"Freaks Out", le film psychotronique à la sauce italienne
"Spy Kids" revient sur Netflix pour le meilleur et le meilleur
FILMS SORTIS
FREAKS OUT ****
Avide de projets hybrides, mélangeant des évènements réels avec des éléments fantastiques, Gabriele Mainetti frappe fort avec Freaks Out, film aux multiples références qui va autant piocher dans le cinéma d’Alex de la Iglesia pour le côté extravaguant des personnages au look BD que dans celui de Guillermo Del Toro lorsqu’il s’agit de traiter la bestialité humaine, qui n’est pas toujours là où elle semble se dissimuler. Bien au contraire… Pour autant, l’artiste italien insuffle une véritable personnalité à son projet dont l’action se déroule majoritairement près de Rome en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale, à un moment où les alliés prennent le dessus sur l’armée d’Hitler… Un contexte où un pianiste nazi capable de voir le futur pour apprendre la mélodie de Creep de Radiohead ou découvrir le suicide du Führer, décide de s’entourer de quatre super-héros afin d’éviter sa chute … Seul problème pour cet effroyable circassien en manque de reconnaissance, magistralement interprété par l’Allemand Franz Rogowski : jeter son dévolu sur un quatuor de saltimbanques considérés comme des phénomènes de foire. Heureusement ces derniers vont utiliser leurs pouvoirs pour rétablir la paix.
Entre l’homme poilu qui pourrait être le cousin de Chewbacca, un clown capable de devenir véritable aimant, un troubadour maitre des insectes et une jeune femme électrique (au sens propre) marquée par un lourd secret, ces X-Men inattendus ne manquent pas d’arguments. Riche en séquences d’action, pétaradant à souhait, Freaks Out se démarque des modèles américains par sa photo volontairement poussiéreuse, limite terreuse, qui propulse directement le spectateur au cœur du conflit. La proposition s’intéresse également à la vie de bohème et n’oublie pas d’illustrer l’horreur de cette période, avec par exemple une scène de rafle très émouvante. La rébellion italienne est quant à elle représentée par un groupuscule mené par un bossu fermement décidé à abattre l’ennemi teuton. En dépit de certaines petites longueurs, lorsque ces quatre fantastiques se retrouvent mis en cage dans le chapiteau germanique, toutes les idées s’imbriquent les uns aux autres dans une mise en scène baroque qui a le bon goût de ne jamais tomber dans la surenchère. Bien au contraire, le cinéaste repéré avec On l’appelle Jeeg Robot s’intéresse à ces hommes et femmes brisés et rappelle constamment que les artistes ont le pouvoir de sauver le monde. Une once de poésie dans un monde de brutes.
Cédric COPPOLA
INEXORABLE ****
France. 2022. Réal.: Fabrice Du Welz
Marcel Bellmer, un écrivain célèbre, s’installe avec sa femme et sa fille dans une grande maison reculée. Même s’il semble en panne d’inspiration, la vie de la petite famille semble plus belle que tout. Un peu par hasard, une jeune femme, Gloria, la vingtaine, va s’immiscer dans ce trio où elle n’a pourtant pas sa place. Fan de l’écrivain et de son chef-d’œuvre, Inexorable, un jeu de séduction et de manipulation commence à se jouer entre eux.
Les fans de Fabrice Du Welz le savent, les œuvres les plus dérangeantes se cachent derrière les pitchs les plus simples et les personnages les plus ambivalents, derrière le prénom, comme ici Gloria. Le style de l’auteur est tout de suite reconnaissable : pellicule granuleuse (super 16mm) qui donne un aspect rétro au métrage, secrets enfouis, campagne reculée, les adeptes de son cinéma sont certes en terrain connu mais, une fois de plus, c’est incontestablement réussi. À mesure que Gloria, formidablement interprétée par Alba Gaïa Bellugi, prend une place de plus en plus grande dans cette famille, le malaise gagne le spectateur, qui sait qu’aucun happy -end ne peut en sortir. De plus, peut-on parler de révélation quand il s’agit d’un acteur avec une carrière aussi florissante que Benoît Poelvoorde ? Le contre-emploi est tellement inédit qu’on croirait découvrir le comédien pour la première fois. Il prouve en tout cas qu’il est nécessaire de lui accorder davantage de rôles dramatiques.
Fabrice Du Welz a un incontestable talent pour filmer les marginaux, les personnes étranges. Surtout, il sait parfaitement instiller le malaise par petites touches, juste ce qu’il faut pour instaurer une inquiétante étrangeté dans son cadre, et la faire grandir à mesure que le film avance, pour arriver vers une horreur plus frontale. Après des errements en France (Colt 45) et aux États-Unis (Message from the King), il est bon de retrouver Fabrice Du Welz sur ses terres, où il ne cesse de creuser ses thématiques de cœur, avec Adoration dans un premier temps, puis avec cet Inexorable.
Nathanaël BENTURA
ABUELA ****
(La Abuela). Espagne. 2022. Réal.: Paco Plaza.
