"Lois Lane", héroïne féministe de l'univers DC Comics
Le dernier projet secret de Brandon Sanderson
Vous avez adoré "Mission Impossible" ? Ce livre est pour vous !
LE GRAND RETOUR D’ALAN MOORE
Caractérisé par sa chevelure et sa barbe pareillement hirsutes, le Britannique Alan Moore, connu comme scénariste de séries cultes (Watchmen, V pour Vendetta, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, From Hell), s’est révélé comme tant d’autres grands auteurs d’outre-Manche dans le magazine hebdomadaire 2000 AD où, entre 1980 et 1984, il signera de nombreuses histoires courtes mêlant humour, science-fiction et brillantes satires de nos sociétés, particulièrement dans deux séries, les fameux Future Shocks regroupant de très courtes bandes entre 2 et 4 planches noir et blanc et les Time Twisters consacrées au voyage dans le temps. Dans les premières, le space opera et les contacts avec des Aliens rappellent les succulentes nouvelles de Robert Sheckley (les passagers d’une expédition stellaire se révèlent être tous des loups-garou, des visiteurs qu’on croit amicaux ont fait de la Terre leur garde-manger), ou, pour les secondes, cette revisitation de Dick avec l’histoire d’un homme qui, à sa mort, reparcourt sa vie à l’envers jusqu’à sa naissance. L’album Alan Moore, les années 2000AD, Future Shocks regroupe l’intégrale de ces histoires jusque ici inédites chez nous, soit 48 histoires signées Dave Gibbons, Alan Davis, Bryan Talbot, Steve Dillon, Ian Gibson, Jesus Redondo et bien d’autres, sur 216 pages, et présentées par l’expert britannique David A. Roach (Delirium).
Si l’on avait un peu perdu de vue Moore depuis quelques années, cet album nous permet de le retrouver, en même que nous est révélée une autre face de son talent avec une entrée en écriture, la vraie, sept longues nouvelles et un roman couvrant vingt ans de carrière et réunies en 2022 dans le recueil Illuminations, que Bragelonne a publié cette année sous le même titre. Un ensemble de plus de 500 pages où l’on a la surprise de découvrir un écrivain à la prose extrêmement travaillée, précieuses parfois, très bien rendue par la traduction de Claire Kreutzberger. Abordant des thèmes classiques (un vieil homme remonte physiquement dans le temps en feuilletant un album photos de sa jeunesse, un faux voyant a la surprise de sa vie quand il invoque un véritable fantôme), il sait leur donner une touche très personnelle pas très éloignée de Stephen King. Le roman, Ce que l’on peut connaître de Thunderman, retrace à sa manière, en se moquant des super-héros, « cette spécialité américaine » (du genre « Fufu le Méduse et kid Ocean n’étaient en réalité que de faux souvenirs implantés par le Toutéfo-Tator») l’histoire des comics depuis les années 50 où l’on reconnaitra, sous des noms d’emprunts, la lutte entre Marvel et DC. Amusant, un peu lassant tout de même au long de 260 pages. En tout cas, qui aurait pu prétendre que Moore ne nous réservait pas de belles surprises ? Gageons que ce n’est pas la dernière.
LE CINÉMA DE GENRE TENTE AUSSI LES FEMMES
Le cinéma dit « de genre » est-il toujours le parent pauvre du cinéma français. Et la place des femmes dans ce cinéma est-elle toujours aussi congrue ? Double question auxquelles Marine Bohn et Julien Richard Thomson tente de répondre avec Le Cinéma de genre au féminin, en y apportant un diagnostic qu’on va dire nuancé. Avec du bon : « Le nombre de films de genre produits a considérablement augmenté. En 2021, le festival de Cannes a consacré Titane, film d’une femme qui avait déjà donné un coup de neuf au film fantastique avec Grave ». Il n’empêche que « les femmes et le cinéma, c’est aussi une histoire de marginalité, de combats et de conquêtes ». Comme le note Coralie Fargeat, « En France il est plus facile de s’adresser au CNC ou aux télévisions avec un projet plus intellectuel, un drame social. Quand on propose du cinéma de genre, les guichets se ferment ». Pourtant, concernant cette dernière, rappelons que son premier long en 2017, Revenge, un « Rape and Revenge » avait fait sensation… pour qui a eu la chance de le voir. Quant à la question subsidiaire, « Un film de genre réalisé par une femme serait-il fondamentalement différent d’un film réalisé par un homme ? » la réponse est plutôt non, mais pour plus de précision, mieux vaut se reporter aux 8 entretiens qui font l’essentiel de ce court essai de 150 pages, avec Marina de Van (Ne te retourne pas), Lucille Hadzihalilovic (Innocence), Lea Mysius (Les Cinq diables), Agnes Merlet (Artemisia), Zoe Wittock (Jumbo), Aurelia Mengin (Scarlet Blue) Joséphine Darcy-Hopkins (Inexorable) et bien sûr Coralie Fargeat. Un livre qui a le mérite de déblayer le sujet et, n’en doutons pas, sera suivi par bien d’autres (Jaguarundi).
