IRREMEDIABLEMENT TERMINÉ CE DIMANCHE SOIR !!!
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CARPENTER, UN ANGE MAUDIT À HOLLYWOOD
John Carpenter est-il vraiment, comme le laisse supposer le sous-titre de l’ouvrage de Stéphane Benaïm, un ange maudit du cinéma américain ? Il est vrai qu’après 18 longs-métrages, son ultime, The Ward, date de 2010, pour d’ailleurs ne sortir qu’en vidéo, le réalisateur d’Halloween se concentrant depuis lors, et avec succès à la musique, présentant sur scène ses compositions électroniques. Certes, ses débuts furent difficiles, avec le long (quatre ans) tournage de Dark Star en compagnie de Dan O’Bannon, mais le succès faramineux d’Halloween (47 millions de dollars de recettes aux USA pour un budget de 325 000) aurait dû propulser le réalisateur sur une trajectoire comparable à celle de Spielberg (avec qui Benaïm le compare). Ce n’a pas été le cas, les échecs et les demi-succès s’enchaînant, ainsi de The Thing, son film préféré et un de ses meilleurs, dont la catastrophe financière le fit exclure des studios Universal, Le Prince des Ténèbres, autre réussite magistrale où l’auteur voit un hommage à Cocteau ne retenant pas davantage l’attention. Et, malgré le succès relatif de Christine (« un sujet qui ne lui inspirait rien »), Carpenter ne remontera jamais vraiment la pente, jusqu’au découragement. Est-ce à cause de «sa volonté déposer un regard acéré sur la société américaine, le modèle consommation, la structure familiale, la politique et ses dérives, la pratique de la religion ou les peurs viscérales de l’autre» – ce qu’il exprime très directement dans l’assez raté They Live ? On suivra ou non l’auteur dans ses conclusions, concernant celui qui reste un auteur complet, un digne fils d’Hitchcock, tout simplement un grand cinéaste (LettMotif).
UNE FANTASY TRÈS RÉUSSIE
Cela fait bien longtemps (en 1993) que le scénariste Jean Dufaux a entrepris la longue saga de fantasy néo-moyen-âgeuse qu‘est La Complainte des landes perdues, au point d’y épuiser quatre dessinateurs ! D’abord le grand Rosinski, responsable du premier cycle en quatre albums, puis Delaby, suivi par Tillier, avant que Teng (qui a repris la série Jehn créée par Jacques Martin) ne s’accapare le court cycle en deux tomes, Les Sudenne. Où l’on retrouve l’héroïne des débuts, la toujours jeune et blonde Sioban, princesse sans royaume tentant de reconquérir sa puissance entre les différentes factions qui se partagent l’île ténébreuse d’Eruin Dulea. Si la fantasy peut souvent être critiquée pour ses reconductions permanentes de thèmes ou situations déjà abordés ailleurs, on peut aussi en apprécier l’art de les remodeler à neuf, tout en gardant à l’œil ce qui vous a frappé ailleurs. Que trouve-t-on dans Aylissa , second et dernier épisode de ce quatrième cycle? Des complots, trahisons, meurtre de famille et de clans, et une attrayante mais trouble princesse qui seule est capable de gérer le terrible dragon cracheur de feu Niddogh. C’est donc bien Game of Thrones qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on voit le monstre sortant de son antre asperger de flammes des armées entières, le sexe sans façon étant une autre matière qui nous renvoie à la magnifique saga télévisée. L’art aussi évocateur que précis de Teng, porté par les délicates couleurs de Bérengère Marquebreuc, qu’on se gardera d’oublier, nous entraîne dans des séquences plus cinématographiques que nature, ainsi de ce combat à cheval entre Sioban armée d’un seul fouet et un redoutable guerrier du clan des Sacrifiés. De quoi espérer un cinquième cycle enluminé par ce virtuose illustrateur (Dargaud).
COMICS : UN NOUVEAU SUPER- HÉROS EN PISTE !
Qui est ce Frank Einstein, qu’on nomme plus volontiers Madman, et qui rend une justice expéditive dans les rues de Snap City, affrontant notamment les terribles Beatniks. Seulement un jeune homme banal qui, après un accident qui a risqué de lui coûter la vie, a été remis sur pied par le docteur Boiffard, lequel en a profité pour le doter d’un don particulier : entrer en contact psychique avec les personnes qu’il touche. Le problème de Frank, c’est que son visage blême et couturé, le faisant très fortement ressembler à la créature du savant dont il porte plus ou moins le nom, a pour résultat que tout le monde le rejette, le fuit, au mieux se moque de lui. Créé en 1990 pour quelques aventures disparates par Michael Allred, notre héros prend peu à peu de l’assurance, d’abord en changeant la perception de son physique par ceux (et celles) qu’il aborde, devenant alors à leurs yeux un beau gosse. Mais ça ne lui suffit pas et, rongé par la haine éprouvée envers ses semblables, il opte pour une nouvelle personnalité, celle de Madman, costume blanc et masque qui couvre son visage. Un peu Batman, Snap City évoquant Gotham, il ne tardera pas à élargir son champ d’action, se colletant avec divers monstres, aliens, robots. Un destin semi-parodique, à la manière de Charles Burns, commencé avec ce Madman 1, qui inaugure une intégrale devant compter pas moins de 12 volumes. Celui-ci étant épais de 352 pages, faites le calcul de ce qui vous reste à lire ! (Huginn & Muninn).
