Le poulpe de Jules Verne vous tentacule à Amiens
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LE POULPE DE JULES VERNE À AMIENS
Voilà deux ans maintenant, François Schuiten dévoilait à ActuaLitté un projet hors norme, croisement entre l’animal et la machine : le Nautipoulpe. Réalisée avec le sculpteur Pierre Matter, cette créature de chair et de métal évoquait les mers profondes, le Capitaine Nemo… et la ville d’Amiens où elle vient de prendre ses quartiers.. Ce 24 mars, après des mois d’attente, la ville d’adoption de Jules Verne inaugurera enfin cette sculpture démente, quelques semaines avant l’ouverture des Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens. Conçue en bronze et agrémentée d’éléments en verre, cette sculpture monumentale affiche des dimensions impressionnantes : 6,5 mètres de hauteur, 9,5 mètres de longueur pour un poids total de 12 tonnes. Sa réalisation a été confiée aux fonderies de Saint-Sauveur, en Haute-Saône. Elle sera installée devant la Halle Freyssinet, lieu emblématique du festival de la bande dessinée d’Amiens, en hommage à l’écrivain disparu il y a 120 ans, qui a passé les 34 dernières années de son existence dans la ville.
DU CÔTÉ DES COMICS
Hard Bargain, ce titre fait-il référence aux hard boiled, sous-genre de polars violents qui fit florès aux USA dans les années 40 et 50, et dont la grande figure, Raymond Chandler, n’hésitait à dire que c’était du Shakespeare descendu dans le ruisseau ? Certainement, puisque ces 192 pages, écrites par Steven S. DeKnight (Buffy contre les vampires, Smallville, etc) et dessinées de manière cinématographique par Leno Carvalho (couleurs : Bruno Hang) se déroulent en 1940 à Los Angeles et mettent en scène un privé en trench coat du nom de Frank Harding, qui hante les ruelles nocturnes et reçoit plus de coups qu’il n’en donne. La différence est que ses adversaires sont des démons remontant à son enfance, dont un diable rouge cornu et à la sueur fourchue, tandis qu’un second le Spectre, porte une cape vivante dure comme de l’acier. Seule manière de le vaincre : lui crever les yeux de deux balles séciales mais bien placées. C’est dire que l’ensemble est d’une extrême violence, qui voit un des amis de Harding obligé par une sorcière de s’amputer au couperet de trois de ses membres, n’ayant qu’à ronger le quatrième jusqu’à l’os, tandis qu’un autre est pelé des pieds à la tête comme un lapin. Vous être prévenus ! (Les Humanoïdes associés). Plus classique, Le Repenti nous permet de retrouver Judge Dredd dans de nouvelles mains (Kenneth Niemand au scénario et Tom Foster pour un dessin d’un réalisme très classique), je justicier motorisé devant cette fois surveiller un citoyen de troisième classe, Kyle Asher qui, après vingt ans de bagne passés dans la colonie pénitentiaire de Titan suite à un meurtre, est revenu à Mega-City One. Pour se venger ? C’est donc à une filature devant résoudre un mystère que sont consacrées les 152 pages couleur d’un album où les morts s’accumulent et où, pour une fois, le supposé coupable est plus intéressant que la monolithique figure de proue ici raide… comme la justice (Delirium).
TOUS LES MONDES D’URSULA K. LEGUIN
On croyait tout connaître de l’immense Ursula K. Le Guin, disparue comme on sait en 2018. La publication chez nous de Changements de Plans, initialement publié aux USA en 2003, est donc une heureuse surprise. Le récit s’ouvre avec une voyageuse, Sita Dulip qui, s’ennuyant dans un aéroport à attendre son vol de Chicago à Denver, découvre un original moyen de s’évader où, «par la grâce d’une simple torsion associée à un glissement, plus facile à exécuter qu’à décrire, elle pouvait se rendre n’importe où – se trouver n’importe où». Comme sur Islac, où vivent des chiens qui parlent, des chats qui jouent aux échecs, des hommes poules et même des ours dévoreurs de livres ; ou chez les Frines, dont «les rêves ne sont pas une propriété privée» et peuvent ainsi s’interpénétrer avec ceux des proches ; ou pour ce qui est des Orichi, il s’agit de gens qui ne dorment jamais, car «le sommeil est un schéma adapté aux mammifères inférieurs, et non pas aux humains doués de sapience ». Ceci posé, et sachant que l’ouvrage comporte 16 visites, ou 16 « changements de Plans », on peut se demander s’il s’agit d’un recueil des nouvelles très disparates ou d’un travelling à la Sheckley sur des mondes étrangers visités en quelques pages, s’il s’agit de fantastique, de SF ou philosophie déguisée, et surtout ce qu’a bien voulu faire dame Ursula, dont sa préfacière Karen Joy Fowler écrit : «chacun de ces chapitres aurait pu faire l’objet d’un roman, peut-être le premier tome d’une série». Ce qui est sans doute un peu exagéré, d’autant qu’on a surtout l’impression que l’autrice a surtout voulu s’amuser, ne manquant pas d’un humour parfois surréaliste (Sheckley certes, mais aussi Lem), qui verse souvent dans une férocité gouleyante. Ainsi de : «Tandis que les amoureux s’embrassent, il décroche sa lance, blessant l’ailé à mort. La jeune fille sort son couteau et tue l’assassin, puis se poignarde après avoir échangé des adieux avec le voltigeur à l’agonie». Sans doute est-il ici un peu difficile de retrouver la créatrice de La main Gauche de la nuit, mais, ainsi qu’elle le détaille dans la longue et précieuse interview qui clôt le volume et où elle se réfère à Borges, ce qui compte avant tout dans une œuvre de fiction, ce n’est pas le réalisme mais l’imagination. Cet opuscule tombé du ciel en est la preuve (Le Bélial’).
