FILMS SORTIS
LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES SECRETS DE DUMBLEDORE **
(Fantastic Beasts : The Secrets of Dumbledore). GB/USA 2022. Réal.: David Yates.
Saga préquelle à Harry Potter, Les animaux fantastiques avait séduit lors de ses deux premiers volets par sa capacité à développer un univers enchanteur assez singulier. Cependant, à force de multiplier les suites, cette nouvelle incursion dans l’univers cher à J.K Rowling tombe dans le piège de nombreuses séries en devenant un simple épisode de transition. À délaisser l’épique, Les Animaux fantastiques : Les secrets de Dumbledore perd une grande partie de sa force et de son intérêt. Pour compenser, l’œuvre approfondit les psychologies et les relations. On assiste donc à un film choral où tous les personnages ont droit à leur petit moment. Il est cependant vivement conseillé d’avoir en tête tous les évènements passés avant de rentrer dans la salle afin de comprendre tous les enjeux, sous peine de se sentir laissé de côté par une franchise qui multiplie les allusions au passé et les clins d’œil à destination des fans. En retrait malgré son nouveau rôle de leader, le héros d’origine, Norbert Dragonneau toujours incarné par Eddy Redmayne, se fait voler la vedette par le mage Albus Dumbledore, auquel Jude Law, tout en intériorité, renforce le caractère spleen. Ses secrets – à commencer par son homosexualité, assumée dès la première scène – ainsi que sa relation avec l’effrayant Grindelwald/Mads Mikkelsen, qui remplace au pied-levé Johnny Depp, mis à l’écart pour une question d’image – sont au cœur des meilleures scènes de ce volet, qui prend par moments des allures de spin-off. L’aspect visuel est de nouveau impeccable, avec des effets spéciaux très réussis et un Monde de la Magie qui prend véritablement vie sous nos yeux… laissant donc planer des regrets sur le faux rythme imposé par le réalisateur, David Yates, qui pour sa septième réalisation autour de cette franchise basée sur l’amour et l’amitié, s’appuie sur son savoir-faire mais ne surprend guère. Et comme les moments d’action où le groupe d’outsiders cherche à duper des sorciers maléfiques manquent d’intensité, la déception est de mise… Loin donc de la qualité du troisième volet d’Harry Potter, où Alfonso Cuaron signait avec Le Prisonnier d’Azkaban, un blockbuster qui demeure toujours la référence en la matière.
Cédric Coppola
À SORTIR EN SALLES
JUNK HEAD ****
Japon. 2021. Réal. et scén.: Takahide Hori.
SORTIE : 11 MAI 2022.
Il y a plusieurs siècles déjà que les humains sont devenus immortels, ont abandonné la reproduction naturelle, et délégué tout ce qui est dangereux à des clones. Malheureusement, au début très dociles, ces derniers se sont rebellés contre leurs créateurs et se sont réfugiés dans les profondeurs de la Terre où ils ont muté pour devenir des monstres effrayants. Mais les humains, dont l’existence est désormais menacée, décident d’envoyer une expédition à travers les souterrains dans l’espoir de trouver une solution et ainsi sauver leur espèce.
Inutile d’y aller par quatre chemins : Junk Head est un film hors norme qui ne ressemble à aucun autre. Difficile, en effet, de rester de marbre devant ce métrage de science-fiction entièrement réalisé en stop-motion et qui se caractérise par sa radicalité et sa singularité. À l’origine de ce projet complétement fou, il y a un seul homme, à savoir Takahide Hori, jeune cinéaste totalement indépendant qui, après avoir réalisé, en 2013, un court-métrage intitulé Junk Head 1, où il posait les bases de son univers, décide de reprendre son idée pour la transformer en long-métrage. Ainsi, en 2017, après quatre ans de travail en solitaire, il présente une première version dans quelques festivals (dont Fantasia où le réalisateur sera primé), avant de revoir sa copie et de travailler sur un nouveau montage qui sort enfin dans les salles. Et cela valait le coup d’attendre tant le résultat est époustouflant. Débutant dans des décors tout en verticalité, l’action se met en place assez rapidement et nous conduit sur les traces de cet androïde à conscience humaine qui, lors de sa mission, va vivre moult péripéties et sera confronté à différents dangers, à commencer par des créatures mutantes sanguinaires. Et c’est là l’un de nombreux points forts du film qui nous présente un bestiaire cauchemardesque et qui ne lésine pas sur le gore. En témoigne les attaques du milles pattes monstrueux ou encore celle de la créature arachnide. Façonnant, avec les moyens du bord, un univers rétrofuturiste, Takahide Hori embarque le spectateur dans une œuvre hybride où se mêle SF, horreur, humour déjanté (voir un peu trash), action, suspense, voir même, par moment, un certain onirisme (quand le héros se souvient de son quotidien à la surface de la Terre). Certes, l’intrigue qui n’a pas vraiment de résolution, est un prétexte pour mettre en scène cet univers incroyable, mais pénétrer dans ce monde conçu par ce cinéaste à la personnalité affirmée et qui, outre la mise en scène et le scénario, se charge de la photographie, de l’animation, de la musique, du montage, des décors et même des voix représente une telle expérience cinématographique qu’il serait dommage de s’en priver. Voilà en tout cas une œuvre destinée à devenir culte auprès des amateurs d’objets filmiques non identifiés.
