Ils sont venus en paix, ils sont repartis en pièces détachées...
Une belle moisson de séries B et Z pour un Mercredi jubilatoire
FILMS EN VOD
INBRED **
Allemagne/G.B.. 2011. Réal.: Alex Chandon.. (Freaks On)
Quatre adolescents à problème et leurs deux éducateurs se rendent au fin fond de la campagne anglaise pour un projet de rénovation d’un vieux cottage afin de leur redonner le sens des valeurs. Là, ils tombent sur des villageois principalement consanguins qui n’aiment rien tant qu’assister à des spectacles où l’humain est torturé comme au sein d’un cirque malsain…
Avec son prédicat très limité et ses personnages archétypaux (la jeune renfermée, la brute, le pyromane…), Inbred est avant tout un film de festival destiné à être projeté devant un public acquis d’avance et qui ne peut que se réjouir de la qualité des effets gores qui émaillent généreusement ce métrage. En tant que film, il n’a malheureusement pas grand-chose à offrir avec son scénario inspiré de Massacre à la tronçonneuse ou 2000 Maniacs !, en dehors du plaisir de torturer des personnages de façon évocatrice, en mêlant épouvante et humour très noir. Les acteurs cabotinent, l’histoire s’essouffle rapidement, et le nihilisme de l’ensemble a bien du mal à convaincre tant il n’est au service d’aucun commentaire social ou historique.
MADRES ***
USA. 2021. Réal. : Ryan Zaragoza. Scén.: Marcella Ochoa, Mario Miscione. Prod.: John H. Brister. Mus.: Isabelle Engman-Bredvik, Gerardo Garcia Jr. Photo : Felipe Vara de Rey. Mont.: Kristina Hamilton-Grobler. 1h23. Avec : Ariana Guerra, Tenoch Huerta, Elpidia Carrillo, Evelyn Gonzalez, Joseph Garcia, Jennifer Patino. (Amazon)
Dans les années 70, Diana et Beto, jeune couple de latinos, s’installent dans une communauté rurale de Californie, loin de Los Angeles, pour préparer leur vie de parents. Mais bientôt, Diana est victime de cauchemars et de visions inquiétantes d’une femme en robe rouge qui semble la poursuivre. Une autre mère lui parle alors d’une malédiction planant sur le village, tandis qu’une commerçante la presse de se protéger des forces surnaturelles. Pour sa part, Diana pense que le problème vient des pesticides utilisés dans les champs alentour, sans recevoir la moindre écoute de son mari des autres habitants, eux-mêmes agriculteurs.
Inspiré de faits réels, Madres a été écrit par le duo, Marcella Ochoa et Mario Miscione, qui a déjà écrit Décharnés, sorti en vidéo et vod sur Amazon, le résultat ici étant plus convaincant. On suit d’une part l’enquête de Diana envers et contre tous, notamment les intérêts financiers des propriétaires terriens, et les agissements étranges des villageois, le tout étant entrecoupé de quelques séquences d’angoisse autour des apparitions fantomatiques rythmées par les tintements d’une boîte à musique. L’ensemble se suit sans ennui, dans le registre très balisé de l’horreur surnaturelle, joliment mis en image par Ryan Zaragoza dont c’est le prometteur premier long-métrage après quelques courts et épisodes de série télé. La photographie et la musique apportent une réelle qualité "cinéma" à l’ensemble, dans l’esprit des productions de années 70 durant lesquelles se déroule l’intrigue. La vraie force du film tient à son discours politique pointant du doigt le traitement inhumain réservé aux immigrés clandestins aux États-Unis, situation totalement inacceptable et déni de justice flagrant. On en ressort bouleversé, la terreur reposant ici moins sur la présence maléfique que sur les agissements de hommes.
