LIVRES
UNE GUERRE NUCLÉAIRE INÉDITE
Jon Keller, historien américain, se trouve quelque part en en Suisse pour un congrès. Il a laissé sa femme et ses deux filles aux Etats-Unis et loge dans un immense hôtel isolé dans les bois, le Sixième. Et voilà qu’un matin, tout arrive. Aux nouvelles, on parle d’une attaque sur Washington. Un nouveau 11 septembre pense Jon, jusqu’à ce que la vérité éclate très rapidement : il s’agit d’une attaque nucléaire qui a fait au moins 200 000 morts. C’est la guerre atomique mondiale. Voilà comment s’ouvre The Last où les premiers instants d’effarement passé, avec la fuite de nombreux pensionnaires, ne demeurent dans le Sixième, énorme bâtisse comptant plusieurs centaines de chambres désormais pour la plupart vides et d’autant plus inquiétantes (qui peut s’y cacher ?) qu’une vingtaine de personnes qui vont tenter de survivre. C’est cette existence confinée, plutôt banale malgré les inévitables conflits de personnes, que Jon va noter dans son journal tenu au quotidien, ce qui constitue, comme autant de courts chapitres, le courant de ce roman de 380 pages qui aurait pu être écrit dans les années 1970, mais auquel la Britanniques Hanna Jameson, autrice plusieurs romans policiers, réussit à donner un son neuf. Ceci grâce à un suspense bien entretenu, la minutie dans le détail et la justesse des notations psychologiques – témoin par exemple la colère dont est victime de Tomi, jeune femme libertarienne qui a avoué avoir voté Trump (pas nommé) et qu’on accuse en conséquence d’être responsable d’une guerre et de destructions dont, en l’absence de toute info, on ne saura jamais rien, même si une ébauche de reconstitution sociale se fait jour en fin de roman. Qui s’achève dans l’incertitude et le doute : « La fin du monde était un concept relativement rassurant car, en théorie, cela signifiait que nous ne serions pas là pour la vivre. Finalement, ce qui nous rendait dingue n’est pas d’avoir à gérer la fin du monde, mais d’avoir à vivre avec le fait qu’elle n’était pas arrivée ». On pourrait difficilement être plus pessimiste ! (Black Lab).
QUELQUES AUTRES LECTURES
Effet de cet l’été caniculaire qui pousserait à s’isoler dans un coin d’ombre pour bouquiner ? Il ne se passe pas une semaine sans que sorte un pavé (et ce mot est tout à fait approprié car dans la majorité des cas il s’agit de livres de poids) d’un auteur qui en est à ses première armes, publié le plus souvent par ce qu’on va appeler une jeune maison qui cherche ses marques… Cette semaine donc, notre attention est attiré par ce titre : Journal intime d’un dieu omniscient, où l’auteur, Adrien Mangold, s’amuse sur 350 pages à décrire la planète Astria, qu’il a créée sur toutes ses coutures. C’est aux éditions L’Homme sans nom, qui a déjà édité deux Mangold, Prototype, et Humanité.
Romain Volpato, lui, a commencé à poster les premières ébauches de Zealandia, la traversée des hautes mers, sur une application de partage, atteignant 100 000 vues. D’où une publication papier aux éditions Imaginæ de cette épopée maritime où un cataclysme vieux d’une centaine d’années a fait éclater un continent en millions d’îles où, selon l’auteur, nous allons croiser « jeux de pouvoir, trahisons, magie mystique, religion, piraterie et créatures extraordinaires ». Cela vaut la peine d’essayer.
Ian Cameron Esslemont est canadien. Comme l’auteur précédent, c’est la fantasy qui le motive puisqu’il nous transporte dans la puissante cité de Li-Heng, dirigé par la « Protectrice », une redoutable magicienne, et où arrive un jeune homme qui se prétend l’assassin le plus talentueux de sa génération. Que va-t-il se passer ? La suite dans La Voie de l’Ascendence, premier tome de la trilogie en cours, La Complainte de Danseur, qui réclame 460 pages pour se déployer.
UNE CURIOSITÉ
Aborder le livre SPLINES, signé luvan (sans majuscule), c’est d’abord se poser la question : Qu’est-ce qu’une Spline ? Pour s’entendre répondre : C’est une fonction mathématique qui permet d’approcher des distances, aussi utilisé en statistique comme outil de prospective procédant par interpolation. On n’est pas plus avancé ? Alors il fait se plonger dans ce très curieux ouvrage de 250 pages, où l’autrice, une performeuse entre autres lauréate du prix Bob Morane, nous entraine à Prague, San Francisco, Hiroshima, Muniche, Bratislava, Göteborg, et nombre d’autres lieux (comme les monts Rushmore, où sont mis à mal les fameux portraits des présidents), dans une suite désorganisée de chroniques, nouvelles, reportages, qui se répondent au pas au sein d’un puzzle nécessitant patience et liberté d’esprit pour y naviguer. Une expérience, en tout cas.. (La Volte).
