La maman de "Carrie" est montée au ciel
"Inside", un thriller cérébral et labyrinthique avec un grand Willem Dafoe
À SORTIR EN SALLES
À L’INTÉRIEUR ***
(Inside). Allemagne/Belgique/Suisse. 2023. Réal : Vasilis Katsoupis.
SORTIE: 1er NOVEMBRE 2023
Nemo, cambrioleur de haute volée, s’introduit nuitamment dans le loft haut perché sur Time Square d’un richissime marchand d’art, absent, afin d’y dérober certaines de ses œuvres, dont un précieux autoportrait d’Egon Schiele. Il a sept minutes pour embarquer quelques toiles, avant que l’IA du penthouse ne bloque toute sortie. Mais, suite à une dysfonction, l’alarme se déclenche brusquement, et voilà Nemo coincé, sans que son commanditaire, un mystérieux Numéro 3, qu’il joint un court instant au téléphone, ne puisse rien pour lui. Les heures vont passer, puis les jours, pendant lesquels le prisonnier va tout faire pour tenter de s’échapper…
Usant d’un thème familier, l’enfermement, traité récemment avec le Nowhere d’Albert Pinto et plus lointainement le Chambre forte de David Fincher, le réalisateur d’origine grec Vasilis Katsoupis, dont c’est le premier long, s’est entouré d’un maximum d’éléments visant à un réalisme le plus absolu possible, sans lequel le film ne fonctionnerait pas. Au premier plan le décor, cet appartement si grand qu’il semble ne pas avoir de fin, où les diverses toiles et photographies meublant les parois semblent surveiller le captif, à qui les immenses baies vitrées incassables donnant sur Manhattan procurent un illusoire sentiment de liberté. Grâce aux écrans de surveillance qu’il scrute sans cesse, Nemo, torture supplémentaire, peut observer une domestique faire journellement le ménage sur le palier, tout en étant dans l’impossibilité de la contacter ou se faire entendre. Ses efforts pour se délivrer un passage – creuser avec un canif une porte en bois qu’il découvre doublée de métal, empiler des meubles pour atteindre un plafond de verre dont il tente en vain de desceller une plaque – s’additionnent avec une intensité qui tient beaucoup à l’interprétation fiévreuse de Willem Dafoe dont la face rugueuse se défait progressivement, le tournage chronologique permettant à l’acteur de maigrir et de laisser barbe et cheveux pousser jusqu’à faire de lui un clochard hagard. Certes, il est loisible de regretter une fin sibylline et un manque de précisions concernant le background de l’aventure (pourquoi Numéro 13 a-t-il à ce point abandonné Nemo, qu’est devenu le propriétaire du loft ?) de même qu’on se demandera comment le cambrioleur a-t-il pu survivre des mois dans un appartement aux réfrigérateurs vides – même si on le voit une fois se nourrir d’un poisson rouge et râcler une boîte de nourriture pour chat… Cependant, hors ces réticences portant sur des points de scénario, on peut se laisser aller à la fascination quelque peu morbide qu’instaure une incontestable réussite.
Jean-Pierre ANDREVON
FILMS EN VOD
TOTALLY KILLER ***
USA. 2023. Réal.: Nahnatchka Khan. (Prime Vidéo).
35 ans après avoir commis un triple meurtre, le tueur en série, nommé Sweet Sixteen Killer, est de retour en ville et fait une quatrième victime. Alors qu’elle tente d’échapper aux griffes du maniaque, Jamie, une adolescente dont la mère a été témoin des agissements du psychopathe dans le passé, se retrouve accidentellement catapultée dans les années 80, époque où a eu lieu le premier massacre. Elle va alors faire équipe avec sa génitrice pour tenter de venir à bout du psychopathe une bonne fois pour toute…
Produit par Blumhouse, Totally Killer est un film réjouissant à plus d’un titre. À la croisée des chemins entre Scream et Retour vers le Futur, cette œuvre, signée Nahnatchka Khan (connue notamment pour la comédie romantique Always Be My Maybe, diffusée en 2019 sur Netflix), met le public dans le bain dès la désopilante séquence pré-générique où la mère de l’héroïne est confrontée au tueur. Le ton est donné en quelques minutes et le récit oscillera ainsi, avec générosité, entre horreur, SF et comédie durant plus d’une heure et demie. La reconstitution des 80’s avec ses vêtements tape-à-l’œil, ses coiffures improbables et un tabagisme exacerbé est très réaliste et fera éprouver un maximum de nostalgie aux spectateurs ayant grandi durant cette époque. D’autant que la réalisatrice multiplie les clins d’œil à la pop culture, à travers la B.O. évidemment (et qui réunit des artistes tels Echo and The Bunnymen, Bananarama, etc), mais aussi au gré de nombreux détails (les titres des films en VHS tels Tron, Les Aventures de Bukaroo Banzai à travers la 8e dimension, L’Empire contre-attaque…). Et le fait que la machine à voyager dans le temps prenne la forme d’une borne de jeu d’arcade ne fait qu’accentuer cet ancrage dans une époque révolue. La partie slasher du récit est elle aussi bien menée et, avec son tueur au masque figé (et dont les motivations restent néanmoins assez floues), réserve quelques séquences bien sanglantes qui réjouiront les amateurs de gore. Ajoutez à cela des dialogues truffés de références (à Scream et Halloween notamment), des rebondissements en série et vingt dernières minutes de projection intenses et vous obtenez un divertissement fun et excitant dont il serait dommage de se priver.
