L'intégrale Lovecraft, enfin disponible !
Attention, attention, c'est le dernier weekend de la campagne participative.
LA GLOIRE D’HOWARD PHILIP LOVECRAFT
Croit-on avoir lu Lovecraft ? « Bien souvent, si vous lisez cette œuvre, elle vous donnera l’illusion d’être lue, et puis continuera son chemin. Mais elle vous aura glissé entre les doigts – l’œuvre lovecraftienne est un peu plus loin, un peu plus bas, un peu plus profondément enfouie en nous, et il faut creuser, encore et toujours, pour tenter de l’atteindre et espérer l’effleurer ». Ces lignes sont tirées de la préface de David Camus, présentant ainsi, dans le premier tome de “l’Intégrale H. P. Lovecraft”, Les contrées du rêve, le travail gigantesque qu’il a effectué sur les écrits du solitaire de Providence, et qui comprendra, pour une parution étalée jusqu’en mars 2023, pas moins de 7 volumes. Suivront donc Les Montagnes hallucinées, L’Affaire Charles Dexter Ward (son unique roman), Le Cycle de Providence, Récits horrifiques, Essais, Autour de Lovecraft enfin. Soit 67 nouvelles, 18 correspondances, 25 poèmes, 14 révisions de textes, 8 essais, pour un total de 2500 pages copieusement annotées, notamment par l’expert mondial de l’écrivain, S. T. Joshi.
David Camus le maître d’œuvre de cette monumentale (et définitive ?) résurrection, y a travaillé dix ans, retraduisant tous les textes en s’efforçant de rendre la substantifique moelle des écrites du maître, son style, souvent difficilement traduisible, ce qui a donné lieux, dans les diverses éditions et les divers traducteurs du passé, à des bourdes souvent amusantes. Les amateurs se souviennent de la plus célèbre d’entre elles, le « So long, Carter » traduit par : « Si long, Carter ! » mais Camus nous fait le plaisir pervers d’en noter quelques belles ainsi de furry (à fourrure) traduit par « furieux », ou beldame (vielles femmes) devenu « Belle demoiselle ». On n’hésitera donc pas à se (re)plonger dans ces textes revus et corrigés, le présent volume regroupant 16 nouvelles, dont les toutes premières publiées par l’auteur en 1920 (Les Chats d’Ulthar) le total organisé autour de quatre longs textes fondateurs : Le Témoignage de Randolph Carter, La Quête onirique de Kadath l’Inconnue, la Clé d’argent et À travers les portes de la clé d’argent. Il ne nous reste plus qu’à souligner l’importance exceptionnelle de l’entreprise, présentée en beaux et forts volumes cartonnés illustrés magnifiquement par le Polonais Sdzislaw Beksinski, décédé en 2005 et qui eut longtemps à Paris (rue Quincampoix) une galerie dédiée à son œuvre et que les amateurs connaissaient bien. Et à féliciter l’éditeur : Mnémos.
LE JUGE EN COULEUR
Il s’agit bien sûr du Judge Dredd, dont voici un nouvel album, Contrôle, qui regroupe huit histoires récentes et inédites venues du magazine culte britannique 2000 AD, et publié en parallèle avec la collection d’intégrales des Affaires Classées, dont un septième volume est attendu pour juin. Contrairement aux Intégrales, en noir et blanc, le présent album, riche de 144 pages, explose de couleurs éclatantes, qu’elles soient dues au pinceau de Dylan Teague ou de Chris Blythe, qui enluminent le dessin virtuose, extrêmement fouillé, de Chris Weston, illustrant les scénarios de Rob Williams.
L’histoire titre voit Judge Dredd confronté à Judge Pin, chef de la SJS (équivalent de la Police des Polices qui surveille les Juges de Mega-City One), ce dernier, dont le casque s’orne d’une tête de mort à la manière des SS, s’est lancée dans une véritable croisade personnelle, ce l’amène à égorger froidement, dans l’ombre, tous les juges qu’ils estime trop mous pour la profession. Le juge Pin parvient à piéger Dredd, qui se retrouve enterré jusqu’au cou dans un sous-sol spongieux, à la merci de hideux rats mutants, une histoire aussi sombre qu’effrayante où s’accumulent les cadavres, et dont certains plans évoquant les tueries de masse des camps de la shoa. Dredd devra également protéger le tendre Klegg, spécimen mutant à l’apparence de gros et flegmatique crocodile, ce qui ne l’empêche pas d’avoir bon appétit (Le Cœur est un chasseur Klegg solitaire) ou se confronter à Grudzilla, star d’un blockbuster tourné à Mega-City qui devient méchant parce que son partenaire ne lui convient pas / «Krong ? Je suis censé tourner avec cette épave robotique Has Been?» Références garanties.
Série noire, science-fiction, humour et cynisme, tous les ingrédients qui ont fait le succès planétaire de la série la plus populaire de la BD British et du magazine 2000 AD sont bien là pour notre plus grand plaisir ! (Délirium).