QUELQUES FINS DU MONDE POSSIBLES
Les désastres que nous subissons ou qui se profilent inspirent apparemment les auteurs, pour qui rien ne vaut une bonne catastrophe pour faire palpiter le lecteur… Commençons par Apocalypse blanche de Jacques Amblard où, en 2050, un séisme mondial fait onze milliards de morts. Ne reste plus aux survivants qu’à se réfugier sur une cime de 15 000 mètres brusquement surgie en Alaska (La Volte). Pour Christopher Carpentier, faute de nourriture, la viande humaine fait florès dans Carnum, récit qui se souvient de Soleil vert (Au Diable Vauvert).
Dans L’île de Silicium, du Chinois Chen Qiufan, Mimi travaille sur l’une île où les appareils électroniques du monde entier sont envoyés au recyclage. Alors qu’une guerre se prépare pour le contrôle du marché, Mimi découvre une arme militaire expérimentale qui risque de changer le cours du destin (Rivages). Suite aux dérèglements climatiques, ne reste qu’à se réfugier dans le nord, où un groupe de femmes établissent une cité idéale en Scandinavie, tandis que les derniers hommes sont amenés à disparaître… Il fallait une femme, Madeleine Féret-Fleury, pour imaginer La Cité des Reines (ScriNeo). Pour Geoffrey Le Guilcher, deux avions percutent le centre de retraitement de La Hague, d’où vague de radioactivité, pluies acides, évacuations, chaos mondial, tout cela dans La Pierre jaune (FolioSF). Et si l’extinction venait de bactéries génétiquement modifiées ? Dernier espoir pour les survivants, les cités-ghettos de l’Europe conférés, construites par Jean-Louis Fauchère dans Total Reset (Les 3 colonnes). On y a échappé ? Rassurez-vous, ce n’est pas fini !
DRACULA À L’HONNEUR
Vedette d’un nombre impressionnant de films, le comte Dracula, de son nom complet Vlad III Tépès, comte Orlock, Nosferatu, comte Dracula, prince de Valachie, revêt en mémoire, pour beaucoup de fantasticophiles, la silhouette aristocratique de Christopher Lee… Pour Bram Stoker, tel que le découvre Jonathan Harker à l’arrivée dans son château c’est « un grand vieillard, rasé de près, hormis une longue moustache blanche ». Pour Georges Bess, dans son adaptation graphique Clo, « Le comte arborait une line livide, quasi cadavérique. Sa peau, sur son visage, me fit irrésistiblement penser au cou d’un vautour. De fines veinules parcouraient sa face émaciée et une épaisse couche de poudre ne parvenait pas à camoufler les nombreuses craquelures… Il émanait de sa personne une odeur fétide, écœurante, qui me donna la nausée… » Dessin à l’appui, qui s’exacerbe encore quand le grand saigneur passe à l’action et que son visage aux canines démesurées s’apparente au mufle d’une bête féroce. C’est dire que pour sa superbe adaptation épaisse de 224 pages, Bess exacerbe le récit de Stoker pour en tirer un véritable roman graphique d’horreur, où loups et chauves-souris, selon les diverses incarnations du comte, ont la part belle. Le dessin en noir et blanc d’une grande finesse, ombré de maintes nuances de gris, à la mise en page éclatée qui peut s’élargir en doubles pages pour les vastes panoramas transylvaniens que domine le lugubre château du maître des lieux, peut aussi se parer d’une grâce digne d’Aubrey Beardsley quand il s’agit de passer en contre-champ sur Lucy ou Mina attendant le pire. Accompagné de la nouvelle liminaire L’invité de Dracula, cet album, il est temps de le dire, est un incontestable chef-d’œuvre (Glénat).
TROIS RÉÉDITIONS QUI COMPTENT
Mona Lisa disjoncte, de William Gibson, ici dans une traduction rajeunie, clôt la trilogie inaugurée par Neuromancien, puis Comte Zéro, qui révolutionna le cyberpunk. À travers les personnages de Saly, ancienne mercenaire, Mona, une prostituée et la superstar Angie dans un monde régi par l’Aleph, l’auteur brode sur son thème préférentiel : « Toute technologie émergente échappe spontanément à tout contrôle et ses répercussions sont imprévisibles » (Au Diable Vauvert). Qu’est-ce qui réunit, dans Porteur d’âmes, signé Pierre Bordage, Léonie, une africaine clandestine qui se croit possédée, un privilégié en mal de sensations fortes et un flic désabusé ? Un transfert d’âmes, peut-être… (Au Diable Vauvert). Une intelligence artificielle nommé perversion a été réveillée par des archéologues au fin fond de la galaxie. Le mal qu’elle porte va se répandre à travers l’univers, à moins que deux adolescents ne trouvent la parade… Un feu sur l’abîme, de Vernor Vinge, qui fit grosse impression lors de sa première parution en 1994, est aujourd’hui réédité dans une nouvelle traduction (Robert Laffont, “Ailleurs et demain”).
JEAN-PIERRE ANDREVON