Erwan BARGAIN
IN MEMORIAM
ANTHONY HICKOX
Décédé le 9 octobre dernier, Anthony Hickox s’était imposé, au fil de ses œuvres, comme l’un des plus solides artisans de la série B américaine.
Né à Londres, en 1959, Anthony Hickox baigne dans le monde du 7e art dès son plus jeune âge. Et pour cause. Son père, Douglas Hickox n’est autre que le réalisateur, entre autres de La Cible Hurlante, avec Oliver Reed ou encore de l’excellent Théâtre de Sang, interprété par Vincent Price. Sa mère, Anne V. Coates, quant à elle, est une chef monteuse renommée, oscarisé par son travail sur Lawrence d’Arabie et qui, par ailleurs à collaboré avec David Lynch sur Elephant Man ou encore Hugh Hudson sur Greystoke, La Légende de Tarzan. Anthony grandit donc sur les plateaux de cinéma et son destin semble tout tracé. Ainsi, au début des années 80, il finance son premier court-métrage Rockabyebaby qui séduit le producteur britannique Michael White (The Rocky Horror Picture Show). Ce dernier lui conseille de s’envoler vers Los Angeles pour y faire carrière. Le jeune réalisateur débarque alors en Californie en 1986 et, quelques mois plus tard, écrit et réalise, pour le compte de Vestron, Waxwork, réjouissante comédie horrifique prenant pour cadre un musée de cire peuplé de figures du Fantastique. Interprétée par Zach Galligan (Gremlins) et depuis devenue culte, cette production, dotée d’un budget de 3,5 millions de dollars, rencontre un joli succès au box-office américain et lance la carrière d’Hickox. À l’automne 1988, alors que Waxwork est sorti en salles la même année, il enchaine avec le tournage de Sundown, un film de vampire mariant comédie et western et ayant pour tête d’affiche David Carradine, Bruce Campbell et Deborah Foreman (déjà au générique du premier long d’Hickox). En 1991, il décide de donner une suite à Waxwork. Sous-titré Perdus dans le temps, cette sympathique séquelle permet à Zach Galligan d’endosser une seconde fois le costume de Mark Loftmore et d’avoir comme partenaires de jeu, David Carradine ou encore Bruce Campbell. Toujours en 1991, il est choisi pour diriger le troisième opus de la franchise Hellraiser, certes moins marquant que les deux premiers mais qui réserve néanmoins de belle séquence dont une scène de carnage d’anthologie dans un night-club.
Durant les années 90, Anthony Hickox multiplie les projets. En 1993, il signe Warlock : The Armageddon, la suite du film de Steve Miner, puis pour la chaîne HBO, Full Eclipse, une variation autour du thème du loup-garou qui, lors de sa diffusion, a rencontré un certain succès aux USA. Tout en réalisant quelques épisodes de séries télé mais aussi en contribuant en qualité de producteur exécutif à certains métrage (Les Démons du Maïs 3), il se tourne peu à peu vers le thriller (Payback, Piège Intime), la fantasy (Prince Vaillant) et l’action. Dans ce dernier domaine il collaborera ainsi avec Dolph Lundgren, sur les dispensables Storm Catcher et Jill the Killer, mais aussi avec Armand Assante qu’il dirigera, au début des années 2000, à trois reprises. En 2005, après avoir mis en boîte Blast, interprété par Vinnie Jones, il écrit (avec Paul de Souza) et réalise le calamiteux Piège en Eaux Profondes, dont la vedette n’est autre que l’inénarrable Steven Seagal. Hickox va par la suite prendre ses distances avec les plateaux et délaisser quelque peu la réalisation. Ses films se font plus rares, comme en témoigne Knife Edge, honnête métrage de maison hantée tournée en Angleterre et au casting duquel on retrouve notre compatriote Matthieu Boujenah. Ses dernières œuvres, telles Infamous Six, tournée en Chine en 2020 et interprétée par Armand Assante, et Underdogs Rising, sont restées inédites dans nos contrées. Il travaillait, avant de disparaître sur Silent Kill, une production dont il avait écrit le scénario et qui a pour tête d’affiche Jean-Claude Van Damme.
