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LE GRAND ART DE CHRISTOPHE BEC
Doit-on encore présenter Christophe Bec, le plus prolifique scénariste bd de ces trois dernières décennies, avec des séries aussi flamboyantes (et inquiétantes !) que Prométhée, Olympus Mons et plus récemment Carthago, plus de 20 albums sur la cryptozoologie, en vedette le Mégalodon ? Cci pour ne pas oublier qu’il aussi un dessinateur de talent, comme le prouve une de ses premières séries, Sanctuaire. Ce qui intéresse au premier chef Bec, c’est tout ce qui peut précipiter l’espèce humaine dans un chaos entrainant la fin du monde, ou peu s’en faut, que ce soit par attaque d’extraterrestre ou catastrophe géologique ou climatique. Il réitère ici avec Inexistences, où effectivement la fin du monde par conflits généralisés a bien eu lieu, ne laissant, deux cents ans plus tard, qu’une poignée de survivants répartis en clans antagonistes, errant sans mémoire dans la montagne et se heurtant à d’énigmatiques constructions géantes, legs d’un passé à tout jamais enfoui. De la bd ? Oui et pas tout à fait cependant, ou plus encore, car avec cet album de 152 pages, d’un format supérieur à l’ordinaire et que l’auteur avoue avoir mis cinq ans à boucler, il s’agit d’une sorte de récit immobile, ou tournant en boucle, scindé en cinq chapitres, dont l’un sous forme de nouvelle, et comprenant même deux peintures. D’où un survival où prime l’aspect plastique, chaque planche, comprenant nombre de pleines pages, sans compter de quadruples pages à déplier, étant un hommage à la montagne, ces pics, ces thalvegs, ces gouffres, tous d’une stérilité désespérante que Bec griffe d’un trait nerveux, magnifiquement mis en couleur par Sébastien Gérard, où l’homme n’est qu’une silhouette minuscule perdue dans l’immensité. Un ensemble de panoramas superbes à rendre jaloux cet autre spécialiste de la montagne qu’est Rochette, mais où l’on ne doit pas oublier cet hommage à La Planète des singes, ni ces pages somptueuses faisant revivre les animaux disparus, et que l’on doit aborder d’abord comme le livre d’art d’un paysagiste hors pair (Soleil).
GASTON DE PAWLOWSKI ET SA QUATRIÈME DIMENSION
Gaston William Adam de Pawlowski, né en 1874, mort en 1933, essentiellement connu pour son ouvrage Voyage au pays de la Quatrième dimension fut d’abord journaliste, passant allègrement de La Vie au grand air à Comœdia, du Vélo au Canard enchaîné ou aux Annales politiques et littéraires ou encore Le Rire. Philosophe et pataphysicien, il est célèbre par son grand art de considérer son époque et ses contemporains avec un œil goguenard qui transparait dans tous ses textes, où les spéculations scientifiques ne sont pas absentes, au point qu’on a pu le comparer à Jules Verne, Wells, Mark Twain et Alphonse Allais. Sa spécialité : revenir constamment sur ses textes, qu’il avait du mal à achever, dont il n’était jamais content et qu’il modifiait sans cesse. Ce qui est caractéristique de ce Voyage, publié en 1912, et pour lequel il précisait : « Ce n'est pas réellement un roman mais plutôt une anthologie, puisque sous ce titre se retrouvent groupés différents textes publiés indépendamment dans l’Auto et Comœdia ». Où l’on trouve donc de courts chapitres dont les titres énoncent l’inspiration : La Transmutation des atomes du Temps, Le Rajeunissement des cellules, La Lévitation universelle, La Révolte des machines, etc, qui parfois sont étonnamment prospectifs, comme son texte sur les machines, ou celui sur Mars dont les tentatives de communication sont le fait « d’une société financière au capital de plusieurs milliards », quand d’autres fois le délire prend le pied, ainsi de son escalier qui revient toujours à son point de départ ou ses maisons plates. Et que penser de ce propos : « Quant à la religion, elle est la fille de l’imagination et de la peur (…) Elle est un moyen de gouvernement utile lorsque cette imagination et cette peur sont collectives ».
Au total, on s’amuse beaucoup à lire sieur Gaston, tout en se demandant quand il est sérieux et quand il ne l’est pas. Les deux à la fois, sans doute. Il est temps de préciser que cette réédition (le texte fit une apparition en “Présence du futur” dans les années 60) est soutenu par plusieurs textes analytiques et informatiques de Fabrice Mundzik indispensables à la compréhension du bonhomme, ce que complète deux minces opuscules en tirés à part, Tout se transforme, tout recommence… et Le Temps inversé, variations sur des textes indéfiniment repris, ainsi du second volume où, à propos d’un voyage dans le temps, on mange des pilules de bœuf liquéfié et où l’on greffe des plants de macaroni sauvage. Mais chez Gaston de Pawlowski, on ne doit s’étonner de rien, puisque « Toute chose imaginée existe, du fait seul qu’elle est imaginée ». Qu’on se le dise ! (Flatland).
ALAN MOORE CHEZ D.C.
