Métal Hurlant se réincarne, sans prendre une ride
La campagne de soutien est presque à son objectif-il faut souscrire !
288 pages de pur Métal
Nous avions signalé il y a quelques trois mois la résurgence du mythique Métal Hurlant, avec un premier numéro de lancement, surtout consacré à des auteurs récents qui pouvaient se situer dans la mouvance des grands anciens. Avec son numéro 2, qui vient de sortir, c’est à un grand retour à ses plus fameux participants qu’il nous est convié d’assister, sur un énorme pavé de près de 300 pages, un mook dessiné. Qu’un de ses créateurs, Jean-Pierre Dionnet, présente ainsi : » Je vais vous raconter Métal Hurlant. Mais vous devez savoir que c’était un monde très éloigné de celui d’aujourd’hui. Je vais vous parler d’une époque où nous avions à peine le téléphone. Internet n’était même pas de la science-fiction. Les jeunes lecteurs qui sont nés avec un portable greffé à l’oreille auront peut-être du mal à l’imaginer… Métal était un super journal. Comment le Très Grand Tout cosmique a-t-il pu choisir un vaisseau aussi humble, aussi petit, aussi précaire, pour irradier pendant un millième de seconde l’éternité ? » Quant à Claude Ecken, qui fut notre collaborateur, il nous raconte en une quinzaine de pages accompagnées de photos des «jeunes» de l’époque le menu de cette grande aventure.
Nostalgie ? Il n’est qu’à feuilleter ces pages pour se rendre compte que toutes les bandes qui y sont empilées sont aussi novatrices que si elles avaient été graphitées aujourd’hui. Qu’on en juge : Dan 0’ Banon et Moebius pour The Long Tomorrow, Caza avec le magnifique noir et blanc de L’Oiseau poussière, Chantal Montellier et sa politique-fiction de 1996, Nicole Claveloux et les éclatantes couleurs de La Main verte, Vaughn Bodé, seul Américain de la bande et son Cobalt 60, Enki Bilal et Crux universalis Eternity Road, cruelle satire du clergé galactique, Luc et François Schuiten avec une bizarre histoire d’insectes, Marc Caro, pour Rock’n Roll Suicide, Philippe Druillet et les pages monumentales d’Agorn, Jean-Claude Mézières, qui vient hélas de nous quitter, avec un space opera pour une fois sans Christin, Paul Gillon, et quelques autres encore de la même qualité. Un must, comme le seront, trimestre après trimestre, n’en doutons pas, les numéros qui vont suivre…
Retour à David Lynch
Quel film est «une invitation à se perdre sur des boulevards du crépuscule, dans l’envers des décors et des histoires éclairées par le soleil noir de la Californie» ? Lost Highway bien sûr, au sujet duquel l’auteur de cette étude ajoute : «Il donne le sentiment de toujours changer de dimension, d’enchaîner les points d’équilibre aussitôt tremblés, obligeant les sens et la raison à de perpétuel ajustements (…) Quelque point de vue que vous adoptiez devant Lost Highway, un facteur fera toujours défaut à votre interprétation, qu’il soir logique, sensitif, intuitif». Il faudrait tout citer de l’étude en profondeur que lui consacre Guy Astic avec Lost Highway de David Lynch – le purgatoire des sens, pour comprendre le sens de ce film énigmatique et la manière dont elle se concrétise à l’écran, ce «néo-noir» qui a provoqué à sa sortie tant de sidération. Traquant les repères et les points de tangence, de Bacon à Cocteau, d’Eyes Wide Shut à Vertigo ou à l’Alice de Lewis Carroll, accompagné à l’image d’une centaine ou plus de photos petit format qui attirent notre regard comme autant d’écrans, voilà un livre certes exigeant, mais que tous les lynchiens apprécieront comme un cadeau inattendu (Rouge profond).
Que dit James Bond ?
“Mon nom est bond… James Bond » bien sûr. Mais pas que, même si cette réplique culte a contribué à faire de l’agent 007 une figure incontournable du 7e art et le digne ambassadeur du fameux flegme britannique. Les tirades mémorables, qu’elles fusent de sa bouche ou d’un de ses interlocuteurs ou ennemis sont l’une des causes du succès jamais démenti de la série et l’une de ses particularités. James Bond OO7 – les répliquent qui tuent, signé James Nolan et Simon Ward est ainsi un amusant petit livre, illustré de très nombreuses photos noir et blanc et couleurs, qui en a recueilli une bonne centaine, en v. f. comme en v. o., pour notre plus grand plaisir, et en même temps aviver notre mémoire. Ainsi dans Meurs un autre jour : Mr Kill : «Je suis monsieur Kill». Bond : «Il y a des noms de famille qui tuent». Ou dans Skyfall : Bond : «Au fait, j’ai lu votre nécro sur moi. Un vrai scandale ». M : «Je savais que vous détesteriez. Je vous ai cité en modèle de bravoure britannique ». Bond : « Oui, ce passage, ça allait…» (Ynnis).
