L’INCAL INFINI S’ENVOLE VERS LES SOMMETS !
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LES INTERGALACTIQUES DE LYON, C’EST PARTI !
Pour sa 11e édition, les Intergalactiques, rendez-vous incontournable de tous les amateurs de SF ouvre ses portes à Lyon, du 15 au 23 avril prochain, à la MJC Montplaisir, 25 rue des Frères Lumières dans le 3e. Les organisateurs nous en disent ceci : « Libido sciendi, ou le “désir de connaître” : cette formule nous a paru suffisamment évocatrice pour exprimer ce que nous, lecteurs, auteurs, spectateurs cherchons et continuons de chercher dans la science-fiction : curiosité, émerveillement, prospective. Science et fiction : l’association ne saurait être plus explicite et ce genre a toujours témoigné de son appétence à évoluer sur les frontières entre l’imaginaire et le réel, entre les champs scientifique et littéraire.
Dans un contexte de crise écologique, politique, économique, où tout semble craquer de toute part, il nous paraît important de nous emparer de ces questions qui ont trait à ce que nous identifions comme des futurs désirables, et aux moyens d’y parvenir ».
TROIS NOVELAS À NE PAS MANQUER
Entre la nouvelle et le roman, la “novella”, selon le terme consacré (qui correspond au moyen-métrage de cinéma) est un format, sans limite précise, convenant très bien à la SF, en cela qu’il permet de bien ancrer un récit sans se perdre dans ces longueurs excessives qui en sont la plaie. Deux collections plus ou moins récentes y étant consacrées, commençons par la plus ancienne, “Dyschronique”, du Passager Clandestin, réservée à la résurgence de textes qui furent en leur temps des classiques, et qui nous livre deux sorties, à commencer par Nous mourrons nus, texte de 1969 signé James Blish, cet écrivain britannique (1925 – 19756) parti trop tôt, et auteur de la fameuse tétralogie des Villes Nomades. We All Die Naked, précédemment publié dans le Fiction spécial 20 : “Trois futurs incertains” (1972), voit New-York submergée (nous sommes en 1989), l’Arctique ayant entièrement fondu, où l’on évoque l’effet de serre et où l’atmosphère est « un véritable océan de mutagène ». Un catalogue des catastrophes à l’époque déjà prévisibles étonnement prospectif accompagné, comme il est d’usage dans la collection de références à certains ouvrages de mise en garde de l’époque, le premier, La Planète au pillage de Henry Fairfield Osborne Jr. parue en 1948.
Américain, John Varley s’est fait connaître pour les huit histoires composant la saga, nouvelles et romans) des « Huit mondes » où, la Terre ayant été occupée par des extra-terrestres, l’humanité s’étant réfugiée et répandue dans les planètes externes a vu ses mœurs évoluer, notamment avec la possibilité pour tout un chacun de changer de sexe à volonté, pour ainsi dire du jour au lendemain. Options, novella tirée de la série, décrit ce qui arrive à un couple hétéro, alors qu’un de ses membres, ici la femme, décide de devenir homme. Cette option, devenue de nos jours d’une grande banalité était, en 1979, date de parution initiale de ce texte, très nouvelle, et encore choquante pour certain.e.s, alors que les braises de la révolution sexuelle post-soixante-huitarde tisonnaient encore. C’est que ce raconte l’auteur dans une longue post-face rédigée en 2004 pour la réédition d’un récit plein de sensibilité, devenu depuis un classique de littérature queer, et qu’il est troublant de relire aujourd’hui.
Passons maintenant à la concurrence avec “Une heure lumière”, qu’édite Le Belial’, elle plutôt dédiée aux découvertes d’inédit. Ainsi de Connexions, signé du rare (un seul roman traduit chez nous) Michael F. Flynn, qui évoque notre Terre en proie à diverses visites Alien, temporelles ou spatiale d’être aussi étranges les uns que les autres, et ceci à l’insu, voire parfaitement intégrés, sauf un certain Jim 7, qui prépare une invasion subliminale et peut être ainsi décrit : « Un sphéroïde allongé reposant sur cinq jambes. Les radiations ionisantes lui inspirent moins de craintes qu’aux humains mais il est terrifié par les fluides électriques. Il porte des vêtements – c’est un Alien, pas un sauvage – et, tout comme les humains, il enfile son pantalon une jambe à la fois. Il lui faut un peu plus longtemps, c’est tout ». Ce simple extrait donne le ton d’un récit loufoque dont la morale, « La Zone 51, Roswell, les Men in Black, tout ça s’était donc vrai ! » réjouira les lecteurs et lectrices. Un triple **** pour ces excellents ouvrages de petite taille.
