UN MÉTAL HURLANT EN PLEIN ÉTÉ
Avec son numéro 8, arrivé sans crier gare en plein été, ce mook trimestriel qui s’est, au fil des numéros, imposé comme un panier indispensable rempli à tas-bord de bd-sf, nous présente un ensemble impressionnant à déguster à l’ombre tout au long de ses 272 pages. Dernier numéro « historique », note le rédacteur en chef Thierry Frissen, donc riche uniquement d'histoires parues dans la version initiale du magazine, Métal, à partir de ses prochaines parutions sera dédié uniquement à la création, si l’on excepte à partir du numéro 10, un cahier vintage d’une trentaine de pages, animé par Claude Ecken et Christophe Quillien. C’est d’ailleurs notre ami et ex-collaborateur Claude Ecken qui raconte ici avec humour dans Métal savant : le rédactionnel, comment le magazine devait souscrire à l’obligation (loi du 16 juillet 1949) de comporter 10% d’écrits, ce qui allait pas sans mal, les textes faits à la va-vite étant bourrés de coquilles et fautes d’orthographe ! Texte encore, Philippe Manœuvre raconte dans un entretien exclusif « ses années Métal », avec son attachement au rock, une bonne partie de ce numéro étant d’ailleurs consacrée à la « BD rock », centrale dans l'ADN de Métal Hurlant, quoi qu’on puisse penser de cette optique et ses manifestations. Enfin, un entretien avec Enki Bilal, donne le point de vue sceptique de ce créateur exceptionnel sur l’orientation actuelle du 8e art.
Pour ce qui est des bd, le numéro ne compte pas moins de 27 courts-métrages, où l’on retrouve ses vedettes, Mœbius avec Arzak, Druillet avec l’impressionnant Guerre, Caza et un magnifique port-folio noir et blanc sur la femme et ses métamorphoses, Arno et son graphisme hyper-réaliste pour Berlin 1945, Marc Caro dans La Patrouille, qui annonce le court-métrage Le Bunker de la dernière rafale, sans oublier Tardi avec la seconde partie de son péplum Polonius. Moins connus, Cortman et Teonanacalt genèse rappelle Mœbius, modèle indépassable, tandis que Beb-Deum avec World Way of Life use de la 3D pour explorer un univers futur glacial. Restent enfin les fantaisies « rock » des quelques auteurs qui caractérisent le mieux ce fameux « esprit Métal » : Alain Voss, Francis Masse, Serge Clerc, Jano, Yves Chaland et Luc Cornillon, tous récits originellement publiés entre la fin des années (19)70 et la fin de la décennie suivante, et ici présentés par Claude Ecken et Christophe Quillien. À ne pas manquer ? Inutile de le préciser.
LE SALON DES VOYAGEURS IMMOBILES OUVRE SES PORTES
Pendant 3 jours dans l’univers fantastique du Quasar, équipement culturel situé en cœur de la ville de Cherbourg-en-Cotentin et regroupant plusieurs espaces – le musée Thomas Henry, la bibliothèque Jacques Prévert, le Théâtre à l’italienne, l’artothèque, le Café du Théâtre – ouvre ses portes. Créé en 2017, Voyageurs immobiles a été d’emblée un succès. Cette année, le thème du médiéval fantastique est à l’honneur. Une trentaine d’auteurs de la littérature pop et des maisons d’édition comme Editions 1115, Gulf Stream et Dystopia seront réunis au Théâtre à l’italienne pour un Salon du livre de l’imaginaire, organisé en partenariat avec l’espace culturel Leclerc Tourlaville. Au programme :
· un salon du livre de l’imaginaire accueillant auteurs, illustrateurs et maisons d’édition de grande renommée,
· un concours de cosplay,
· des ateliers et animations autour des jeux vidéo,
· des jeux de société,
· du dessin,
· des conférences,
· des projections… qu’on retrouvera vendredi 25 août de 14h - 19h, samedi 26 août de 10h - 19h, dimanche 27 août de 10h - 18h, esplanade de la Laïcité, 50100 Cherbourg-en-Cotentin.
Tous renseignements au 02 33 23 39 33 et musees@cherboourg.fr
LE JUGE DREDD TOUJOURS AU POSTE !
Dans une cité fermée et gangrenée par la criminalité où les nouvelles modes surgissent en raz-de-marée dévastateurs parmi une population abrutie par l’oisiveté et le chômage, le travail des Juges n’est pas de tout repos : faire respecter la Loi à la lettre. Et nul n’est meilleur dans ce rôle que l’implacable Judge Dredd, incarnation vivante du livre de la Loi: tremblez, vermines, et ramassez-moi ces mégots! Avec la parution du tome 8 des Affaires classées, recueil d’histoires publiées entre 1983 et 1984 et jusqu’ici totalement inédites en France, nous pouvons redécouvir les plus grands dessinateurs britanniques de leur génération: le regretté Steve Dillon (Preacher, Hellblazer), Ron Smith ou encore le co-créateur de la série Carlos Ezquerra, sans oublier Ian Gibson (Halo Jones). Parmi toutes ces histoires, nous pouvons citer en particulier Portrait d’un politicien, moquerie hilarante des "experts" des plateaux télé et des politiciens, autour de la starification d'un orang-outan, ou encore Requiem pour un poids lourd, parodie des compétitions sportives et du culte de la performance poussé à son extrême, le tout sur un total sur 392 pages. Un bonheur ne venant jamais seul, notons en même temps la réédition de JUDGE DREDD Affaires Classées 01, épuisée depuis deux ans et enfin à nouveau disponible, qui nous permettra de redécouvrir les premiers pas de ce douteux héros, avec les superbes dessins de Brian Bolland qui ont marqué la série (Délirium)
LA VISITE : UNE EXPÉRIENCE D’ÉCRITURE… ET DE LECTURE
« L’humanité a su éviter la catastrophe et a changé totalement san mode d’existence, notamment san rapport à la vivante, et san organisation politique. L’Écoume est en effet respectueux de toutes, des végétales et des animales, de la Terre en voie de guérison. Cependant l’apparition de Sitive, une planète à l’écosystème totalement incompréhensible, bouleverse la conception de notre monde, de la science à la religion ».
Eh bien non, le texte qui précède, présentation du dernier roman signé Li-Cam, La Visite, et qu’on doit sans doute à sa plume, ne souffre pas d’une reproduction hâtive qui aurait échappé à la relecture et à la correction… Car il s’agit bien du style créé par l’autrice, qui pousse ici l’inclusivité et l’intersectionnalité dans des retranchements très personnels. Ainsi que le précise la prière d’insérer : « C’est an expérience de lecture d’an langage qui aura été refaçonné pour correspondre à une société plus juste, exempte de rapports de domination et de prédation ». Alors qui est Li-Cam ? Non pas une Chinoise, mais une lyonnaise qui développe en particulier des histoires se déroulant dans la société de l’Écoume, située en 2080, et qui a réussi à éviter la catastrophe, en devenant sobre, paritaire et écologique. En sept romans et une trentaine de nouvelles. Ceci précisé, avertissement aux lecteurs.trice, si vous avez le courage d’absorber 300 pages du genre «Al commencement, yel y a an titre autour de laequel les idées s’agglutinent », n’hésitez surtout pas, avec une pensée nostalgique pour Surface de la planète (1959) de Daniel Drode, qui avait lui aussi tenté en son temps un bouleversement de la langue (La Volte).
JEAN-PIERRE ANDREVON