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FILMS SORTIS
INDIANA JONES ET LE CADRAN DE LA DESTINEE ****
U.S.A. 2023. Réal.: James Mangold
Le temps passe, Indiana Jones demeure le roi. Si une chose frappe dès l’ouverture de ce cinquième volet, qui rejoue des cartes hollywoodiennes que l’on pensait poussiéreuses depuis longtemps (des méchants nazis, un artefact secret, une course-poursuite dans et sur un train), c’est bien ce sentiment d’être face au souverain incontesté, au patriarche du divertissement contemporain, presque à une divinité. Nous pourrions dire la même chose de l’interprète, dont la carrière est quasiment consubstantielle du dernier demi siècle de blockbuster américain. Pendant vingt minutes, un Indy/Harrison Ford rajeuni de façon prodigieuse (The Irishman de Martin Scorsese paraît déjà si lointain) virevolte, conduit, se balance, se déguise, se bat, esquive des tirs de canons, et démontre qu’il n’a pas encore trouvé son héritier, et encore moins son pareil.
Comment est-ce possible ? Comment Indiana Jones peut-il, en 2023, à l’ère des super-héros et des multivers infinis, conserver aussi facilement son trône ? La réponse se situe probablement du côté de James Mangold, dont la présence derrière la caméra tient de l’évidence étant donné qu’il s’est imposé, dans ses deux derniers films, comme le grand cinéaste du sublime vieillissant. Le Cadran de la Destinée est à Indiana Jones ce que Logan est à Wolverine et Le Mans 66 au sport automobile : moins un exercice d’adoration nostalgique qu’une exhumation clairvoyante. Point de fan-service intempestif à l’horizon : Mangold tient entre ses mains un mythe, et chaque instant du film nous rappelle qu’il en comprend l’héritage et en mesure le poids. Indiana Jones 5 impressionne et bouleverse par sa lucidité : l’amour qu’il porte à son héros n’est pas aveugle et le respect qu’il a pour la saga (et pour Spielberg) n’est pas une vénération. Cette lucidité lui permet de se façonner, lentement, scène après scène, une identité propre au cœur de laquelle règne le temps. En effet, s’il est question, dans le scénario, de failles temporelles et d’un moyen ancestral pour les prévoir et les repérer, le film entier peut être vu comme une réflexion en trois actes autour du temps qui passe, notamment dans le monde du blockbuster hollywoodien. Après ces premières 20 minutes tout droit venues des années 80 (on insiste sur la prouesse numérique), le film malmène un Indy à la retraite, harassé, de course-poursuite en course-poursuite, en citant en chemin, comme pour lui renvoyer l’ascenseur, la saga Mission : Impossible dans des moments tenant de la pure comédie d’espionnage (à ce titre, Mads Mikkelsen est impérial en scientifique nazi et Phoebe Waller-Bridge crève l’écran dans le rôle de l’intenable Helena Shaw). Et enfin, parce qu’il arrive que l’irrationnel se produise, Le Cadran de la Destinée accomplit l’impossible dans une dernière demi-heure tout simplement dantesque, qui redéfinit les notions-mêmes de risque et d’audace, et qui vient achever la parabole temporelle du film en inscrivant radicalement et définitivement celui-ci dans son époque de cinéma. Soudain Indiana Jones fait corps avec l’Histoire et Harrison Ford avec son histoire. L’émotion ainsi créée fait de ce cinquième opus le blockbuster le plus mélancolique de l’année.
Jérémie ORO
NEWS
TERRY GILLIAM À STRASBOURG !
Terry Gilliam sera l’invité d’honneur de la 16e édition du Festival européen du film fantastique de Strasbourg, qui aura lieu du 22 septembre au 1er octobre prochain.
Il recevra un Prix honorifique pour son œuvre lors de la cérémonie d’ouverture le vendredi 22 septembre et il donnera une masterclass le dimanche 24 septembre. Une rétrospective sélective de ses films sera également organisée pendant toute la durée du festival.
Infos : strasbourgfestival.com
Facebook : @fantasticstras
Rappelons que l’EF/Vintage a consacré son dernier numéro en partie à Terry Gilliam, et que ce numéro est encore en vente pour quelques jours, avant l’apparition du prochain, consacré à King Kong et Roger Corman.
HORROR HOTEL
Quatre amies piégées dans un hôtel enneigé
Nominé au festival de Tribeca pour ses qualités narratives, Bad Things, qui sera diffusé le 25 aout aux USA, est un thriller d’horreur où un groupe d’amies se rendant dans un hôtel pour une escapade d’un week-end découvre bientôt que le lieu a un passé mouvementé et que certaines femmes y pratiquaient de «mauvaises choses». Le film est signé par la réalisatrice et actrice Stewart Thonrdike (Lyle), vue dans Eyes Wide Shut de Kubrick. Bad Things s’apparente du reste à une version féminine dérivée de The Shining, se situant dans une station enneigée et vide. Le film se concentre sur l’une des quatre amies protagonistes, qui a hérité de l'hôtel obsolète et subit la pression de sa petite amie pour le rouvrir. En même temps, sa mystérieuse mère, «invisible», tient à ce que l’établissement soit vendu. Le week-end tourne vite mal lorsque les fantômes du passé refont surface et que l’héritier commence à perdre le contrôle de la situation. Mêlant plusieurs genres, le film s’apparente parfois à un slasher, le classicisme somptueux de The Overlook étant ici remplacé par une ambiance d'hôtel d'aéroport réaliste. "Avec Bad Things, je voulais créer un monde de femmes et de personnes non binaires qui se débarrassent des conditionnements polis et enfin rugissent", a déclaré Stewart Thorndike. «Où sont toutes les femmes de Travis Bickles (Taxi Driver) et Jack Torrance ? Bad Things répond à cela. Au cœur du film se trouve une sombre célébration de la maternité». Produit par Lizzie Shapiro et Lexi Tannenholtz, le film est interprété par Gayle Rankin (Men), Hari Nef (Barbie), Annabelle Dexter-Jones (Holy Motors), Rad Pereira (The Creator), Jared Abrahamson («Les voyageurs du temps») et Molly Ringwald (Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer).