STAY OUT OF THE ATTIC ***
USA. 2020. Réal.: Jerren Lauder. (Shadowz)
D’anciens détenus reconvertis en déménageurs sous la direction du charismatique Albert décrochent un contrat intéressant : vider la vieille maison de Vern Mueller en un temps record. Pour cela, ils sont motivés par une somme quatre fois plus importante que ce qui était entendu à l’origine. Mais ils n’auront qu’une journée pour cela, avec pour seule recommandation de ne pas se rendre dans la cave ni le grenier. À la nuit tombée, cependant, ils tombent sur une bibliothèque pleine de livres relatifs au nazisme, une lettre signée de Josef Mengele et une valise dans laquelle se trouve une boîte contenant une cinquantaine de dents humaines. Ils décident de quitter ce lieu maudit empreint de souvenirs infâmes, mais se retrouvent enfermés et vont devoir affronter le résultat d’immondes expériences scientifiques…
Pour son premier long-métrage, Jerren Lauder s’essaie avec une certaine réussite au genre du body horror, réduisant l’action dans le cercle d’un huis clos étouffant, entre [Rec] et Don’t Breathe, le méchant du film étant aussi vieux que vicieux et profitant de vastes ressources. Lauder s’appuie pour sa part sur un trio attachant, ces anciens repris de justice ne demandant qu’une seconde chance et ne rechignant pas à travailler dur pour se réinsérer. Il peut également sur des effets spéciaux réussis, les créatures étant répugnantes à souhait, malgré un budget que l’on devient très contraint. Le montage et le cadrage parviennent à pallier le manque de moyens, et le thème de l’horreur inspirée par les expérimentations dans les camps fonctionne toujours très bien. Une bande gore qui ne laisse aucun répit à ses personnages, principaux comme secondaires.
LE MANOIR **
(The Manor) USA. 2021. Réal. et scén.: Axelle Carolyn.. (Amazon)
Alors qu’elle vient de fêter son soixante-dixième anniversaire, Judith a un malaise et décide de finir ses jours dans une paisible maison de retraite. Mais sur place, elle commence à penser que des choses étranges se déroulent entre ces murs, voyant notamment apparaître une hideuse créature à la nuit tombée. Plus grave encore, elle est convaincue que le personnel est mêlé à ces activités…
Le vrai plaisir de ce long-métrage d’Axelle Carolyn repose sur la présence à l’écran de la fringante Barbara Hershey qui fait montre d’une belle fougue tout au long du métrage, sans de départir d’une certaine fragilité. En revanche, les défauts sont nombreux, à commencer par une photographie souvent trop sombre qui rend la plupart des apparitions totalement illisibles, et qui manque par ailleurs de relief. Le rythme souffre également d’une langueur excessive que l’atmosphère ne parvient pas à dynamiser. Enfin, l’intrigue, assez vite éventée, correspond plus à un court qu’à un long. Le Manoir ne parviendra pas plus que les autres à convaincre du potentiel des coproductions Blumhouse/Amazon.
BINGO HELL **
USA. 2021. Réal.: Gigi Saul Guerrero. (Netflix)
Le petit quartier d’Oak Spring subit de plein fouet la gentrification : les maisons sont vendues les unes après les autres, et des magasins pour "bobo" remplacent les commerces historiques. Tout cela n’est pas du goût de Lupita, une latino au fort caractère, qui ne veut pas que sa communauté disparaisse au profit des hipsters. Lorsque le bingo qu’elle affecte tant est rachetée par Mr Big et devient un lieu de perdition, c’en est trop, et elle décide de prendre les choses à bras le corps. Mais elle a bien de mal à garder ses troupes, tant l’appât du gain est important. Mr Big veut-il le bonheur de ses concitoyens, ou les corrompre jusqu’au dernier ?
Cette petite fable morale coproduite par Blumhouse et Amazon a un fond amusant et caustique, et des personnages aussi caricaturaux qu’attachants, comme dans un segment de la "Quatrième Dimension", mais son scénario généreux ne parvient pas à cacher ses incohérences et ses approximations. Pour pallier ce gros défaut, Gigi Saul Guerrero fait le choix du Grand-Guignol et des effets gores, mais a bien du mal à justifier la durée du film qui ne sort jamais des sentiers battus.
