère préindustrielle, une nomade nommée Serpente possède le pouvoir de guérison, qu’elle tire du venin transformé des trois serpents qui l’accompagnent, une petite couleuvre au pouvoir lénifiant, Herbe, un gigantesque cobra, Brume, et Sable, un crotale. Le récit, axé sur les efforts de Serpente pour guérir un enfant souffrant d’une tumeur, fait preuve d’une belle sensibilité. Mais qu’arrive quand un de ses serpents est volontairement tué ? On trouve ces deux romans, accompagnés d’une nouvelle jusqu’au aujourd’hui inédite en Français, « Cages », le tout formant l’intégrale de l’univers de sphères, plus une postface signée Una McCormack, qui revient sur les thèmes privilégiés par l’autrice et son engagement féministe, dans le gros module de 608 pages, Le Serpent du rêve, un volume témoignant de l’excellence permanente des « intégrales » de chez Mnémos.
ÉPINAL, LE NOUVEAU FESTIVAL EST ANNONCÉ
Après une année d’incertitude et le fâcheux licenciement de son incontournable directrice, Stéphanie Nicot, Les Imaginales d'Épinal sont de retour cette année, du jeudi 25 au dimanche 28 de ce mois de mai, se tenant comme toujours dans le très agréable parc du Cours d’Epinal. Thème : Le futur de la cité, occasion de retrouver les auteurs de La Ligue de l’Imaginale (Bernard Werber, Éric Giacometti, Jacques Ravenne, Henri Lœvenbruc, Jean-Luc Bizien), mais aussi d'autres grands noms de la SFFF (Erik L'Homme, Pierre Bordage, Fabrice Colin, Philippe Curval, Bruno Pochesci, Laurent Genefort, Laurent Whale et bien d'autres, 200 invités au total, pour des signatures, rencontres, tables rondes, expositions, jeux. La musique ne sera pas oubliée puis qu’un groupe rock auquel participe l’indispensable auteur-musicien Bruno Poschesci et son groupe des BAT (Bons à tirer), se produira le samedi soir à : L’appARTement , « Bistro vivant », 10 rue du Général De Gaulle.
L’ÎLE MYSTÉRIEUSE SUR SCÈNE
L'incroyable histoire de l'île mystérieuse, pièce ayant démarré le 22 avril, se poursuivra jusqu’ »au 3 septembre de cette année au Grand Point-Virgule, 8 rue de l’arrivée, 75015 Paris, à raison de 4 représentation quotidiennes, à 14 h, 17 h, 19 h et 21h15. Il s’agit d’une comédie d'aventure tout public, écrite, montée et interprété par Cyril Gourbet, qui devrait ravir tous les fans d'Indiana Jones, Jules Verne et Jurassic park ! La pièce est construite comme un véritable film d'aventure avec 26 tableaux différents, 17 personnages, du rythme, des cascades, de l'humour et des créatures plus vraies que nature, avec de vrais dinosaures sur scène! Cette pièce est la suite des Aventuriers de la Cité Z qui avait rencontré un beau succès à Paris et en Province avec plus de 600 représentations.
1942. La France est occupée. Jack Beauregard, escroc mythomane, survit difficilement grâce au marché noir. Alors qu’une nuit il croit visiter une cave de grands crus de Bourgogne, il tombe nez à nez avec Louise de Talleyrand, une jeune résistante prisonnière de la Gestapo. Parvenant à s’enfuir, Louise révèle à Jack la raison de son arrestation : elle seule est capable de localiser l'île de Boyuca, qui abriterait selon la légende un trésor inestimable : le secret de l’Immortalité. Ensemble, nos deux héros devront braver mille dangers pour atteindre cette "île mystérieuse"….
BLAKE ET MORTIMER RIDE AGAIN
Du 16 mai au 3 juin 2023, la galerie Daniel Maghen (36 Rue du Louvre, 75001 Paris) présente une exposition dans l'univers de la série Blake et Mortimer, créée en 1946. Mais cette fois-ci, ce n’est pas le créateur Edgar P. Jacobs qui est mis en lumière, mais ses successeurs : Antoine Aubin et Ted Benoit. En 1992, les éditions Dargaud rachètent les droits de la série et le dessin est confié à Ted Benoit, qui œuvre sur deux volumes de Blake et Mortimer scénarisés par Jean Van Hamme, L'Affaire Francis Blake (1996) et L'Étrange rendez-vous (2001). De ces albums, il ne reste que quelques originaux. L'exposition à la galerie Daniel Maghen présente une douzaine de planches ainsi que de nombreux croquis de la main de Ted Benoit. Antoine Aubin arrive quelques années après. Avec Huit heures à Berlin, scénarisé par Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet, publié en 2022, il signe son troisième Blake et Mortimer. Celui-ci aura nécessité sept ans de travail. Un bon plaisir pour les nostalgiques.
TIM BURTON LIVES
L’extraterrestre d’Hollywood sacré maître du rêve et du cauchemar nous embarque pour une nouvelle aventure, non pas dans les salles obscures, mais bien dans un gigantesque labyrinthe. L’enfant terrible du 7e art réputé pour sa noirceur gothique et sa poésie étrange révèle ici l’envers du décor de ses plus grands films dans dédale de salles inextricables, rouges, vertes et violettes, déployées sur plus de 5000 m² d’espace d’exposition, avec plus de 300 itinéraires possibles. On peut ainsi rejoindre les époux malheureux des Noces Funèbres, attraper la figure évanescente du Chat du Cheshire, croiser la statue de cire du Chapelier fou perdue dans une forêt de champignons XXL, sombrer dans la comédie burlesque de Beetlejuice. Derrière chaque porte se cache une fenêtre sur le monde intérieur du cinéaste de L’Étrange Noël de Monsieur Jack au désopilant Mars Attack, sans oublier le plus grand succès au box-office du réalisateur, le fantastique Alice au pays des Merveilles. Bandes-son originales des films, croquis, dessins, costumes, sculptures… À travers des installations monumentales, des décors immersifs et des pièces originales, l’exposition offre une échappée-belle inédite dans l’univers grinçant du metteur en scène.
À voir et s’y perdre à l’Espace Chapiteaux, parc de la Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019, Paris, du 19 mai au 20 août.
JEAN-PIERRE ANDREVON