Du jeu vidéo en comic
Horizon zero Dawn tome 1
Voilà un album qui nous permet de découvrir dans une nouvelle trilogie un récit se déroulant après les événements d’Horizon Zero Dawn, le jeu vidéo acclamé par la critique et les joueurs. Mille ans après notre époque, Horizon est une Terre pleine de splendeurs naturelles et de ruines oubliées, où des créatures robotisées impressionnantes peuplent le monde tandis que les humains organisés en tribus primitives luttent pour survivre. Au lendemain d’une bataille titanesque qui a presque ravagé la capitale Méridian, Talanah, l’une des plus grandes chasseuses de machines du pays, peine à trouver sa place dans l’effort de reconstruction. Pire encore, Aloy, son amie de confiance, s’est volatilisée. Lorsqu’une nouvelle menace émerge dans l’arrière-pays, elle doit décider de la meilleure façon de servir sa tribu, ses amis et elle-même.
Jan-Bart van Beek, Angie Smets et Michiel van der Leeuw, créateurs de la série nous préviennent : « Nous avons su dès le début que nous ne voulions pas faire de ce premier volume une simple adaptation du jeu vidéo. Les fans d’Horizon sont curieux et créatifs, alors on s’est dit qu’il valait mieux explorer davantage le monde et les personnages que nous avions créés pour l’occasion. Nous avons donc décidé de consacrer notre premier arc narratif à Talanah, l’une des plus proches alliées d’Aloy dans le jeu vidéo, et un personnage très fort. » (Mana Books).
Batman encore et toujours !
Alors que le prochain Batman ne va pas tarder à débarquer sur nos écran, Batman: Imposter, nous fait pénétrer la face la plus noire du Dark Knight qui est ici poursuivi par la police entière de Gotham, car accusé de pas moins d’une douzaine de meurtres, lesquels, fussen-ils perpétrés sur des criminels, n’en tombent pas moins sous le coup de la loi. Seulement ce n’est pas lui le coupable, mais un mystérieux individu qui, ayant revêtu un costume semblable au sien, commet ces forfaits. Bruce Wayne n’a plus qu’à se lancer à sa rechercher pour prouver son innocence, encadré de deux femmes, l’une cherchant à l’aider, sa psychiatre Leslie, une Noire, qui l’exhorte à quitter son costume et à vivre en paix sous sa véritable identité de Bruce Wayne, la seconde, qui le traque sans pitié, étant une fliquesse asiatique du nom de Claire Wong. Peu d’action dans cet album de 176 pages au dessin expressionniste en découpage serré (Andrea Sorrentino), aux couleurs très sombres (Jordie Bellaire), et dont le scénario est dû à Mattson Tomlin, qui n’est autre que le co-scénariste du film The Batman. C’est donc l’aspect psychologique qui ici prime, même si notre héros, qui n’est plus en fin de parcours que plaies et bosses, risque plus qu’ailleurs d’y laisser peau, face à un adversaire qui « frappe plus fort que lui » (Urban Comics).
Un peu de lecture
Tout amateur de SF connait le trop rare Richard Canal, auteur de plusieurs romans marquants, comme La Malédiction de l’éphémère en SF ou L’équilibre du mal en fantastique. L’auteur nous donne aujourd’hui Bunker Hill, un recueil de 12 nouvelles qu’il présente ainsi : « Il y a de la science-fiction, il y a du fantastique, il y a du récit contemporain dans ce recueil de nouvelles, dont la moitié sont inédites. Mais il s’en détache surtout une profonde humanité, qui donne aux personnages divers qui parcourent ces pages une profondeur peu courante dans la littérature populaire.
On entend au fil des textes des airs de révolution, des airs de résistance contre un ordre inique et sans conscience. On y fustige la discrimination, on y dénonce l’intolérance. Les héros sont des enfants qui ouvrent les yeux sur la réalité cruelle du monde, des monstres qui survivent à l’apocalypse, des déshérités que la société bien-pensante rejette ou persécute, une vieille dame très digne qui s’échappe dans le passé pour fuir la mort qui la guette, un Bob Marley rattrapé par des fantômes au coin de Portobello Road ».
L’Afrique où a longtemps vécu l’auteur et il puise une bonne part de son inspiration, sème ici et là ses mythes, comme de petits cailloux indiquant au lecteur le chemin des rêves (Rivière blanche).
De l’uchronie très anglaise
De l’Angleterre des Tudors aux flammes de Persépolis, de l’institut St Mary version moyenâgeuse aux prisons mortifères du XIXe siècle, Max a du mal à préserver un semblant de vie privée... Que faire alors, lorsque ses deux plus grands ennemis décident de venir la hanter à nouveau ? Car à l’institut St Mary, les historiens n’étudient pas seulement le passé, ils le visitent.
Pour en savoir plus, voilà Jusqu’à la fin et au-delà, le neuvième tome des Chroniques de Ste Mary, signé Jodi Taylor, qui s’est d’abord fait connaître en auto-publication, avant que le premier titre de ses Chroniques ne rencontre son public. La série est publiée au Royaume-Uni, puis aux États-Unis en 2016, entrant le même mois dans les meilleures ventes de USA TODAY. Elle compte aujourd’hui 13 tomes, l’ensemble de la série publiée en français ayant remporté le Prix Spécial ActuSF de l’Uchronie 2021 (Hervé Chopin).
JEAN-PIERRE ANDREVON