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"Le Monde de Pellucidar" d'Edgar Rice Burroughs enfin en bande dessinée
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LE MEILLEUR DES MONDES REVISITÉ
Qui ne connait ce roman d’Aldous Huxley, publié originellement en 1932 ? Daté pour la fiction en l’an 632, cette dystopie est basé sur une société fondée sur l’eugénisme (la génétique eût été mieux connu en son temps que l’auteur s’y serait nécessairement appuyé), où les enfants, conçus ex utero (« Dans des cas exceptionnels, nous pouvons nous faire livrer par un seul ovaire plus de quinze mille individus adultes »), sont façonnés pour occuper une place précise selon une séparation verticale des caractéristiques tant physiques que mentales d’où il est impossible de sortir, puisque le fait même de le vouloir a été excisé des pensées grâce à un enseignement hypnopédique conditionnant les enfant pendant leur sommeil. On trouve ainsi deux castes supérieures, les Alpha, l’élite dirigeante, grands, beaux, supérieurement intelligents et vêtus de gris, secondés par les Bêta, qui occupent des fonctions importantes et sont vêtus de vert. Au-dessous, trois castes inférieures : Les Gamma, en kaki, qu’on peut assimiler à une classe populaire, puis les Delta (en marron) et les Epsilons (en noir), programmés pour les travaux manuels les plus durs, les Epsilons n’étant, physiquement au moins, guère plus que des singes.
Dans cette société, toute allusion à la maternité, à la famille, au mariage et plus encore à l’amour est tabou, considérée comme obscène. Par contre la sexualité est libre, vécue comme un simple loisir, chaque individu, homme comme femme, usant simultanément de plusieurs partenaires sexuels – entre deux et six par semaine – pour une durée limitée. Et tout un chacun se gave journellement de soma, une substance sans danger, « …le soma délicieux, un demi-gramme pour un répit d’une demi-journée, un gramme pour un week-end, deux grammes pour une excursion dans l’Orient somptueux, trois pour une sombre éternité sur la lune. » Du LSD avant l’usage ? En tout cas, on nage dans le bonheur sous “notre Ford”, la référence n’étant autre que les voitures Ford T, qui à l’époque de l’écriture du roman étaient produites à la chaîne. Jamais retouché depuis sa première traduction en 1933, le roman vient de bénéficier d’une nouvelle traduction due à Josée Kamoun, qui explique la nécessité d’une mise à jour… 90 ans plus tard, Le Meilleur des mondes étant ainsi, après Nous (2017) et 1984 (2018) la dernière des trois grandes dystopies modernes à être revue et corrigée. Occasion s’il en est pour les néophytes de combler un manque rédhibitoire ! (Plon).
AYERDHAL ENTRE POLAR ET SF
On ne cessera de regretter la disparition d’Ayerdah, cet auteur prodige, une des plus belles plumes de la sf française, malheureusement décédé en 2015 à l’âge de 56 ans. Restent ses œuvres, ainsi de Cybione, initialement publié au Fleuve noir en 1992, et qui est à nouveau disponible aujourd’hui. L’auteur y fait vivre Elyia, un cybione, ou CYBernetic BIOlogic clONE, détective “Réactivée” pour mener à bien des affaires particulièrement difficiles, mais qui a la particularité d’être mise en stase, son corps détruit, à l’issue de son enquête. Gardant une partie de ses souvenirs à chaque résurrection, elle va se rebeller contre sa condition, alors qu’elle a été lâchée sur une planète où toutes les institutions sont privées, y compris police et justice. Même s’il s’agit là d’une œuvre de jeunesse, l’engagement de l’auteur est déjà lisible dans ce texte nerveux, plein de suspense et qui ne manque pas d’humour. Des retrouvailles à ne pas manquer (Au Diable Vauvert).
EDGAR RICE BURROUGHS AU CŒUR DE LA TERRE
C’est avec le plus grand plaisir que, depuis quelque temps, on voit ce formidable conteur qu’était Edgar Rice Burroughs gagner le domaine de la bd, et pas seulement pour ses Tarzan. Ainsi du monde souterrain de Pellucidar (6 romans entre 1914 et 1944), inauguré avec Au cœur de la Terre, qui voit l’ingénieur David Innes et Abner Perry, inventeur d’une foreuse capable de percer la croute terrestre, surgir à 832 kilomètres de la surface dans un monde intérieur éclairé par un soleil fixe, Pellucidar. Les deux hommes rencontreront nombre de dinosaures et diverses tribus de pré-hominiens, simiesques comme les Sagoths, ou très humains comme les Amoz et leur Princesse Diann, mais aussi les Mahars, reptiles volants en forme de chauves-souris géantes, qui tiennent les Sagoths sous influence télépathique. Du pur Burroughs bourré d’action au sujet duquel mieux vaut oublier la version cinéma de Kevin Connor (Centre Terre, septième continent, 1976) pour apprécier le premier tome de cette adaptation où Jean-David Morvan reste fidèle à l’auteur tout en y apportant quelques modifications mineures, comme faire de David Innes un tout jeune homme sportif et naïf, ou remplacer les traditionnels dinos par le féroces prédateur poilus comme le hyaenodon. Mais c’est surtout ici le dessin dynamique de Raphael Ortiz (porté par les superbes couleurs de Hiroyaki Oshima) qui retient l’attention avec son réalisme brut, aussi évocateur dans les petites cases où l’on s’empoigne dans un montage à la Zack Synder que dans les pleines ou doubles pages, comme ce panoramique sur le monde intérieur et son horizon à la courbure inversée. De quoi implorer : vite, la suite ! (Glénat).