LE TROISIÈME « LIVRE SECRET » DE BRANDON SANDERSON
On se souvient que cet auteur plus que prolifique a profité du confinement dû à la Covid pour écrire ses « Projets secrets », soit quatre romans pour lesquels Sanderson a réussi à lever en un mois, sur une plateforme participative, 41 743 millions de dollars auprès de 185 341 contributeurs. La tétralogie, prévue pour une sortie à raison d’un titre par trimestre, a vu son premier volume, Tress de la mer émeraude publié en janvier de cette année simultanément aux États-Unis et en traduction française, suivie en avril par Manuel de survie du sorcier frugal dans l'Angleterre médiévale. Voilà maintenant le 3, Yuni et le peintre de cauchemars, où une prêtresse vivant sur une planète de lumière et un peintre isolé sur un monde ténèbres vont peu à peu voir leur destin de confondre. Usant d’une écriture légère et enjouée, l’auteur s’est visiblement amusé avec les stéréotypes du genre, en flirtant avec la fantasy. Amusons-nous avec lui, en précisant que ce troisième volume est tout de même épais de 650 pages dans sa traduction française (Le Livre de poche).
MADAME SUPERMAN
Lois Lane, reporter au Daily Planet, apparait dès 1938 avec les premières aventures de Superman. Inspiré par la future épouse de Jerry Siegel, elle se sera le moteur de tous les exploits de l’homme d’acier, dont elle est amoureuse, ignorant son collègue Clark Kent qui lui fait la cour, sans savoir qu’ils sont un seul et même homme. Ce qui finira par s’arranger, avec un mariage qui attendra cependant 1996 sous la plume de John Byrne, poussé par la diffusion de la série Lois et Clarke en 1993. Avec Lois Lane ennemie du peuple, le mariage est consommé depuis longtemps, et le couple mène une vie banale qu’un paparazzi va remettre en cause, ayant réussi à photographie Lois embrassant… Superman. Scandale !Tromperait-elle son mari avec l’homme d’acier, puisque personne à Métropolis ne connait la double identité du personnage ? Lois est également sur la piste des assassins d’une journaliste russe, Mariska Voronova , référence assumée à Anna Politovskaïa. Menacé elle-même, elle doit engager une garde-du-corps lesbienne aux méthodes quelque peu spéciales. En recadrant l’épouse du super-héros le plus célèbre au monde dans un décor et des situations très réalistes (l’évocation du multivers est presque en trop), Greg Rucka au scénario et Mike Perkins avec ses dessins très illustrations de presse donnent en 300 pages une image nouvelle d’un personnage qu’on croyait bien connaître (Urban Comics).
UN HÔTEL TRÈS PARTICULIER
Le Pierrot Courts est plutôt un motel, qui n’a que quatre chambres. Il est situé en marge de la route 66, au bout d’une déviation « que la plupart ne découvre jamais ». Mais si quelqu’un, ou quelqu’une ayant besoin de se cacher suit cette route, alors il se peut bien que c’est l’hôtel qui vous trouve. Toujours en pleine nuit, bien entendu. Ainsi de cette femme enceinte que traque un mari qu’elle fait bien de fuir. Certes l’hôtel, où vous accueille onctueusement un réceptionniste du nom de Jack Lynch, n’a pas la télévision, pas de téléphone, ni de réseau pour un portable ; au moins, « …la piscine est gratuite pour les clients. Mais franchement, je ne vous la recommande pas ». Alors que va-t-il arriver à cette femme, que son mari va finir par retrouver, même rendu aveugle après un accident de voiture ? Et qui va mettre au monde un bébé peu recommandable ? La suite dans Hotell, 112 pages d’horreur pure racontées par le scénariste écossais John Lees, et très précisément dessinées par le Croate Dalibor Talajic, qui n'a pas son pareil pour figurer des corps démembrés ou des momies toujours en vie cachées à l’intérieur des murs. Quatre histoires de mauvaise rencontre, où comme on l’a deviné rôde l’ombre du Psycho d’Hitchcock, et que le Brian de Palma des débuts aurait eu plaisir à tourner. Un régal (Black River).
JEAN-PIERRE ANDREVON