BRIGHT : SAMURAI SOUL ***
USA/Japon. 2021. Réal.: Kyohei Ishiguro. (Netflix)
Au Japon, au début de l’ère Meiji au XIXe siècle, Izu, un ancien samurai devenu garde dans une maison close fait équipe avec un Orc pour aider une jeune Elfe à retrouver son pays. Ils se retrouvent au centre d’une guerre entre le Bouclier de lumière et les Infernis autour d’une baguette capable, selon qui l’utilise, de faire de la Terre un Paradis ou un Enfer. Seul un Bright peut manipuler la baguette, et ce dernier ne se compte que parmi les rangs des Elfes…
Si le sujet de ce long-métrage d’animation de Kyohei Ishiguro évoque quelque chose, c’est qu’il est librement inspiré d’un autre film Netflix, Bright de David Ayer avec Will Smith et Joel Edgerton. Cependant, contrairement à ce dernier, il propose tout un bestiaire fantastique – Elfes, Nains, Orcs, Goblins, Centaures… –, tirant le meilleur parti de son concept. Il s’appuie également sur une animation très réussie, basée sur une efficace motion capture et des graphismes numériques proches de l’animation traditionnelle. Cela permet des mouvements de caméra audacieux et des séquences d’action pleines de tension. On retrouve en cela l’esprit des films de Ralph Bakshi, comme Tygra la glace et le feu ou son adaptation du Seigneur des Anneaux, et l’éloignant des anime tels qu’on les connait. Avec tous ces atouts, ce "spin-off" du scénario de Max Landis a tout pour être prometteur, malgré un certain manque d’ampleur et de surprises. Si la reconstitution du Japon est réussie, le script suit le schéma classique de la quête d’un objet magique par deux clans opposés représentant le Bien et le Mal, avec un héros usé au centre. Izu a bien de mal à se montrer attachant tant il est monolithique dans son code d’honneur, et sa relation avec l’Orc Raiden passe de la haine à l’amitié sans que l’on ne comprenne réellement le déclencheur de ce changement. Heureusement, la violence des affrontements et la noirceur du récit installent une atmosphère pesante et angoissante pour les héros, notamment la jeune Elfe, la mort rôdant au-dessus d’eux sans jamais savoir quand et sur qui elle s’abattra. Voilà donc un film étonnant par sa genèse, qui parvient à convaincre visuellement.
FOR THE SAKE OF VICIOUS **
USA. 2020. Réal. et scén.: Gabriel Carrer, Reese Eveneshen. (Shadowz)
Rentrant chez elle le soir d’Halloween après une dure journée à l’hôpital, Romina, une infirmière, découvre qu’un psychopathe, Chris, l’attend à son domicile avec le corps du violeur de sa fille. Son but : obtenir des aveux sous la torture, en contraignant Romina de maintenir le coupable en vie. Mais durant la soirée, une bande d’hommes violents et masqués font leur apparition, forçant l’infirmière à devoir se battre pour survivre, modifiant les rapports entre les trois personnages…
Tourné en une quinzaine de jours par les deux réalisateurs, qui collaborent ici pour la première fois derrière la caméra, le film montre vite ses limites budgétaires. Certes, les effets spéciaux plutôt réussis s’avèrent parcimonieux, mais c’est surtout le manque de psychologie des personnages qui crève l’écran : on ne comprend pas réellement les motivations de Romina, et l’on finit par se demander si elle n’appelle pas la police parce que cela aurait entraîné des frais supplémentaires. Pour le reste, le contrat est rempli : violent et sans concession, For the Sake of Vicious est un film dur et âpre qui veut faire mal et y parvient efficacement.
Yann LEBECQUE