Vite, vite, les contreparties “early bird” sont presque épuisées !
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UNE SOMME SIGNÉE JOHN BRUNNER
L’auteur ici nommé est un grand, un super grand de la sf. On n’a pas oublié (il faut l’espérer !) ses deux ouvrages monumentaux, “Tous à Zanzibar” (sur la surpopulation) et “Le Troupeau aveugle” (la pollution généralisée), le premier datant de 1968, le second de 1972 mais qui, par l’acuité du regard et une prescience phénoménale, aurait pu être écrits aujourd’hui. Ce qui a donné à cet auteur britannique, disparu bien trop tôt en 1995 à l’âge de 61 ans, l’étiquette d’auteur social, politique (dans sa vie comme dans son œuvre puisqu’il milita entre autres contre l’énergie nucléaire), et bien entendu écologique. Ces titres engagés ne doivent cependant pas oblitérer la partie numériquement la plus considérable de l’œuvre d’un homme qui écrivit beaucoup (une soixantaine de romans, le premier à 17 ans), à savoir le space-opera, dont on trouve, dans l’anthologie Les Planétaires, ma substantifique moelle. Mais cela change-t-il la donne ? Aucunement, comme le prouve les huit romans (dont trois jusqu’alors inédit en français) repris dans un magnifique volume de 875 pages, où l’auteur ne s’attaque à un thème traditionnel de la sf – presque un sous-genre – que pour le détruire de l’intérieur, tout en en gardant les ingrédients. Le préfacier de cette somme, Patrick Moran, nous rappelle que le s-o d’origine célèbre « une vision triomphaliste du futur, qui combine le mythe de la frontière, du Self-made Man et de la destinée manifeste ». Or qu’en fait Brunner ? « Il ramène le comportement de ses personnages et des société qu’il dépeint à (…) l’exploitation des plus faibles l’avidité, la xénophobie, la paranoïa et la folie destructrice, constantes du développement humain, et les évolutions de la science et de la technologie n’y changeront rien ». Alors Brunner « pessimiste ? Résigné ? Sceptique ? « s’interroge Moran. « Tout cela à la fois (…), bien que reste la capacité de ses héros à se transformer et à devenir meilleurs »
Pour plonger plus profond dans l’œuvre, à travers ces huit courts romans publiés originellement entre 1962 et 1982, on ira donc dans “Éclipse totale” où une planète ayant atteint le stade de civilisation de la Terre disparait avec tous ses habitants avant d’avoir accéder au voyage spatial ; “La Planète asile”, où un colon se rend compte que le monde où il a atterrit n’est pas fait pour l’humanité ; “Le Long labeur du temps”, qui exploite un thème cher à l’auteur, la stagnation, « l’idée que la civilisation terrienne, voire galactique, va progressivement s’évider et devenir moribonde, incapable d’évoluer. » Si cinq des huit textes recueillis ont eu une édition française,bsouvent très discrète (“La Planète Asile” en Masque science-fiction par exemple), la trilogie composée de “Les Vengeurs de Carrig”, “Polymathe” et “Les Réparateurs de Cyclops”, où les habitants de la planète Zarathoustra doivent fuir leur monde pour se disperser dans l’espace, leur soleil menaçant de se transformer en nova, était restée inédite. Plus qu’hautement recommandé, cette somme est habillée par la collection Omnibus de chez Mnémos, dont le catalogue fait saliver : citons “Le Cycle du midi” regroupant dix romans des frères Strougatski, dont “Il est difficile d’être un dieu”, les quatre romans du cycle des “Villes nomades” de James Blish, ou encore les 1150 pages de “Espace-temps K”, huit romans et des nouvelles signés Gérard Klein. Sans compter, pour plaisir au futur, tout ce que l’éditeur a en préparation (Mnémos).
ASSASSIN’S CREED VALHALLA
Matheri Gabella, Paolo Traisci
Angleterre, IXe siècle. L’abbaye de Readingum est attaquée par les Vikings du clan d’Eivor, leur cheffe qui, épée à la main vaut à elle seule plusieurs de ses guerriers. Le jeune moine copiste Edward est enlevé, car lui seul pourrait peut-être déchiffrer un mystérieux manuscrit qui pourrait s’avérer de grande valeur. Ce que va tenter de faire le jeune homme, que le sage Hytham a pris sous son aile. Mais Edward recherche aussi la trace d’Ecbert, son frère disparu. Et c’est en compagnie de la farouche Eivor et de l’aventuriers Niels, qui manie une épée aussi grade que lui, qu’il va se lancer dans cette double quête, qui va mener le trio sur les traces d’un ordre secret, “Ceux qu’on ne voit pas”. L’album, 88 pages, fait partie de l’univers du jeu vidéo Ubisoft créé en 2007, reprenant le thème du dernier épisode de 2020. S’il est un peu difficile au départ d’entrer dans ce monde crypté, dont le thème rappelle tout de même Le Nom de la rose, on est entraîné par le dessin de Paolo Traisci (La Geste des princes démons d’après Jack Vance) qui n’a pas son pareil pour mettre en scène des duels virevoltants. N’empêche que la suite sera la bienvenue (Glénat, “Ubisoft”).
KEANU REEVES SCÉNARISTE !
