Godzilla vs Cthulhu: le combat rêvé ?
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GODZILLA SUR ÉCRAN LARGE
Cela va faire bien 60 ans qu’est né celui qu’on appelle communément “le roi des monstres », autrement dit Godzilla qu’on préférera orthographier Gojira en v. o. D’où, pour célébrer cet anniversaire un peu en avance, le majestueux album Godzilla, la grande histoire du roi des monstres, où Graham Skipper retrace l’intégralité des films le concernant entre 1954 et 2023, format 28 x 23, 256 pages et plus de 350 illustrations, pour la plus grande partie pleine page, voire double page, dont la plupart inédites en France car issues des fonds de la Toho qui, pour la première fois, ont ouvert leurs archives spécialement pour la version originale de ce livre. Défilent ainsi devant nos yeux, en gros plans, noir et blanc ou couleur et d’une définition impeccable, « The King » sous toutes ses coutures, et la totalité des innombrables créatures qui lui ont été opposées, de la plus terrifiante comme Biollante, création génétique qui remplace le péril atomique, à la plus ridicule, ainsi de King Caesar, cette sorte de caniche géant apparu dans Godzilla vs. Mechagodzilla. L’album se subdivise en quatre grandes périodes, de la première et plus faste, dite Shôwa, qui regroupe 16 films produits entre 1954 et 1975, la période Heisi, qui voit la résurrection de la Bête absente des écrans pendant dix ans (1984-1995) et voit un recentrage vers des productions plus adultes, l’époque Millenium (2000 – 2004) qui se clôt avec Godzilla : Final War, enfin l’époque Reiwa avec une ultime diversification, notamment trois longs métrages d’animation. L’album ne néglige pas, même si c’est plus brièvement, les Godzilla américains, pas plus que les comics, mangas et jeux vidéo. Si l’ensemble est d’abord une fête pour yeux éblouis, on y glane aussi nombre d’informations qui pourront surprendre, comme l’existence d’une version italienne du métrage de Hondâ, colorisée et due à Luigi Cozzi, surnommée
Cozzilla ! Au total un monument à garder précieusement dans sa bibliothèque, tout en n’oubliant pas notre Hors série de mai 2019.
Profitons-en pour signaler, chez le même éditeur, La Famille Addams – les Origines, réédition d’un album de qui, sur 225, réunit plus de 200 illustrations de Chas Addams illustrant sa célèbre famille. Savoureux ! (Huginn & Muninn).
LE SPACE OPERA EN GRANDE FORME
Emblématique de l’univers de la SF, le space opera ne risque pas de sitôt quitter son champ invasif, puisqu’il a pour lui l’infinité de l’espace et du temps pour se déployer. Deux albums en donnent aujourd’hui des exemples aussi originaux que frappants. Comme sur la planète Kepler-452, en phase exploratoire, où les colonisateurs terriens se heurtent à un mur obscur qui semble avaler tout humain, toute machine cherchant à le franchir. Dernier espoir, un groupe de durs de durs sortis de prison, dont la vie est sacrifiable a merci. Avec le premier tome (sur trois) de Noir Horizon (Sitra Ahara), le scénariste Philippe Pelaez et le graphiste Benjamin Blasco-Martinez, au réalisme 3D impressionnant, nous posent la question: qu’est-ce qui va se passer après ! À suivre, donc (Glénat). Les quelques 300 000 personnes qui, aspirés par un orage temporel à diverses époques de la Terre pour se retrouver sur un monde désertique ne savent pas, eux, ce qu’ils y font et qui ou quoi les y a projetés. Tous se sont donc regroupés en factions souvent antagonistes, ainsi du groupe commandé par Goémond, un chevalier venu du 14è siècle, et survivant grâce à la nourriture piochée dans la cargaison d’un porte-containers qui lui aussi a traversé l’espace et le temps pour se ficher au sommet d’une crête. Car ce ne sont pas seulement les être humains qui sont l’objet de ce voyage forcé, mais aussi objets et machines, ce qui nous est montré dans les dernières pages de Bomb X, où c’est tout un quartier, avec immeubles et véhicules qui s’abat sur la plaine après avoir traversé une porte inter-dimensionnelle brusquement ouverte. Beaucoup de mystères irrésolus dans ce premier tome écrit par Vincent Brugeas et que le duo Ronan Toulhoat et Brice cossu dessine avec une grande finesse, porté par les couleurs délicates de Yoann Guillo. Une fois encore : à suivre ! (Comix Buro).