FILMS EN VOD
SWALLOWED ***
USA. 2022. Réal et scén.: Carter Smith. (Shadowz).
Benjamin, un jeune homosexuel, s’apprête à déménager à Los Angeles dans l’espoir de percer dans le milieu du porno gay. Son meilleur ami, Dom, qui souhaite l’aider à gagner de l’argent rapidement avant son départ, entre en contact avec Alice, une mystérieuse amie de sa cousine. Les deux hommes vont ainsi se retrouver impliqués dans le trafic d’une nouvelle drogue faisant de véritables ravages…
Connu notamment pour Les Ruines et Jamie Marks is Dead, deux films fantastiques solides et efficaces, Carter Smith fait avec Swallowed une nouvelle incursion dans le genre et confirme son talent quand il s’agit de verser dans l’horreur. Le film s’ouvre par une scène de danse langoureuse dans une boîte de nuit gay avant que les deux protagonistes principaux ne fassent la connaissance d’Alice, une femme à poigne qui ne plaisante pas avec les affaires. Dès lors, Benjamin et Dom se retrouvent, malgré eux, embarqués dans un périple cauchemardesque qui évoque par moment le cinéma organique et malsain de Cronenberg. Car la drogue que les deux acolytes sont censés acheminer se révèle être un organisme vivant (en l’occurrence des larves). Ce qui donne lieu à quelques séquences particulièrement troublantes et qui rebuteront probablement certains spectateurs, d’autant que le réalisateur instaure une atmosphère particulièrement poisseuse doublée d’une imagerie sexuelle assumée. La mise en scène nerveuse à souhait ajoute, en outre, une tension palpable accentuée par le jeu intense des comédiens. Des comédiens parmi lesquels figurent notamment Mark Patton, connu pour son rôle de James Walsh dans La Revanche de Freddy et l’excellente Jena Malone, vue dans Hunger Games et plus récemment dans Antebellum. S’appuyant sur une dernière partie éprouvante à plus d’un titre, Swallowed est un film d’horreur ouvertement queer qui repousse les limites, quitte à perdre une partie du public en route. Une chose est sûre : ce métrage de Carter Smith ne laisse pas indifférent et a le mérite d’être aussi indépendant que radical.
Erwan BARGAIN
FAMILY DINNER ***
Autriche. 2022. Réal.et Scén.: Peter Hengl. (Shadowz).
Simi, une adolescente déprimée et en surpoids, se rend, durant la semaine de Pâques, chez sa tante, une célèbre nutritionniste auprès de laquelle elle espère avoir de conseils pour régler son problème. Mais le séjour ne va pas se dérouler comme prévu…
Le cinéma autrichien ne se limite pas aux œuvres de Michael Haneke. Preuve en est ce Family Dinner réalisé par Peter Hengl dont c’est le premier long-métrage et qui, en matière d’épouvante, témoigne d’un incontestable talent. Le film s’ouvre ainsi par un plan aérien sur la campagne autrichienne et instaure dès les premiers instants une ambiance glauque et malaisante qui ne fera que se renforcer au fur et à mesure du récit. La mise en scène, réaliste, voire naturaliste, instaure une atmosphère angoissante et le public comprend au bout d’une dizaine de minutes que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille accueillant la jeune héroïne en surpoids. La première demi-heure, volontairement lente, prend le temps d’exposer la situation, les personnalités des différents protagonistes se révélant peu à peu. La tante Claudia est, en ce sens, tyrannique et effrayante et forme, avec son compagnon et son fils, un bien étrange clan. Ce sentiment de malaise est accentué par le fait que l’histoire soit rythmée par les jours de la semaine qui s’affichent à l’écran et qui semblent nous conduire vers un dénouement inéluctable, que certains spectateurs devineront dès la première partie de projection. En outre, le cinéaste, aidé par des comédiens habités, joue sur les silences, oppressants, et nous gratifie de quelques séquences sous tension, à l’image de cette matinée de chasse suivie d’un dépeçage de lapin qui ne laisse pas indifférent. Dans les trente dernières minutes, le métrage prend une tournure clairement horrifique et s’oriente vers le folk horror, sous-genre ô combien passionnant ayant engendré des monuments tels The Wicker Man ou, plus récemment, Midsommar. À l’arrivée, Family Dinner se révèle être une fort agréable surprise, dont on ne peut que conseiller le visionnage.
Erwan BARGAIN