Formidable artisan de la série B américaine, Anthony Hickox, qui vivait depuis plusieurs années en Bulgarie, aura, à son échelle et grâce des œuvres qui transpiraient souvent la passion, marqué le cinéma fantastique contemporain.
Erwan BARGAIN
PIPER LAURIE
Il suffit parfois d’un rôle pour qu’un comédien ou une comédienne entre dans la légende du 7e art. C’est le cas de Piper Laurie dont le nom sera à jamais associé à son interprétation de Margaret White, la mère tyrannique de Carrie au Bal du Diable. Pourtant, comme en témoigne sa filmographie, l’actrice, qui nous a quittés le 14 octobre, a eu une carrière riche et variée qui l’a conduite à plusieurs reprises à épouser notre genre de prédilection. Née en 1932, à Détroit, Piper Laurie (de son vrai nom Rosetta Jacobs) signe un contrat avec Universal en 1949 et apparaît quelques mois plus tard à l’écran dans Louisa, d’Alexander Hall, où elle donne la réplique à un certain Ronald Reagan (qu’elle fréquentera quelques temps). Elle apparaît dès lors dans diverses comédies telles The Milkman, Francis aux courses (mettant en scène un âne doté de la parole), mais aussi Le Voleur de Tanger, No Room for the Groom et Le Fils d’Ali Baba, trois productions où elle à pour partenaire Tony Curtis. En 1953, elle prête ses traits à la princesse Khairuzan dans La légende de l’épée magique, de Nathan Juran. Dans ce métrage teinté de fantastique, elle partage l’affiche avec Rock Hudson qui campe un prince découvrant une lame dont les pouvoirs surnaturels sont susceptibles de l’aider à venger la mort de son père.
Piper Laurie enchaîne ainsi durant plusieurs années les tournages et se retrouve au générique de films comme Femmes coupables de Robert Wise ou encore L’Arnaqueur, de Robert Rossen, deux titres qui lui permettent de partager l’affiche avec Paul Newman. À partir des années 60, elle commence à se faire plus rare et se consacre en grande partie à la télévision en apparaissant dans divers épisodes de séries, avant de prendre, à partir de 1966, ses distances avec l’industrie audiovisuelle. Ce n’est qu’en 1976 qu’elle renoue avec les plateaux de cinéma sous la direction de Brian de Palma. Ce dernier lui confie le rôle de Margaret White dans Carrie au Bal du Diable, adaptation d’un roman de Stephen King. Dans ce chef-d’œuvre du Fantastique, l’actrice livre une prestation saisissante en campant une mère tyrannique obsédée par la religion, prestation qui lui vaudra une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur second rôle féminin. Quelques mois plus tard, elle est la vedette de Ruby, série B horrifique mise en boîte par Curtis Harrington. Plus tard, en 1985, elle prête ses traits à Tante Emma dans Oz : un monde extraordinaire, un divertissement familial et spectaculaire, estampillé Disney et qui, malgré ses indéniables qualités, ne rencontre pas le succès escompté lors de sa sortie en salles. En 1990, après la comédie fantastique De l’autre côté du Rêve, elle rejoint le casting de «Twin Peaks» la série culte de David Lynch et incarne durant deux saisons le personnage de Catherine Martell. Puis, elle prête ses traits à la terrifiante Adriana Petrescu dans Trauma, que Dario Argento réalise, en 1993, aux États-Unis. Quatre ans plus tard, elle tient un second rôle dans Intensity, excellente adaptation télévisuelle d’un roman de Dean Koontz signée Yves Simoneau, avant de camper Madame Olson, le professeur d’art dramatique possédé par les aliens dans The Faculty, de Robert Rodriguez. Au cours des années 2000, la comédienne apparaît dans des téléfilms tels Possessed, une histoire d’exorcisme signée Steven E. De Souza, ou encore, en 2012, dans Bad Blood, série B horrifique réalisée et interprétée par Conrad Janis.
Actrice fondamentalement douée, Piper Laurie aura, au cours de sa carrière, abordé tous les genres marquant ainsi de son empreinte le monde du 7e art.
Erwan BARGAIN