NOUVEAU COUP D’ŒIL SUR L’ANIME JAPONAISE
Les ouvrages sur l’anime japonaise ne manquent pas – citons, chez le même éditeur, Un siècle d’animation japonaise, ou Cent séries d’animation japonaise – mais le présent Anime, guide de l’animation japonaise, 1958 – 1969 a ceci de particulier qu’il est une traduction de l’italien, son auteur, Andrea Baricordi, traducteur, journaliste et scénariste, l’ayant originellement publié en 1990. Qui alors daterait ? Aucunement car, comme le précise Baricordi dans une préface destinée à cette réédition, il a été « entièrement réécrit et abondamment complété par l’ajout de courts métrages, pilotes, projets laissés dans des cartons, synopsis détaillés », etc., sans parler des très nombreux inédits n’étant jamais parvenu en Europe. Nous avons donc, sur 270 pages serrées, chacune illustrée par ce qu’on va appeler des timbres-poste, une recension la plus complète possible de cette décennie cruciale, entre le premier long de 58 que fut Le Serpent blanc jusqu’au Lupin the Third de Masaaki Osumi qui couronne l’année 69. Précision d’importance, l’ouvrage « n’a pas pour but de compartimenter l’animation japonaise comme si elle s’était développée séparément du reste du monde (…) mais comment l’Occident a influencé et inspiré le pays du Soleil-Levant, puis comment le Japon a pu lui rendre la pareille ». Un panorama global donc, qui certes s’arrête un peu loin dans le passé, mais laisse attendre une suite aussi documentée (Ynnis).
UNE CHATTE DANS L’ESPACE
Sait-on qui est Félicette ? La première, et la seule chatte envoyée par la France en orbite autour de la Terre le 18 octobre 1963, à en être revenue. Pour être étudiée, puis anesthésiée, selon le précepte bien connu que science sans conscience, etc. C’est pour remettre en mémoire ce triste événements, dont on célèbre cette année le soixantième anniversaire, que Yann Quéro a réuni une douzaine d’illustrateurs et autant d’auteurs pour l’anthologie Les Chats et l’espace, où l’on trouve parmi les premiers Caza et son élégance habituel, mais aussi Wojtek Siudmak, qu’on ne voyait guère depuis quelques temps, sans oublier, datant de l’époque, gravure et timbres. Concernant les textes, on pourra écrire « Chats… volent » comme l’illustre Jean-Pierre Fontana en inversant les rôles, avec son chat galactique se crashant sur Terre, Pierre Gévard qui les voit sur Mars, ou Arnaud Pontier qui, avec L’Homme de Schrödinger se sert astucieusement du paradoxe quantique bien connu. Tristesse, plaisir et nostalgie, pour un ensemble qui n’est pas réservé qu’aux amis des chats. Mais en existe-il qui n’en soient pas ? (Arkuiris).
Profitons-en pour signaler la publication, sous le titre Les Chats de Bukovski , de divers textes – poèmes, notes, extraits de son journal intime, très courtes nouvelles – de la plume de Charles Bukowski, dont on découvrira sans surprise qu’il ne pouvait vivre, ni écrire, sans un chat sur ses genoux. Un délicat plaisir (Au Diable Vauvert).
Jean-Pierre Andrevon
À LA POINTE DU ROMAN POPULAIRE AMÉRICAIN
Quelque part entre Les Mystères de Paris, un Dickens mâtiné de Sweeney Todd et Gangs of New York de Scorsese, Les Aiguilles d’or ont de quoi emballer l’amateur de romanesque populaire au sens noble du terme. Nouvel opus de Michael McDowell après sa fantastique hexalogie sudiste « Blackwater » fortement teintée de surnaturel sortie l’an passé, ces Aiguilles d’Or versent plutôt dans la veine feuilletonesque d’Eugène Sue, en emportant le lecteur dans un tourbillon de rebondissements, ciselés par un orfèvre en la matière. Dans ce quasi huis-clos urbain, puisque l’action se déroule dans un périmètre new-yorkais restreint partant des beaux quartiers de Manhattan pour mieux aller nous perdre dans ceux miséreux où grouille toute une faune interlope magnifiquement décrite par l’auteur, on ne se lasse pas de passer des ors de la famille Stallworth à l'antre des Shanks, gynécée de malfaitrices à la tête d'une coquette petite fortune bien mal acquise.
Au vent mauvais des quatre saisons de l’année 1882, les Stallworth qui prospéraient jusque-là sous la férule tutélaire du terrible juge et patriarche républicain trônant au sommet de cette famille assoiffée de pouvoir se retrouvent soudain confrontés à la vendetta implacable de Lena Shanks, une matriarche receleuse ayant eu maille à partir avec le fameux juge, qu’un destin facétieux replace sur la route de cette criminelle hors pair. Bien décidée à appliquer à ce dernier la loi du talion dans toute son acception tragique, Lena Shanks ourdit alors un complot digne d’une Némésis implacable en intriguant contre toute la parentèle du juge, telle une veuve noire tissant sa toile inextricable depuis son antre des bas-fonds de la ville.
Avec un sens du détail restituant parfaitement non seulement l’esprit du temps mais également les couleurs et les odeurs des deux microcosmes dont il se fait l’entomologiste éclairé, le romancier fait montre d’une dextérité narrative époustouflante à laquelle l’éditeur rend grâce en nous livrant ces 520 pages de pur bonheur romanesque sertis dans un véritable petit bijou de volume. Rude et rudement bien troussé, d’une rare justesse de vue sur l’âme humaine, le roman en dit long sur les rivalités de castes d’une société bâtie sur le culte du dollar roi, se dévorant avec un plaisir croissant quand s’abattent avanies et plaies diverses sur le dos des protagonistes de cette saga. Bref, c’est la lutte des classes et des crasses à la mode américaine, illustrée par l’exemple le plus dantesque qui soit (Monsieur Toussaint Louverture).
Sébastien Socias