"Kate" déboule et débite sur Netflix
Et en ce Mercredi, il est recommandé à tous de ne pas contrarier un aveugle avec un gros marteau.
FILMS EN VOD
KATE****
USA. 2021. Réal.: Cédric Nicolas-Troyan. (Netflix)
Kate, femme assassin d’élite experte du tir et des arts martiaux, doit mener une mission consistant à abattre les dirigeants de l’une des principales familles de yakuzas au Japon. Elle tue l’un des frères, mais échoue à tuer le plus dangereux, Kijima. Un soir, elle est empoisonnée au polonium 204, et comprend qu’elle n’a plus qu’une journée à vivre. Elle décide de mener à bien sa mission, n’ayant plus rien à perdre. Mais c’est alors qu’elle se lie avec la fille de l’une de ses victimes.
Réalisateur notamment du Chasseur et la Reine des glaces et superviseurs des effets visuels de Blanche-Neige et le Chasseur, le Français Cédric Nicolas-Troyan signe ici un film plein d’action et de tension, porté par une excellente Mary Elizabeth Winstead (Scott Pilgrim, The Thing, 10 Cloverfield Lane), fille improbable de Sarah Connor et du Terminator, cadavre en sursis uniquement mué par son envie de réparer ses erreurs. C’est d’ailleurs l’un des points forts de Kate, ce film de vengeance de femme ne naissant pas d’un viol, d’une agression ou de la perte d’un être proche : ici, la morte se fait justice avant même d’expirer. On retrouve la mécanique de Mort à l’arrivée avec Dennis Quaid, mais menée tambour battant par un cinéaste qui fait preuve d’une réelle virtuosité dans les séquences d’action cadrées de façon originale et parfaitement lisible et souvent très gore – c’est Jonathan Eusebio (Doctor Strange, Black Panther, Deadpool 2, la franchise John Wick, The Matrix Ressurections) qui occupe le poste de responsable des cascades –, qu’il s’agisse de bagarres à mains nues, de gunfights ou de poursuites en voiture. Certes, le scénario d’Umair Aleem (Extraction de Steven C. Miller) ne fait pas dans la finesse, et il faudra laisser son intelligence de côté au moment de regarder le film, mais il enchaîne les scènes d’action avec une réjouissante régularité, et offre à Mary Elizabeth Winstead un personnage de dure à cuire qui lui sied comme un gant, face à d’excellents seconds rôles (à commencer par Woody Harrelson, sans oublier Jun Kunimura vu dans Kill Bill et Audition).
JACINTO**
Espagne. 2021. Réal. et scén.: Javi Camino. (Shadowz)
Dans un petit village du nord de l’Espagne, deux amies s’installent dans une vieille maison de famille pour y tourner des vidéos pour YouTube afin de promouvoir leur groupe de metal. Tout cela n’est pas du goût de leurs voisins, notamment leur fils cadet, Jacinto, un muet simple d’esprit dont le seul ami est un cochon. Manipulé par son frère ainé, il finit par croire que les deux jeunes femmes qu’il pensait être des suppôts du Diable sont des vampires….
S’intéressant au sujet des étrangers fortunés qui viennent en conquérants dans les petites localités misérables, Javi Camino dresse surtout le portrait d’un adulte resté enfant, incapable de côtoyer le monde des "grands", et qui perd la raison quand le cochon qu’il aime tant voit la fin de sa vie approcher pour nourrir la famille. Lorsque les différends éclatent avec les deux jeunes femmes, c’est toute la rancœur qu’il ressent pour ceux qui le maltraitent et le méprisent au quotidien qui le fait exploser. Bercé de films de séries B, mais n’offrant que quelques effets gore timides, Jacinto appartient à ces productions indépendantes qui font le choix d’aborder un thème classique pour le réinventer à travers le regard de personnages en marge de la société. En cela, le film de Javi Camino est une réussite évoquant parfois le sordide Texas de Tobe Hooper, sans pour autant retrouver ses excès visuels.
COMME DES PROIES**
Allemagne. 2021. Réal. et scén.: Thomas Sieben. (Netflix)
Cinq amis se retrouvent pour une randonnée dans une immense forêt montagneuse à l’occasion de l’enterrement de vie de garçon de l’un d’entre eux. Lorsqu’ils retournent à leur voiture, ils se font tirer dessus par un chasseur invisible. Commence alors une éprouvante partie du jeu du chat et de la souris…
Le thème de Comme des proies n’a rien de neuf, et évoque d’emblée des films plus ou moins récents tels Les Proies de Gonzalo Lopez-Gallego ou Desierto de Jonás Cuarón. À l’image de ces deux longs, celui de l’Allemand Thomas Sieben (Kidnapping Stella, inutile remake de La Disparition d’Alice Creed également disponible sur Netflix) cherche à proposer un tueur qui change de l’image d’Épinal du chasseur arriéré lassé de s’en prendre aux bêtes et qui jette son dévolu sur les humains. Hélas, si ceux que l’on découvrait dans Les Proies ou Desierto avaient quelque chose à dire sur les dérives de notre société, celui qui agit ici a des motivations très peu logiques, voire totalement invraisemblables. Le drame qui se joue entre les cinq protagonistes n’a finalement que peu d’enjeux dans la narration et ne permet pas d’étoffer leur psychologie. On se retrouve ainsi devant un film techniquement réussi, mais auquel il manque un véritable fond.