LA TERRE DANS QUELQUES CENTAINES D’ANNÉES
Signé Lavie Thidar, Central Station se passe dans un avenir indéterminé mais lointain, plusieurs centaines d’années, entre « Tel-Aviv Nord où les juifs vivent dans des gratte-ciel et Jaffa, au sud, où les Arabes ont repris leur vieille terre près de la mer » et où l’on boit la bière palestinienne Taybeh et la Machabee israélienne à la pression. Une situation géographique qui ne se réfère aucunement aux événements actuels (le livre a été publié en 2016), tout en étant familière à un auteur né en Israël où, littérairement, il a déjà mis les pieds (Aucune terre n’est promise, chez nous en 2021). Nous sommes donc à Central Station, un des principaux spatioports de la Terre, où se croisent des entités venues de tout le système solaire, hanté par «des drones tueurs qui combattent en silence dans les Républiques galiléennes, des mines intelligentes qui chassent dans l’orbite de Callisto, au-delà des confins des araignées qui sèment de nouveaux nœuds au sein du nuage d’Oort (tandis que)sur Mars, à Tong Yun City, dans le hall du Niveau Trois, loin en-dessous des sables martiens où se trouvait le plus grand bazar multi-foi, on peut rencontrer le Robot-Pape en personne, dans le Vatican des Robots ». Les personnages ne sont pas en reste, comme la strigoï Carmel, vampire psychique qui « quand elle enfonçait ses dents dans la chair tendre d’un homme ou d’une femme, les planctons contenus dans sa salive entraient dans le sang de sa victime, en tirait de la nourriture, des tétraocters et des pétaoctets de souvenirs, de réminiscences, de rêves… » On baigne dans la Conversation, « ce bavardage incessant de flux humains et mécaniques sans lequel on aurait l’impression d’être aveugle et sourd » à moins que les Autres, ces entités virtuelles capables de donner des capacités surnaturelles aux humains se lient à eux et reprogrammant leurs nodes. Doit-on continuer ? Centrale Station est un inextricable agglomérat de créatures artificielles ou pas qui peuvent s’exprimer en « Asteroid Pidgin », sabir des mineurs de l’espace, ou en « Battle Yiddish », langue des Robotnik, soldats cyborgs abandonnés à leur sort après la fin de guerres oubliées de tous. Le problème de cette espèce de monstre est qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un roman, mais d’un fixed-up de 13 nouvelles publiées indépendamment dans divers supports tout en restant dans le même univers, entre 2011 et 2016. Et, si divers personnages s’y croisent, nous n’avons pas affaire ici avec un récit suivi, mais à un état des lieux qui, aussi fascinant soit-il, génère tout de même une certaine frustration. (Mnémos).
CONAN AU FÉMININ
Elle s’appelle Connie, et sa ressemblance avec son cousin mâle et musclé est toute relative, à part le pagne. Et si ses aventures, qui se déroulent à El Djébéteq, capitale du Khanat de Transistan, s’amuse de l’orientalisme tel qu’on le voyait au XIXe sècle, ses conquêtes ne se font pas par le fil de l’épée, mais par d’autres moyens, dont elle possède sur elle tout le nécessaire. Très coquin donc, très drôle aussi, le parcours de cette coquine, qu’on trouve dans Connie la barbare (tome II : Les Bijoux du Transistan) bénéficie du dessin très coloré et tout en rondeurs de Gianluca Maconi. Pour amateur ? Certes, mais il y en a pour 120 pages, alors pourquoi s’en priver ? (Tabou).
Jean-Pierre Andrevon
LES VAGABONDS SORTENT LES CROCS
Road movie vampirique signé Richard Lange, ces Vagabonds nous entrainent au cœur de l’Amérique en juillet 1976 sur les traces sanglantes d’une fratrie rappelant le duo de compères formé par George et Lennie dans Des souris et des hommes de Steinbeck ; l’ainé Jesse s’efforçant ici de protéger son simple d’esprit de cadet baptisé Edgar des dangers les guettant sur leur route. Laquelle croise celle d’un gang de bikers avec qui ils vont avoir maille à partir, début d’un règlement de comptes au long cours les conduisant du côté de Las Vegas, destination également prisée par un père de famille endeuillé et assoiffé de vengeance envers les vampires ayant occis son fils. Donnant la parole à chaque protagoniste tout au long d’un récit choral rondement mené, ponctué de scènes nocturnes d’une violence gore parfaitement illustratives de la sauvagerie planant sur ce thriller fantastique typiquement américain, le roman s’y entend pour explorer la part d’humanité résiduelle animant encore ces goules presque immortelles comme la monstruosité palpitant désormais dans la poitrine d’un homme ne vivant plus que pour assouvir sa vendetta obsessionnelle. Avec ses personnages bien dessinés et ses rebondissements haletants, l’ouvrage se dévore vraiment à pleines dents tant la prose de l’auteur a le don de vous happer pour ne plus vous lâcher (Rivages).
Sébastien Socias