"L'Exorciste" Reboot: Friedkin va-t-il se retourner dans sa tombe ?
"Le Règne Animal", un film parfait ?
BOX-OFFICE
Comme prévu, The Exorcist : Believer est en tête du box-office américain
Le premier volet de la nouvelle trilogie obtient 27,2 millions aux Etats-Unis sur ses trois premiers jours. Si l'on ajoute le box-office international dans lequel il a réalisé 17,8 millions supplémentaires, le film produit par Blumhouse a atteint un total de 45 millions de dollars lors de son premier week-end mondial.
C’est un bon chiffre pour un film qui a coûté 30 millions de dollars. Cependant, il faut tenir compte du fait qu'Universal Pictures et Blumhouse ont payé près de 400 millions de dollars pour obtenir les droits nécessaires à la réalisation d'une nouvelle trilogie de la franchise.
À SORTIR EN SALLES
LE VOURDALAK ***
France. 2023. Réal.: Adrien Beau.
SORTIE : 25 OCTOBRE 2023.
Gorcha, un patriarche, part à la guerre et prévient ses enfants que s’il n’est pas rentré d’ici six jours, c’est qu’il est mort au front. Si au-delà de ce délai, il revenait, sa famille ne doit pas le laisser entrer car il ne sera plus le même, mais sera devenu un Vourdalak, une créature assoiffée de sang…
Un film français qui revisite le thème du vampirisme et qui fait preuve d’une réelle originalité. Ainsi pourrait-on présenter en quelques mots Le Vourdalak, premier long-métrage d’Adrien Beau, présenté en avant-première au festival de Venise en septembre dernier. S’inspirant librement d’une nouvelle d’Alexis Konstantinovitch Tolstoï, cette production, atypique dans le paysage cinématographique francophone, déroutera sûrement plus d’un spectateur mais s’impose, à l’arrivée, comme un conte gothique fascinant. Certes, le film n’est pas dénué de défauts, à commencer par son rythme éthéré et une certaine théâtralité, auquel on adhère ou pas, reste que le cinéaste témoigne, dans sa démarche, d’une réelle personnalité et d’un sens aigu de la mise en scène. Adoptant une approche quasi naturaliste, Adrien Beau détourne, en quelque sorte, les règles du genre horrifique pour mieux nous faire ressentir l’effroi qu’inspire son récit. La séquence de l’orage est en ce sens très représentative et, sans surenchère, se révèle particulièrement effrayante. Mais il se dégage surtout de l’ensemble un sentiment d’étrangeté malaisant, sentiment accentué par le fait que le Vourdalak prenne vie sous la forme d’une marionnette. Un choix audacieux qui s’avère payant, la créature vampirique, inspirée par Nosferatu de Murnau et conçue par le réalisateur, suscitant l’effroi dès sa première apparition. Abordant des thèmes comme la mort, le deuil ou encore le droit à la différence, le film ne fera sans doute pas l’unanimité auprès des fantasticophiles mais prouve, une nouvelle fois, la singularité du cinéma de genre hexagonal.
Erwan BARGAIN
FILMS SORTIS
L’EXORCISTE – DÉVOTION ***
(The Exorcist : Believer) U.S.A 2023. David Gordon Green.
Annoncée en fanfare peu de temps avant la conclusion de sa trilogie Halloween, cette redite d’un des plus grands classiques de l’épouvante moderne par David Gordon Green s’ouvre sur un premier volet, sobrement nommé Dévotion, censé lui aussi servir de prologue à un nouveau triumvirat de suites ignorant totalement les nombreuses séquelles produites au cinéma et à la télévision. Prenant canoniquement place 50 ans après les événements relatés par le regretté William Friedkin dans L’Exorciste, Devotion s’intéresse à la possession démoniaque de deux jeunes adolescentes, retrouvées hagardes après trois jours de disparition dans les bois. L’une est issue d’un foyer monoparental athée ; la seconde d’une famille catholique pratiquante. Déboussolées devant les changements drastiques de comportement de leurs enfants, les deux cellules familiales vont remettre en cause leurs croyances et certitudes afin d’affronter un ennemi défiant toute logique.