DU FANTASTIQUE DANS LE WESTERN
L’introduction du thème dans le genre n’est pas nouveau, ce que vient nous rappeler le cinquième tome de la série West Fantasy, où le sous-titre nous donne immédiatement la substance avec ces trois personnages : L’Assassin, le Ronin & la Catin, à ceci près que l’assassin est une nonne assez particulière qui manie ses deux colts comme Billy The Kid, que le ronin, moitié japonais moitié indien est au service d’un enfant de cinq ans qui n’est autre qu’un orc vert et muet, et que la catin, Séréna, vient de voir un de ses clients expirer sous elle en pleine action, tous trois se réunissant en un jolie trio pour trouver un antique totem promettant de cacher de l’or dans ses basques. Inutile d’avoir connaissance des volumes précédents pour entrer sans aucune envie d’en sortir dans ce récit accumulant les morts violentes où le scénariste J. L Istin manie à merveille le choc des cultures grâce un trait quasiment photographique de Nicolas Demare (couleurs, Vincent Powell et Amélie Picou) qui donnerait envie de voir l’ensemble sous la forme d’une série Netflix (Oxymore). Christophe Bec, qui n’aime rien tant que les créatures mythologiques, jusqu’à en abuser, s’est acoquiné avec le graphiste Kamil Kochanski (couleur Facio) pour Palmyra, qui fait partie des One shot de la série Survival. Une famille établie dans les Rocheuses se voit attaquée par des monstres forestiers qui peuvent être apparentés à des Bigfoots, deux brèves séquences prégénériques (une tribu indienne exterminée) prouvant qu’ils sont là depuis longtemps. L’ambiance nocturne, avec ces yeux qui brillent entre les arbres est bien rendue mais on ne fera pas offense à Bec en lui disant que son scénario (ils attaquent, on leur tire dessus) tient plus du copier-coller de cinquante autres albums (ou téléfilms) du même genre que d’une création inspirée (Soleil).
BERSERK & PYRRHIA, ART MÉDIÉVAL ET CONTEMPORAIN
L’imagerie d’heroic fantasy moyenâgeuse de la pop culture habite les univers des artistes d’aujourd’hui et le regard décentré de l’humain qui y règne leur ouvre un autre abord du futur. L’exposition Berserk & Pyrrhia, présentée au Plateau et aux Réserves du 22 mars au 20 juillet 2025, rend visible la circulation des images médiévales et leur appropriation postérieure et fait se rencontrer l’art médiéval et l’art contemporain. Dans un diptyque entre Le Plateau et Les Réserves, l’exposition, regroupant une trentaine d’artistes, déploie différentes formes d’hybridation. Au Plateau, dans l’esprit de Berserk, et en faisant référence à l’interprétation dix-neuvièmiste de l’époque médiévale, plus mystique et romantique, les œuvres nous entraînent dans un cheminement obscur et sombre. Aux Réserves, elles puisent leurs références dans le merveilleux, les créatures anthropomorphes, le bestiaire médiéval, et nous transportent ainsi dans le monde de Pyrrhia, soulignant la place importante de l’artisanat et du lien à la communauté. Cette double exposition s’inscrit dans le cadre du projet territorial du même nom, impliquant plusieurs lieux partenaires en Île-de-France.
Le Plateau, Paris, 22 rue des Alouettes,75019 Paris
Les Réserves, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville
Jean-Pierre ANDREVON