Dans les années 80, D.C., ou Detective Comics, grand rival de Marvel, décide de donner un coup de neuf à ses héros emblématiques, Superman et Batman au premier chef. La firme fait donc appel à des scénaristes confirmés, parmi lesquels Alan Moore, qui avait fait ses débuts pour le magazine anglais 2000 AD et venait de frapper un grand coup avec V pour Vandetta. D’où un album rétrospectif, Alan Moore présente DC Comics, qui regroupe sur pas moins de 336 pages, 15 histoires, dont quatre réservées à l’homme d’acier dont les deux épisodes de Les derniers jours de Superman (1985-86) où, le titre en fait foi notre héros, qui a à faire avec Brainiac, va disparaître, même si on sait bien que c’est provisoire. Car on se doute bien que Moore ne serait pas lui-même s’il ne tordait pas le cou à ses personnages, comme avec les diverses incarnations des Green Lantern, ou The Viligante, qui ne fait pas le poids face à une jolie blonde, ou encore Green Arrow qui rencontre un archer aussi fort de lui. Nombre de dessinateurs de talent illustrent les scénarios toujours à la limite du pastiche de Moore, ainsi de Curt Swan, Dave Gibbons ou Klaus Janson, l’auteurs, sous le titre Crépuscule, se livrant sur 50 pages à une analyse de son inspiration concernant les personnages dont il s’est emparé. Au total, une somme opérant un utile retour sur le passé (Urban Comics).
L’ÉDITEUR JACQUES SADOUL A SON PRIX LITTÉRAIRE
L’éditeur Jacques Sadoul, que les amateurs de SF n’ont pas oublié puisqu’il publia pendant 30 ans chez J’ai Lu les plus grands noms du genre, van Vogt en tête de file. Décédé en janvier 2013, il a maintenant son prix, créé par
Marion Mazauric, fondatrice du Diable Vauvert, qui commença d’ailleurs sa carrière avec Sadoul, en compagnie de Barbara Sadoul, fille de l’éditeur. Le prix repose sur quelques principes majeurs : d’abord, la rédaction d’une nouvelle de 25.000 signes maximum, espaces compris, puis son envoi avant le 30 mars 2024. « Autour de la nouvelle, cela faisait immédiatement sens : Jacques créa la revue Univers, qui valorisait ce format », ajoute Marion Mazauric. Une phase de présélection des 300 premiers textes reçus s’effectuera pour confier aux 11 jurés le soin de lire une trentaine de textes. Le lauréat décrochera 2000 € de dotation et une résidence d’écriture à Vauvert. La remise du prix s’effectuera pour 2024 lors des Utopiales de Nantes et la publication d’un best-of des nouvelles reçues est prévue pour mai 2025. Pour plus d’information, écrire à contact@actualitte.com
DES FOURMIS EN JEU VIDÉO
Voilà près de 25 ans que Bernard Werber et l’éditeur de jeux Microids collaborent : en mai 2000 sortait la première adaptation des Fourmis, trilogie entamée en 1991 chez Albin Michel devenue bien plus qu'un best-seller. 2024 verra une nouvelle version pour PC et consoles, l’éditeur s’étant associé au studio Tower Five, basé à La Rochelle : « Le monde de l’infiniment petit s’apprête à livrer sa plus grande bataille. » Les joueurs exploreront l’univers des fourmis où ils devront soutenir une colonie en plein essor à travers des combats tactiques et stratégiques, dans un monde microscopique aux dimensions grandioses. Un jeu stratégique en 3D en temps réel avec une difficulté progressive : Le jeu promet une expérience intuitive pour les novices, avec des tutoriels pour apprendre les bases du RTS. Le jeu offrira également une difficulté modulable et une expérience adaptable pour les joueurs expérimentés qui découvriront de nouvelles mécaniques de jeu ainsi que des stratégies et compétences de combat avancées.
LE GRAND PRIX DE L’IMAGINAIRE ARRIVE À MONTPELLIER
En 2024, pour célébrer son demi-siècle d'existence, le GPI tourne une page historique. Après treize années d'aventures avec le festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo pour Montpellier ! Avec l'arrivée du GPI, Montpellier mettra l'accent sur l'Imaginaire, aucun événement similaire n'existant ni en PACA ni en Occitanie. La Comédie du Livre se déroulera sur dix jours en mai, culminant avec le salon du livre lors du week-end de Pentecôte 2024. « Ouvrir un volet “Imaginaire” implique de trouver un partenaire pleinement légitime, d’autant plus que ce secteur se décline de la jeunesse jusqu’à la bande dessinée », note Régis Penalva, commissaire général de l’événement montpelliérain. En outre, Joëlle Wintrebert habite Montpellier, et plusieurs jurés du prix sont attachés à la ville. À l’origine, le GPI était une création de notre collaborateur Jean-Pierre Fontana, président et fondateur du Grand Prix de la Science-Fiction Française, inauguré en 1974. L’écrivain, éditeur et critique spécialisé sortait alors du festival de SF monté à Clermont-Ferrand, quand il décida de créer cette récompense. « Nous lui décernerons un prix spécial cinquantenaire à Montpellier », nous précise la présidente du GPI. « Durant quarante années, il a occupé cette charge de président du jury, et su le faire évoluer quand disparut le prix Apollo, en 1992. » Ce dernier, qui saluait des romans de SF d’auteurs nationaux et internationaux, aboutit à ce que le prix originellement dédié à la SF française s’ouvrît à toutes les littératures de l'imaginaire, francophones, comme étrangères. Côté programmation, des projets sont en cours, notamment avec le service Occitanie Livre et lecture.
Alors... à l’année prochaine à Montpellier !
Jean-Pierre Andrevon