Soutenir une comparaison d’intention entre le film original et ce semi reboot serait une erreur de jugement. L’Exorciste selon Friedkin (d’après le roman-culte de W.P. Blatty, rappelons-le), aidé à l’époque par la nouveauté et les méthodes de communication de son temps, ne consiste pas qu’en un grand film d’horreur, mais aussi en un phénomène historique de cinéma. Depuis devenu franchise, en amont d’attentes différentes d’un public rompu à l’exercice des spectacles choquants et des divertissements mettant en scène le concept de possession, L’Exorciste ne peut en aucun cas exercer en 2023 la même fascination qu’autrefois. Dépourvu de réelle radicalité et de toute forme de légitimité, ce divertissement demeure une copie très propre (trop, peut-être), nanti d’une réalisation experte et faisant le pari de s’intéresser longuement à ses protagonistes avant de les rattacher à l’héritage attendu, avec le retour en demi teinte de la légendaire Ellen Burnstyn, mère de la jeune possédée Regan dans l’original, dont le film s’évertue à citer le légendaire maquillage et langage fleuri. Derrière son concept astucieux de double possession, ce spectacle met moins en exergue la notion de foi que la force du collectif face au Mal, redistribuant la croyance des personnages dans la balance du drame. Un choix astucieux, sans excès de prosélytisme, mais dont le résultat est trop timoré pour convaincre pleinement.
Arnold PETIT
LE RÈGNE ANIMAL****
France 2023. Réal.: Thomas Cailley.
Un Mal d’un nouveau genre frappe l’humanité. C’est dans ce contexte que Paul doit faire face à la mutation dégénérative de sa femme. Sur les conseils d’un médecin, il l’accompagne, en compagnie de son fils Emile, dans un centre spécialisé dans le sud de la France. Ce nouvel environnement va agir tel un véritable catalyseur sur l’adolescent qui va se révéler à lui-même…
Remarqué au Festival des Cannes en 2014 pour Les Combattants, Thomas Cailley s’aventure désormais en territoire fantastique avec Le Règne Animal (le géographe Elisée Reclus nommait ainsi l’Europe sauvage du XIXe siècle). Mais il ne s’agit pas de science-fiction à grand renfort d’effets spéciaux dans une galaxie lointaine. Thomas Cailley prend le risque de miser sur une fable d’anticipation intimiste, à hauteur d’homme où le surnaturel fait irruption dans notre vie quotidienne. À cet égard, le remarquable prologue nous donne un avant-goût parfait de ce qui va suivre, avec un clin d'œil appuyé au cinéma de M. Night Shyamalan. Bien ancré dans son époque, le cinéaste français fait rimer spectaculaire et intelligence, jongle avec maestria sur des thèmes universels tels que l'Évolution, le racisme, la perte d’un être cher, le passage à l’âge adulte, la filiation père-fils… La polysémie des interprétations est sans fin. Film ambitieux, la caméra du réalisateur nous offre de beaux moments de cinéma, baignant les séquences nocturnes d’une lumière vaporeuse bleutée, pour mieux s’émerveiller devant le miracle de ces nouvelles créatures, dont l’esthétique se trouve être une des vraies réussites du long-métrage. Enfin, Cailley a le bon goût de reléguer au second plan l’omniprésent Romain Duris, très touchant dans son rôle de père prêt à tout pour sauver sa famille, et Adèle Exarchopoulos, pour mettre en pleine lumière la révélation Paul Kircher dont la présence tourmentée inonde l’écran. C’est de cette manière que l’on aime le cinéma français, original et audacieux, créant sa propre voie, loin des standards anglo-saxons.
Guillaume CHAMEYRAT
FILMS EN VOD
SPY KIDS : ARMAGEDDON **
USA. 2023. Réal.: Robert Rodriguez. (Netflix).