L’OURS A MANGÉ JOËLLE WINTREBERT
Ou l’inverse ? Ce mois-ci, les irremplaçables éditions de l’Ours, sises à Puéchabon ont sorti de leur tanière une nouvelle de Joëlle Wintrebert, qu’il est inutile de présenter à nos lecteurs et lectrices qui la suivent depuis les années 70 et s’était faire un peu rare ces temps derniers, mais dont on peut rappeler qu’elle a cumulé les prix : Cyrano 2017, Extraordinaire 2021, Ayerdhal 2022 et qu’elle préside depuis 2014 le Grand Prix de l’Imaginaire. Elle présente ainsi son ouvrage, publié dans la collection “cousu main” confectionnée à partir de cahiers créés à partir de feuilles A3 ou A4 gris perle “reliés avec amour et du fil à broder, au format190,4 x 14, 6 et au prix de 5 € : Le sujet : « On est ce que l’on mange… Et lorsque la catastrophe provoquée par l’humanité a séché la planète, on mange ce que l’on peut ». Mais attention, il y a un pitch, qui n’est pas celui que l’on croit. Chut !
Achat et abonnement : Ours éditions, Yves KOSKAS
2 chemin de la Crouzille, 34150 Puéchabon
Ours-editions.fr
UN UNIVERS MAGNIFIQUE
Les deux enfants de Noa, la chamane, sont morts lors d’un rite de purification pratiqué par le pouvoir religieux. Dévoré de chagrin, alors que leurs os gisent au pied de la Tour de l’Inquisition et que leur esprit est prisonnier pour l’éternité de la Rivière des âmes, elle ne cherche qu’à se venger du Patriarche, qui se cache dans la Citadelle, derrière un mur impénétrable. Pour l’atteindre, elle demande l’aide de Ruza “le Crasseux”, guerrier colosse jamais vaincu, qui vient de terrasser en combat singulier Loquan, le guerrier prophète des anciennes tribus, avec sa luminescente lame magique. Ruza, qui ne se bat que pour lui, accepte pourtant de suivre Noa, dans l’espoir de rencontrer enfin un adversaire à sa mesure. Mais pour cela, il faudra à ce duo conflictuel traverser la Rivière des Flames sacrée, la Rivières des Âmes, la Rivière des Douleurs, la Rivière du Vide, la Rivière de la Vie enfin. Ce qui les amène à sinuer entre des univers emboîtés en forme de labyrinthes infini, jusqu’à arriver au pied du Grand Mur, cachant la Nef du Patriarche dont on découvre qu’il s’agit d’un vaisseau spatial, le Patriarche lui-même se révèlant une créature énigmatique ne cherchant la réponse qu’à la seule question qui vaille : «L’existence vaut-elle mieux que le néant ? » Tel est, grossièrement résumé, le pitch de Forgotten Blade, album se situant entre la fantasy et une SF mystique qui, convoquant dieux et mondes factices, peut faire penser à Roger Zelazny comme à James Blish. Mais, ce qui fascine surtout dans ces 176 pages, où le scénariste Tze Chun (Gotham)se complait à nous égarer, c’est le dessin du Barcelonais Toni Fejzula qui n’a pas son pareil pour nous balader à travers des décors qui, en constante transformation, allant jusqu’à s’émietter à la manière d’un puzzle (les personnages aussi ayant une tendance permanente à perdre un membre, voir à se démultiplier en grappes), nous donnent le vertige. La mise en place très libre, variant constamment les points de vue, participe à cette désorientation qui va de paire avec un souci du détail qui rend le graphiste proche de l’Italien Sergio Toppi, sauf que ce dernier usait du noir et blanc et des hachures, alors que Fejzula obtient le même résultat avec une gamme infinie de couleurs douces dont ses pleines pages particulièrement rendent toute la richesse (Ankama).
MEILLEURS SONT LES MÉCHANTS
On connait tous et toutes la profession de foi d’Hitchcock : « Meilleur est le méchant, meilleur est de film ». C’est ce que veut démontrer par l’exemple le vidéaste et YouTubeur Benjamin Patinaud dans son épais (448 pages) traité, Le Syndrome Magneto où, pour lui « savants fous, dictateurs démiurges, terroristes illuminés, criminels sans foi ni loi, monstres géants, envahisseurs extraterrestres u génies du mal en tout genre » sont bien plus intéressants que les héros, contraints par leur carcan esthétique et éthique. Pour notre auteur, les « méchants » ne veulent pas tant détruire le monde que le changer, ainsi de Magnéto, le Némésis des X-Men, qui lui offre et le titre de son ouvrage et son premier chapitre, puisqu’avant d’être un méchant, il est d’abord une victime, comme tant d’autre de son genre « rendu mauvais par un monde injuste ». Ce qui est particulièrement le cas des Freaks de Tod Browning, cherchant à s’émanciper d’un monde qui les rejette, les infantilise et les exploite (à ce propos, signalons à Paninaud que l’homme-tronc ne roule pas ses cigarettes avec « des membres atrophiés », puisqu’il n’a pas de membre du tout). L’auteur n’hésite pas non plus à puiser dans l’actualité plus ou moins récente des exemples de cette dualité plus équivoque qu’il n’y paraît : quid de Martin Lutter King vs Malcolm X, ou Trotski vs Staline ? – sans oublier que les méchants peuvent aussi, par un troublant retournement de situation, passer pour des bons – ainsi des hordes du Ku klux klan dans Naissance d’une Nation de Griffith. Au total, un livre qui, certes, part un peu dans tous les sens, mais en passionnera plus d’un.e (Au Diable Vauvert).
JEAN-PIERRE ANDREVON