BANDES DESSINÉES
LA BD DE LA SEMAINE
L’Inde, début du XIXe siècle. Alors que l’occupant anglais, armes à la main, tente de faire sortir de l’esprit de la population sa croyance en la multitude de dieux de ce gigantesque pays, les Hindous, en secret, attendent la naissance d’un enfant qui pourrait être l’incarnation du puissant démon Ravana, qui pourrait les débarrasser de l’envahisseur. Ne serait-ce pas le bébé qu’attend, bien involontairement et suite à quelques soirées d’orgie peu recommandables, Isabella Boone, la blonde fille du gouverneur ? Celle-ci est enlevée par Arjuna, énigmatique guerrière douée de super-pouvoir, afin d’être reconduite en Angleterre pour la mettre à l’abri. Mais le vaisseau où ont pris place les deux femmes est attaqué par les pirates du redoutable Kanhoji, son navire étant à son tour torpillé par un gigantesque monstre marin surgi des flots… Ce n’est là que le début des aventures des deux femmes, qui vont avoir affaire à d’autres monstres, aux hordes de thugs voulant eux aussi le pouvoir et à certaines divinités, dont la déesse Kali et ses quatre bras brandissant de redoutables serpes. Arjuna, cette fantasy coloniale écrite par Mathieu Mariole, dessinée par Laurence Baldetti qui réussit à ne jamais se départir d’humour dans les situations les plus tragiques et mis en couleur de manière éblouissante par Nicolas Vial nous entraine, sur 96 pages, dans des décors et une époque rarement abordés en bd. Féministe jusqu’au bout des ongles, toujours surprenante – voir cette double page où nos deux héroïnes se perdent dans une forêt envahie de singes agressifs – voilà un album qui satisfait aussi bien l’esprit que les yeux (Glénat).
JEAN-PIERRE ANDREVON
FILMS SORTIS EN SALLE
KRYPTO ET LES SUPER-ANIMAUX ***
(DC League of Super-Pets :The Adventures of Krypto and Ace) USA. 2022 Réal.: Jared Stern, Sam Levine.
La planète Krypton va exploser, le bébé Kal-El est placé par ses parents dans une fusée qui va être lancée dans l’infini jusqu’à ce qu’elle trouve un monde habitable où il pourra survivre. Banco, recueilli sur la Terre par les Kent, il va devenir… Superman ! S’il s’agit bien là d’une énième revisitation de la naissance du super-héros le plus célèbre au monde, que Jared Stern et Sam Levine ont adoptée et adaptée, c’est pour ajouter un passager clandestin à la navette salvatrice : le chiot de Kal, qui va grandir avec lui, doté des mêmes super-pouvoirs que son maître. Le duo va donc de concert sauver le monde, ce que rappelle quelques brèves séquences traditionnelles, comme se coucher à travers un pont tronçonné pour remplacer les rails. Seulement pour le chien, nommé Krypto, une nouvelle menace, bien plus terrible que tous les super-vilains réunis, se précise : nulle autre que Lois Lane, dont Superman est amoureux. Le meilleur ami du super-héros va-t-il être relégué à la niche? À cette idée de départ, qui permet une modélisation très réussie de toutes les expressions faciales de Krypto, de la colère à l’apitoiement, vient s’agréger tout ce qu’on peut attendre des aventure de Superman, notamment la présence d’Aex Luthor, ici flanqué de Lulu, encombrant complice qui n’est autre qu’un hargneux raton laveur ne voulant surtout pas être confondu avec un hamster et, devenu super-rongeur grâce un fragment du soleil de Krypton, va même en remontrer à l’homme d’acier, qui se retrouve enfermé, démuni de ses pouvoirs, en compagnie de ses complices habituels Batman, Wonder Woman, Flash et quelques autres, eux aussi de la fête. Heureusement, il y nos amis à quatre pattes qui forment une belle bande de bêtes autour de Krypto : Ace le dogue ronchon, madame cochon, Merton la tortue myope comme une taupe et Chip le micro-écureuil, eux aussi dotés de certains pouvoirs (Merton va se mettre à courir plus vite que le lièvre), mais dont on fait connaissance en début de métrage cloitrés dans les étroites cages d’une animalerie. Ce qui, mine rien, nous rappelle qu’on ne doit pas maltraiter les animaux car on pourrait bien avoir besoin d’eux, et pas seulement à table. Bourré de références, ce qui écarte les trop petits d’un métrage enjoué et malin aux magnifiques décors 3D, qui ne laisse pas une seconde de répit, ce Krypto , production DC où l’on trouve Dwayne Johnson en coproducteur et responsable en v. o. de la voix de Krypto, est une belle réussite dans le cadre recherché. Et qu’on se rassure, tout est bien qui finit bien, Superman pouvant passer la bague au doigt de Lois sous le regard attendri de notre chien-chien assagi.
Jean-Pierre ANDREVON