Yann Lebecque
L’INCONNUE D’HALLOWEEN
Une femme disparue revient chez elle, apparemment transformée.
Présenté le avant hier à la section Midnight Madness du Festival de Toronto, l’irlandais You Are Not My Mother a été écrit et réalisé par Kate Dolan , dont le court-métrage d’horreur Catcalls (2017) avait été primé dans plusieurs festivals fantastiques. C'est la semaine avant Halloween et la mère de Char, Angela, a inexplicablement disparu. Il ne reste plus que sa voiture abandonnée. Lorsqu'elle rentre chez elle sans explication le lendemain soir, il devient clair pour Char et sa grand-mère, Rita, que quelque chose ne va pas. Elle a peut-être la même apparence, mais le comportement d'Angela est devenu de plus en plus effrayant, comme si elle avait été remplacée par une force malveillante. À l'arrivée d'Halloween, une nuit imprégnée de mythes et de légendes anciens, Char se rend compte qu'elle est la seule à pouvoir la sauver, même si cela signifie potentiellement la perdre pour toujours.
AMOUR PASSÉ
Un remake de La Mort en rêve de 1957 pour le réalisateur de The Nest.
Le studio Village Roadshow Pictures et Phantom Four Films (la firme de David S. Goyer, à laquelle on doit The Night House, Affamés et le nouveau Hellraiser) préparent un remake de The Reincarnation of Peter Proud (La Mort en rêve), le film de J. Lee Thompson de1975 basé sur le roman éponyme de Max Ehrlich. Le métrage sera dirigé par Sean Durkin (The Nest). Dans l’original, Proud, professeur d’université, commence à vivre des flashbacks d’une vie antérieure et est mystérieusement attiré par un endroit où il n’est jamais allé, mais qui semble familier et où il trouve bientôt la femme de son incarnation précédente.
FILMS SORTIS
DON’T BREATHE 2****
USA. 2021. Réal.: Rodo Sayagues. SORTIE : 25 AOUT 2021.
Un vieil homme aveugle vit seul avec sa fille, qu’il élève de façon très stricte afin de l’armer face à la violence du monde, lui imposant une existence de recluse dans un quartier désertique. L’unique contact avec l’extérieur se fait avec une jeune femme qui vient livrer des plantes pour leur serre. Mais le "vrai" monde ne va pas tarder à faire irruption dans leur existence, car un infâme docteur recherché pour enlèvement d’enfants et trafic d’organes semble agir dans les parages. Cependant, s’en prendre à cette victime toute désignée est une erreur à ne pas commettre…
Certes, le fait que le personnage principal soit un tueur redoutable en dépit de son handicap n’est plus un secret après le premier opus, mais on peut faire confiance à Fede Alvarez et Rodo Sayagues pour nous offrir de nombreux retournements de situation dans cette suite qui était très attendue. Et la déception n’est pas au rendez-vous, tant s’en faut ! On pouvait pourtant légitimement s’inquiéter de voir Fede Alvarez céder sa place de réalisateur, mais Rodo Sayagues, qui signe ici sa première réalisation, est un long compagnon d’aventure du cinéaste puisqu’il a coécrit les scripts d’Evil Dead et Don’t Breathe. Si changement à la tête il y a, l’équipe reste cependant grandement inchangée. Et la grande force de cette suite est à n’en pas douter l’interprétation une fois de plus exemplaire de Stephen Lang, impérial de bout en bout. Il incarne ici un homme plus vieux encore, brisé, espérant une vie plus sereine, mais qui n’a rien perdu de sa volonté de survivre et de se battre pour son petit monde. Et le combat sera extrêmement violent. Une fois de plus, les effets spéciaux sont de nouveau à couper le souffle, offrant des séquences des plus douloureuses à voir. Le scénario est également travaillé sous tous les angles, jouant de toutes les façons de plonger l’ennemi dans les ténèbres – coup de chapeau à nouveau au chef opérateur Pedro Luque –, et forçant même l’aveugle à quitter son repaire pour se venger. Gore, intense, plein de suspense et n’oubliant pas pour autant les moments plus intimes, Don’t Breathe 2 parvient à intégrer haut la main le club très fermé des suites réussies, renouvelant un univers connu sans le pervertir, et nous offrant le même plaisir ressenti il y a cinq ans.
Yann Lebecque