L’album Brzrkr, Un titre imprononçable, intrigue par la présence au générique d’un acteur célèbre, nul autre que Keanu Reeves. Qui aurait créé là sa première bd, à vrai dire seulement comme co-scénariste avec Matt Kindt, lui riche d’une fameuse carrière dans le roman graphiques et les comics. Nous faisons donc connaissance d’un immortel peut-être créé par les dieux il y a 80 000 ans pour protéger sa tribu, et qui va alors, dès l’âge de deux ans, massacrer tout ce qui passe à sa portée, à commence par des animaux qu’il éventre à mains nues. B, comme il se fait appeler (comprendre qu’il agit comme un Berserker) est récupéré à notre époque par le gouvernement américain et confiné dans une basse secrète. Seulement lui qui ne voudrait que redevenir mortel et mourir, est étudié dans le but de pouvoir fabriquer des armes vivantes à son image. Un sujet qui en vaut un autre, prévu pour une trilogie, et devrait se prolonger par une série d’animation, plus un film dont Reeves tiendrait naturellement le premier rôle. Le problème de ce premier tome est qu’il est entièrement consacré aux exploits de B, à l’époque présente comme dans son lointain passé, à savoir des combats au corps-à-corps où le héros ne cesse de faire voler des têtes, de démembrer ses adversaires, de leur perforer la poitrine d’un seul coup de poing, et ceci dans une continuelle efflorescence de sang qui finit par donner mal au cœur, d’autant que le graphiste Ron Garney, au trait dynamique mais assez brut, a manifestement pris un plaisir certain à cet étalage de gore d’un réalisme outrancier. Si l’on ajoute que la tribu de B, dont l’existence est censée dater d’il y a 80 000, se présente à l’image comme s’il s’agissait de Vikings ou des Parthes montant à cheval, et que les 120 pages du récit sont suivies de 20 autres où Reeves ses co-auteurs ne cessent de s’auto-congratuler, cet essai, lancé à grand renfort promotionnel, laisse un goût bien amer en bouche. Où le commercial va-t-il se nicher ! (Delclourt).
Jean-Pierre Andrevon
NOUS N’AVONS QU’UNE TERRE, Textes et dessins féroces
Jean-Pierre Andrevon / *****
Dans le recueil Nous n’avons qu’une Terre, sous-titré Textes et dessins féroces, on peut dire qu’il enfonce le clou, le bougre !… Je parle bien entendu de notre ami et collaborateur Jean-Pierre Andrevon qui, pour ce faire, n’y va pas avec le dos de la cuillère mais bien plutôt avec sa plume ô combien efficace, appuyée par un crayon bien affuté et le pinceau d’un formidable artiste qu’on avait pu croire disparu depuis les Charlie hebdo d’antan.
Un : Nous n’avons qu’une Terre, qu’il dit. Pour un auteur de SF qui a voyagé dans l’espace et le temps, ne croirait-il plus à un plan B ? Et de se livrer à un plaidoyer pour un improbable sauvetage qu’il illustre aussi abondamment qu’implacablement en citant, pour la circonstance, un Hubert Reeves qui n’est pas le moins bien informé venu, voire même un chef indien célèbre.
Mais tournons les pages.
Deux : de croquis en noir et blanc aux images en couleurs de bateaux de croisières, façon vacances à Venise, le voilà qui aborde le problème de la croissance, de la production et des ressources “illimitées” de notre unique vaisseau spatial, la Terre. La croissance n’est pas la solution, avait dit Rabhi, c’est le problème. Théorème ou postulat ? Il va sans dire que les faux écolos – mais vrais démagos – l’ont plutôt retenu comme une hypothèse tendance utopie. Dessins à l’appui, l’interrogation s’impose. Et si c’était une affirmation !
Chapitre trois : Faut tout de même pas prendre les capitalistes pour des empoisonneurs !
Et à propos de la lutte des classes, est-ce que le combat continue ? Quatrième épisode : Non, nous répond l’écrivain-artiste de Grenoble, il ne fait que commencer… à moins de se battre avec une armée populaire plus forte que celle du capital. Puis de toucher du doigt à l’un des problèmes longtemps majeur et devenu curieusement mineur, charbon oblige : le nucléaire. Thème largement évoqué dans ce cinquième volet qu’il illustre ici, vêtu tant qu’à faire d’une combinaison protectrice. Le nucléaire, c’est du propre !
Et six : la météo, qui n’est pas le climat. D’ailleurs, la COP 23, hein ?
Mais nous allons garder le meilleur pour la faim.
Chapitre sept : Nos amis les bêtes. Qui sont – chapitre huit – présentes (c’est une lapalissade) lors de l’ouverture de la chasse, primordiale pour la biodiversité, qu’il a dit le président de la fédé nationale des chasseurs. En attendant que le jour du dépassement finisse par nous dépasser. Alors, après ??? Y s’passe quoi ?
Pour conclure, je citerai Yann Quero le préfacier de cet ouvrage indispensable, à déguster, à méditer, à outrepasser si nécessaire : ”Vous serez sans doute par moments déstabilisés ou choqués par certaines œuvres, mais elles sont aussi le reflet d’un monde qui va de plus en plus mal…”
Dystopie ? Que non malheureusement pas. C’est bien du présent qu’il nous cause (Arkuiris).
Jean-Pierre Fontana