Le combat des titans: "Game of Thrones" attaque ChatGPT !
Nous exigeons une réponse: vivons-nous dans une simulation, oui ou non ?
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LA STOP-MOTION DANS TOUS SES ÉTATS
Nous parlons souvent ici de Gérard Escolano, ce chercheur/écrivain/éditeur, cet artisan infatigable qui nous offre avec une régularité d’horloge ses splendides albums fortement cartonnés où il brasse une par une toutes les faces du cinéma que nous aimons – souvenons-nous de La Fabuleuse histoire du serial ou Les Dinosaures au cinéma, entre bien d’autres. Aujourd’hui, ce sont les deux volumes, qui additionnent 628 pages, de La Fantastique Épopée du Stop-Motion qu’il nous offre. Certes, le sujet a été plus d’une fois abordé, et ce n’est pas notre collaborateur Pascal Pinteau qui dirait le contraire, mais Escolano, avec sa manière bien à lui de composer des pages vivement colorées comportant chacune, comme un puzzle, quatre ou cinq illustrations, photogrammes, portraits, affiches (faites le compte!), compose de véritables livres d’art qui enchantent le regard. Ce qui n’exclue évidemment pas l’étude des diverses techniques – papier découpé, pâte à modeler, écran d’épingles ou pixilation –, les figures le plus souvent abordées (les dinosaures), la biofilmo des auteurs à commencer par les précurseurs (James Stuart Blackton, Charley Bowers ou le Hongrois Starewicz, spécialiste de l’animation des insectes), pour un répertoire le plus complet possible des créateurs, 400 au total, pays par pays, Afrique comprise. Car qui connait la malienne Kadiatou Konate, par exemple ? Bref un doublé que tout friand d’animation devrait se procurer d’urgence, avec cette précaution d’usage : les ouvrages de Gérard Escolano ne se trouvant guère en librairie, il est préférable de contacter directement l’auteur : gerard.escolano1@numericable.com
GUY LEFRANC A-T-IL RENCONTRÉ MARILYN ?
Si le grand Jacques Martin n’a dessiné que les trois premier volumes des aventures de l’intrépide journaliste Guy Lefranc, double contemporain de son Alix, il a continué jusqu’en 2004 à en être le scénariste pour différents dessinateurs faisant tout à tour « du Martin », son décès en 2010, n’interrompant pas pour autant une série à succès, d’autres auteurs prenant la suite, au départ en utilisant notes ou synopsis laissés par Martin. Pour le trente-quatrième album, La Route de Los Angeles, c’est à François Corteggiani, lui décédé en 2022, qu’est dû le scénario, avec au dessin – un peu timide au regard de son modèle – Christophe Alvès. Ici, Lefranc s’envole pour la Cité des Anges, où il doit rejoindre pour lui prêter mains fortes son ami Bob Garcia, paparazzi parti pour interroger Estelle Roma, la doublure secrète de la grande star Margareth Morrison, dont personne ne sait qu’elle se fait de plus en plus souvent remplacer par son sosie. Le problème est que Margareth, lassé de la gloriole a décidé de disparaître, faisant croire à son suicide, dont la pauvre Estelle fera les frais. Bob et Lefranc arrivent au mauvais moment, et risquent leur peau en en ayant découvert un peu trop. Plus que la classique histoire policière, ce qui fait le charme de cet album certes un peu bavard, c’est que sous Margareth Morrison, se cache une Marilyn Monroe en brune, qui fut l’amante du président assassiné Jack Donnelli, en qui l’on reconnaît évidemment John Kennedy. Les auteurs ont poussé le parallélisme jusqu’à évoquer le dernier tournage inachevé de Marilyn, Something’ Got to Give, avec ce plan où elle s’apprête à ressortir nue d’une piscine, sa jambe enjambant le bord du bassin et qu’Alvès a reproduit à l’identique. Amusant, et un peu plus pour les nostalgiques (Casterman).