Erwan Bargain
THE NORTHMAN ****
U.S.A. 2022. Réal.: Robert Eggers.
SORTIE : 11 MAI 2022
L’histoire de The Northman, tout le monde la connaît peu ou prou. Le scénario du film est inspiré de la légende d’Amleth, un prince nordique chassé de son royaume après l’assassinat de son père, le roi, par son oncle. Si ces quelques lignes vous semblent familières, c’est normal, cette légende a ensuite inspiré Shakespeare, qui en a tiré la tragédie d’Hamlet.
Le hic, c’est que cette pièce de théâtre publiée en 1603 a maintes fois été adaptée au cinéma. Même quand elles s’éloignent de l'œuvre originale (Le Roi Lion), le principe reste le même : raconter le dilemme d’un prince déchu qui doit tuer son oncle pour retrouver son royaume. Ainsi, même si l’intrigue est transposée dans un cadre nordique, Robert Eggers doit relever un défi de taille : réussir à transcender le propos par sa mise en scène pour arriver à un résultat assez original pour sembler être du jamais vu. Précisément le résultat que Joel Coen avait échoué à atteindre avec son film, The Tragedy of Macbeth.
Défi relevé, le troisième film de Robert Eggers est une immense réussite. Le cinéaste américain délaisse l’horreur graphique et psychologique pour un drame ultra-violent, sans pour autant mettre de côté son style très désaturé et empli d’ésotérisme. Après les huis-clos The Vvitch et The Lighthouse, l’ambition de sa mise en scène prend du galon. Dès les premières minutes du film, la caméra voltige avec grâce au son d’un rock celtique signé Vessel. La variété des lieux dénote des deux premières œuvres du réalisateur, et bien que celle-ci soit plus grand public, Robert Eggers maintient une posture «arty» savoureuse dans sa manière de diriger ses acteurs.
Justement, le casting cinq étoiles du film se donne à fond pour apporter une atmosphère glauque qui traverse le métrage, Nicole Kidman en tête, qui s’illustre dans un beau contre-emploi. Alexander Skarsgård, armé de sa hache, tout en muscles et surentraîné pour l’occasion, effraie autant qu’il touche, lors de ses scènes avec Anya Taylor-Joy, la muse de Robert Eggers depuis The Vvitch, qu’on retrouvera dans son prochain film, un remake du Nosferatu de Murnau.
Nathanaël Bentura
FILMS EN VOD
THE CELLAR ***
Irlande. 2022. Réal. et scén.: Brendan Muldowney. (UniversCiné, CanalVOD)
La famille Woods emménage dans une grande maison isolée, acquise aux enchères pour une bouchée de pain, au grand dam de la fille ainée qui peste à l’idée de perdre de vue ses amis du lycée. Mais les parents pensent qu’il sera bon de vivre à la campagne, dans un environnement sain à bien des égards. Le premier soir, ils doivent cependant s’absenter de la maison pour assister à une importante réunion de travail, laissant leur progéniture derrière. Là, après que les enfants ont écouté un vieux disque trouvé parmi les objets de la maison, une étrange panne de courant survient, et l’adolescente doit descendre dans la cave pour vérifier l’état des plombs. On ne la reverra jamais…
Adapté de son propre court-métrage de 2004, The Ten Steps, couronné du prix du Meilleur court à Sitges, The Cellar s’intéresse donc à un possible passage ouvert sur les Enfers, alimentant sa mythologie de recherches des alchimistes du XIIe siècle, d’équations mathématiques et de physique quantique. Tout cela fait beaucoup, et, au final, n’explique pas grand-chose des événements exposés dans le film, qui s’intéresse plus à la quête d’une mère pour retrouver sa fille inexplicablement disparue dans une cave. Mais si la magie noire et les théories fumeuses n’apportent aucune solidité au scénario, elle l’habille d’une atmosphère anxiogène qui n’est pas sans rappeler celle d’Evil Dead en déchainant les forces infernales sur de malheureux vacanciers. Tout est traité ici avec le plus grand sérieux, incarné par une Elisha Cuthbert que l’on n’avait plus vue dans le registre horrifique depuis Captivity de Roland Joffé en 2007. Elle instille un véritable sentiment de panique et d’incompréhension à l’ensemble, en dépit du fait que les personnages soient assez peu développés et n’évoluent finalement que peu au cours des événements. Muldowney ne cède pas à la tentation d’étoffer artificiellement le fil narratif ténu de The Ten Steps, qui ne durait qu’une dizaine de minutes, en ajoutant des intrigues secondaires inutiles, mais creuse au contraire le sillon de son hypothèse surnaturelle pour tenter de lui donner corps. S’il n’y parvient pas tout à fait, il faut cependant reconnaître que son histoire se tient de bout en bout, et réserve une conclusion réussie, justifiée par tout ce qui précède. Un film d’horreur psychologique et atmosphérique qui tient ses promesses, sans pour autant renouveler une formule connue.
Yann LEBECQUE