LA REINE DES OMBRES
Personne ne connaît l’étendue des pouvoirs du Roi des Ombres, fraîchement couronné. Certains disent qu’il peut contrôler les ombres qui errent autour de lui et les manipuler à sa guise. D’autres que les ténèbres lui murmurent les secrets de ses ennemis. Peu importe à l’intrépide Alessandra, qui sait ce qu’elle veut, et rien ne pourra l’empêcher de mettre son plan à exécution. Mais la jeune fille n’est pas la seule personne qui cherche à conquérir le trône. Et alors que les attaques contre le Roi se multiplient, elle va devoir mettre toute son énergie à le défendre, le temps qu’il puisse faire d’elle sa reine. Car après tout, quoi de mieux pour un roi des ombres qu’une reine aussi perfide que rusée ? Qu’on en juge : « On n’a jamais retrouvé le corps du premier et unique garçon qui m’ait brisé le cœur. Et on ne le retrouvera jamais. J’ai enterré Hektor Galabis dans un trou si profond que même les démons de la Terre ne pourraient l’atteindre ».
Ainsi commencer La Reine des ombres, signé Tricia Levenseller, autrice née dans une petite ville d’Oregon et vivant aujourd’hui près des Montagnes Rocheuses avec son chien Rosy. Diplômée en Langue anglaise, Tricia, Lorsqu'elle n'écrit pas ou ne lit pas, aime assembler des puzzles, jouer au volley-ball et regarder des émissions tout en mangeant du pop-corn beaucoup trop beurré. Voilà donc le premier tombe d’une série prometteuse, qui voit à cette occasion naître une nouvelle maison d’édition qui va se consacrer à l’heroic fantasy (Hugo/Stardust).
BD : DEUX GROS MODULES
Hellbound – l’enfer est signé au dessin par Choi Gyu Seok et au scénario par Yeon Sang-Ho. Des hommes comme des femmes reçoivent la visite d’un être mystérieux leur annonçant qu’il leur reste cinq jours à vivre avec d’être envoyés en Enfer. Tous et toutes tentent de fuir, mais au jour dit ils disparaissent, ne laissant derrière eux qu’un petit tas de cendre… L’hystérie gagne, tandis qu’une secte religieuse, Neo Veritas, en profite pour gagner de l’influence. Il s’agit bien entendu d’un manga, que nous récupéroons à la volée pour son deuxième tome, épais de 292 pages – et ce n’est pas fini. Le cinéaste Bong Joon-ho (Le Transperceneige) ne tarit pas d’éloges sur le produit : « Le Style du dessin fin et affûté est une prouesse technique jamais vue. La représentation du squelette, des expressions faciales des Coréens modernes est à couper le souffle et fait pénétrer l’anxiété et la peur des personnages jusqu’à la moelle du lecteur ». Au fait, nos lecteurs auront bien saisi qui est le scénariste ? Nul autre que le réalisateur du Dernier train pour Busan (KBooks).
Si le précédent volume est copieux, que dire de Stigma, lui signé par le seul Quentin Rigaud ? Voilà en effet une bande au petit format (22 x15) mais épais de 736 pages, ce qui en fait , au sens propre, un vrai pavé. L’humaine Frona, l’E.T. Atta et le robot Senso, employés au CENTRE, organisme interplanétaire de recherches médicales, sont attaqués par des écopirates. Ils doivent se poser en catastrophe sur la planète Orchinae, où une épidémie mortelle se déclenche. Un dessin couleur, très stylisé, presque enfantin, nous permet de suivre leurs multiples aventures surprenantes, avec leur lot de monstres attendus. On peut aimer ou pas, mais l’expérience graphique vaut qu’on s’y plonge (Casterman).
TROIS TRÈS BEAUX LIVRES
Pâques 1919. Les flots en crue des rivières Perdido et Blackwater submergent la petite ville de Perdido dans l’Alabama. Les Caskey, riche famille du coin, doivent faire face, menée par Mary-Love, la matriarche du clan, quand l’apparition de la mystérieuse et séduisante Elinor, sa belle-fille, va bouleverser une situation déjà difficile. Mixant la condition féminine, le racisme, le poids des traditions, ce drame catastrophique et sociétal est dû à l’écrivain américain Michael McDowell qui, en 1983, voulut relever le défi des Paperbacks, ces livres de poche à grande diffusion proposant des histoires à suivre, en écrivant et publiant la saga de Blackwater à raison de six volumes sortis à un mois d’intervalle, entre janvier et juin de cette année. C’est la traduction des trois premiers d’entre eux (La Crue, La Digue, La Maison) qui nous sont proposés ici, les trois autres (La Guerre, La Fortune, Pluie) étant disponibles d’ici juin. Ces traversées du vieux sud font l’objet d’une magnifique présentation, avec des couvertures mordorées illustrées par Pedro Oyarbide, éditées par une maison dont l’intitulé nous enchante : Monsieur Toussaint Louverture.
JEAN-PIERRE ANDREVON