DANS LES MARGES DE LA SCIENCE-FICTION
Quel rapport entre Edwin St. John Andrew, jeune Britannique qui, en 1912, fuyant son pays pour le Canada, rencontre en pleine forêt un homme qui n’existe pas pour se trouver brusquement plongé et pleine obscurité tandis que résonne un air de violon en même temps que le whoosh caractéristique du départ d’une fusée sidérale, et Vincent et Mirella (ce sont deux femmes), qui elles vivent en 2010, en pleine pandémie de Covid ? Et entre Olive Llewellyn, autrice originaire d’une des trois colonies lunaires qui, en 2203, fait une tournée promotionnelle sur Terre (« ou nombre de régions avaient été rendues inhabitables par les inondations ou la chaleur ») pour son roman Marienbad (sic), racontant « une grippe scientifiquement peu plausible » alors qu’une nouvelle épidémie semble se dessiner, et, en 2401, où Zoe, une brillante physicienne traquant les anomalies qui apparaissent dans les zigzags du temps sait bien que « le monde finira bien un jour – au sens littéral » ? Aucun rapport peut-être, à moins que si, à l’occasion de plongées dans le temps d’un certain Gasperi, qui use des facultés de l’Institut du Temps, ce qui pourtant est strictement interdit, pour rattacher des ficelles qui n’avaient pas à l’être. Dans La Mer de la tranquillité, la Canadienne Emily St. John Mandel, prix Arthur C. Clarke pour Station Eleven, s’amuse à nous égarer avec maints artifices de la sf qu’elle connaît mieux qu’il y paraît, pour nous abandonner sur une question irrésolue : « Ce que l’Institut du temps n’a jamais compris, c’est que si on découvre une preuve irréfutable que nous vivons dans une simulation, la bonne réponse à ce scoop sera Et alors ? Une vie vécue dans une simulation n’en reste pas moins une vie ». Aussi intrigant qu’irritant, aussi passionnant qu’imperméable, voilà un roman auquel il ne faut surtout pas chercher de lien avec Philip K. Dick mais qui, et c’est bien là l’essentiel, ne laisse pas indifférent (Rivages).
CÉLINE MALTÈRE DONNE DANS LE LUXE
Nous avons parlé ici-même du beau et gros recueil de Céline Maltère, Les Thanatocrates. Voici maintenant une version courte et illustrée de cet ouvrage comprenant le récit éponyme, six nouvelles dystopiques ("La Coupole", "Les Bibliophages", "La Lune factice", "Les météorites", "Les gratteurs de bulles" et "La Saignée"), un avant-propos d'Amélie Nothomb, une postface de Geneviève Le Bras qui peut guider une réflexion pédagogique auprès de collégiens et lycéens, une carte des mondes des Thanatocrates par Edlinka Saves, enfin les illustrations de Jean-Paul Vetstraeten conçues à l'origine du projet (Les Deux Crânes).
BALADE DANS UN PAYS IMAGINAIRE
Si le présent album a pour encrage la vallée et le village d’Olot (région de la Garrota, Catalogne), où nous pénétrons à la suite du narrateur, qui peut être aussi l’auteur de l’album, signé Dr. Alderet, c’est pour mieux nous égarer dans un paysage imaginaire, que l’on va définir comme un paysage mental, ou une suite de rêves éveillés. Puisqu’on y trouve en pleine rue une statue semblables à celles de l’île de pâques mais sculptée par un artiste contemporain, Antoni Pujador ; le « Rambo » d’Orlot, chasseur de sangliers qui finira comme ses proies ; une abduction du narrateur par une soucoupe volante, chose banale puisqu’on note dans la région, entre 1966 er 2010, pas moins de 90 témoignages d’enlèvements ; l’exploration d’un volcan et sommeil et quelques autres fantaisies, qu’Alderete plante dans les 112 pages de son album petit format en larges dessins très stylisés, aux figures cernées d’un épais trait noir et soutenues par un teint bicolor, en général sang de bœuf et vert émeraude. Sauf pour ces séquences répétitives scandant l’ensemble, où l’on voit le narrateur pénétrer nuitamment dans une forêt où il donne quelques graines à un poisson qui émerge d’une mare à son approche et se transformera peu à peu, qui elles sont traitées en noir et blanc tramé. Y a-t-il quelque chose à comprendre dans ces errements ? Mieux vaut se laisser porter un graphisme en tous points surprenant qui sait à merveille vous piéger l’œil (Tanibis).
GAME OF THRONES VS CHATTGPT
Dernier épisode en date d’une série de procédures judiciaires intentées par des artistes contre les plateformes faisant appel à l’IA, l’auteur de Game of Thrones, George R. R. Martin, porte plainte contre OpenAI, la maison mère de ChatGPT, au sein d’un d’écrivains, pour «non-respect des droits d’auteur». À mesure que le robot conversationnel ChatGPT, les intelligences artificielles génératrices d’images Midjourney et DALL-E, et dernièrement les programmes d’altération vocale gagnent en popularité, leurs productions se retrouvent dans le collimateur des auteurs, que ce soit dans les domaines de la littérature, de l’image ou de la musique. Si ces outils peuvent représenter une aide dans le processus de création, leur utilisation vise parfois à remplacer carrément les artistes. Or pour s’alimenter, ces programmes doivent assimiler une grande partie de leurs travaux originaux. En juillet, ce sont les écrivains Sarah Silverman, Christopher Golden et Richard Kadrey qui poursuivaient OpenAI et Meta aux Etats-Unis pour «non-respect de copyright». Dans leur plainte ils dénoncent un apprentissage des IA basé sur le siphonnage de données illégalement acquises provenant de «shadow library», des sites qui permettent d’accéder gratuitement à des milliers d’ouvrages. À suivre ?
JEAN-PIERRE ANDREVON