Nora et Terrence forment un couple d’agents secrets et s’efforcent de cacher leurs activités à leurs enfants, Tony et Patty qui, un soir, involontairement, vont aider un créateur de jeux vidéo à implanter un virus dans les réseaux informatiques du monde entier. Le frère et la sœur vont alors devoir tout mettre en œuvre pour sauver leurs parents et l’ensemble de l’humanité.
Lancée en 2001 par Robert Rodriguez, la franchise Spy Kids s’enrichit d’un nouvel opus diffusé en exclusivité sur Netflix. Après un quatrième épisode décevant, le cinéaste tente, avec ce cinquième volet en forme de reboot, de redonner un second souffle à sa saga familiale. Une noble intention qui se traduit, à l’écran, par un divertissement haletant et haut en couleurs qui ravira les plus jeunes spectateurs mais qui divisera probablement leurs parents. L’idée de situer l’action dans l’univers des jeux vidéo réjouira en effet les enfants et confère une indéniable dynamique à un récit par ailleurs cousu de fil blanc, qui se contente de reprendre la trame du film d’origine. Certes, la famille Cortez a ici cédé sa place à de nouveaux protagonistes, en l’occurrence les Torrez-Tango, mais l’histoire ne réserve guère de surprises. Heureusement, le métrage est mené tambour battant et est riche en péripéties. De plus, le fait de mêler réalité et monde virtuel s’avère assez réjouissant et offre quelques séquences spectaculaires, en particulier quand les héros sont dans le jeu vidé dont les décors possèdent un look un peu rétro auquel ne seront pas insensibles les gamers les plus âgés. Si une critique de l’intelligence artificielle apparaît en filigrane, Rodriguez n’en fait pas son cheval de bataille, son but étant clairement ici de divertir le jeune public. Et il y parvient sans mal d’autant que les effets visuels sont convaincants et que l’interprétation est appréciable. Voilà donc un reboot qui sans être exceptionnel remplit le cahier des charges.
Erwan BARGAIN
THE HARBINGER ****
USA. 2022. Réal et scén.: Andy Mitton. (Shadowz).
En pleine pandémie de covid, Monique, une jeune femme, brave le confinement pour venir en aide à l’une de ses meilleures amies qui souffre de cauchemars récurrents. Elle prétend qu’un être malfaisant hante ses nuits et menace son existence. D’abord sceptique, Monique va peu à peu se retrouver, elle-même, confrontée à ses propres peurs…
Ces derniers temps, contexte oblige, différentes productions horrifiques se sont servies de la pandémie comme toile de fond pour leur récit, mais peu d’entre elles sont aussi intenses et effrayantes que The Harbinger, réalisé par Andy Mitton qui, après le très réussi The Witch in the Window, confirme son savoir faire en matière de frissons. Le film s’ouvre ainsi sur le quotidien de la famille de Monique qui, comme le reste de la population, vit recluse en espérant échapper au virus. Ce premier quart d’heure de projection capte parfaitement ces moments en suspend où différents sentiments se mêlent et que nous avons tous pu connaître durant la crise sanitaire. Instaurant une atmosphère pesante, Mitton commence à distiller l’effroi une fois que Monique retrouve son amie Mavis, qui, hantée par d’effroyable cauchemars, vit cloitrée chez elle. À partir de là, la tension monte crescendo et le réalisateur ponctue son film de visions terrifiantes, habitées par un médecin de peste dont les apparitions possèdent une dimension hautement métaphorique. Si l’auteur joue, par instants, sur les jumpscares il n’en abuse pas car là n’est pas son propos. Sa volonté de saisir, à travers son histoire, les angoisse de ses protagonistes mais également d’illustrer cette crainte de la solitude et de l’oubli qui a assailli de nombreuses personnes durant cette période trouble, transparaît à chaque plan et fait tout le sel et l’originalité de son métrage. Ici, la peur est un virus qui contamine la population, qui désagrège les liens nous unissant les uns aux autres et qui nous conduit au bord du précipice (à l’image des rêves de Mavis). Film d’horreur à la fois psychologique et viscérale, The Harbinger est une œuvre forte et puissante qui secoue intimement le spectateur et qui reste durablement en mémoire.
Erwan BARGAIN