Mannequin à Paris, Susanna est appelée d’urgence pour rentrer à Madrid s’occuper de sa grand-mère Pilar, victime d’un accident. De retour dans le vieil appartement où elle a grandi, Susanna est en proie à des forces obscurs entremêlant souvenirs troubles et le comportement inquiétant de sa grand-mère…
Cette nouvelle œuvre de Paco Plaza démarre lentement et fait, durant toute la première partie du long-métrage, abstraction de l’épouvante. Ce choix d’installer le cadre de son histoire avec sérénité détourne Abuela du genre horrifique, le faisant bien plus ressembler à un véritable drame humain. Inspiré par la maladie de sa tante, le metteur en scène témoigne notamment de cette difficulté à ne plus reconnaître le parent que l’on a en face de soi, ce sentiment d’être devenu un étranger pour quelqu’un qui était proche. Le film ne se prive pas de nous montrer intégralement les soins apportés par Susanna, que ce soit le repas, le coucher, ou notamment cette scène de douche qui expose avec pudeur et insistance le corps vieilli de la grand-mère, posant cette question essentielle au spectateur : pourquoi est-il embarrassant d’être confronté à la réalité de la dégradation due à la vieillesse ? Il suffit cependant au réalisateur de montrer le regard trouble que jette Pilar à sa petite-fille depuis sa fenêtre pour que le spectateur soit envahi par la terreur et qu’il comprenne, en même temps que Susanna, qu’un complot se trame. Pourtant, la plus grande partie du long-métrage joue sur un sentiment d’ambigüité. Y a-t-il réellement une menace ou le protagoniste est-il sujet à des accès de paranoïa ? C’est passé cette incertitude que Abuela plonge dans l’horreur avec une grande subtilité. Pas de jumpscare intempestif ou de révélation tonitruante (et forcément décevante), la mise en scène très mature du réalisateur faisant la part belle aux zones d’ombres, aux jeux de lumières, à l’imperceptible. Tout comme Rec auparavant, c’est dans ce foyer perverti que se déchaîne l’épouvante dans sa forme la plus pure, en ce sens que le film se défait de toute justification pour construire sa terrifiante atmosphère. C’est peut-être en retournant dans les fondements de son genre de prédilection que Paco Plaza signe son œuvre la plus aboutie, faire peur est avant tout un choix, celui de ne pas tout montrer.
Théodore ANGLIO-LONGRE
À SORTIR EN SALLES
OGRE ****
France. 2022. Réal.: Arnaud Malherbe.
SORTIE : 20 avril 2022
Chloé et Jules, son jeune fils malentendant âgé de huit ans, arrivent dans un petit village moribond du Morvan dans l'espoir de changer de vie. Fuyant un passé compliqué, la jeune maman et nouvelle institutrice de l'école se rapproche peu à peu des villageois aussi avenants que mystérieux tandis que Jules, renfermé et rêveur, sent la présence toute proche dans les bois environnants d'une créature qui semble l'observer avec insistance…
Dans cette toute première réalisation cinéma, Arnaud Malherbe conjure tous les artifices du conte populaire et d'un fantastique des grandes heures. Épousant majoritairement le point de vue d'un enfant en proie à une angoisse constante et victime d'un passé pénible que l'on devine par bribes discrètes (la désactivation nerveuse de son appareil auditif, le regard trop appuyé d'un adulte…), Ogre valide un exercice de style très complexe en dansant sans cesse sur le fil de l'absolue incertitude, apanage d'un fantastique maîtrisé. Grâce à son cadre rural et intime, le récit épouse un propos extrêmement moderne sur l'isolement des campagnes françaises, permettant peu à peu à d'anciennes traditions et superstitions de reprendre leurs droits sur l'imaginaire collectif, illustré ici par des vues saisissantes des vastes forêts encerclant les personnages – les plans nocturnes où Ana Girardot contemple le vide menaçant de la nuit depuis le porche de sa maison soulignant le malaise de la jeune mère face à l'inconnu. De même manière, cette fête de village typique où des jeunes se maquillent et se comportant comme une meute de loups avec Jules, l'avorton de la portée, personnage-pivot dont la jeunesse et les troubles, nous font douter du bien fondé de ce qu'il voit – ou croit voir. L'enfant disparu a-t-il été dévoré par un chien, ou bien un ogre ? Les étranges chasseurs traquent-ils un tueur, ou un monstre de conte ? Le médecin du village séduisant la mère de Jules est-il le gendre idéal ou une créature malveillante ? Si on décèle du Stephen King dans Ogre, voire du Guillermo Del Toro (on pense immanquablement au Labyrinthe de Pan), Arnaud Malherbe livre ici une proposition de fantastique français comme notre cinéma hexagonal en a grand besoin.
ARNOLD PETIT
NEWS
ESPIONNAGE JUVÉNILE
La franchise Spy Kids reprendra sur Netflix, toujours sous la houlette de Robert Rodriguez.
Netflix et Skydance ont conclu un accord pour une réinvention de la franchise Spy Kids du cinéaste Robert Rodriguez (Alita : Battle Angel) qui avait créé celle-ci et dirigé tous les épisodes. Ce dernier rempilera pour écrire et diriger le projet qui présentera au monde une nouvelle famille d’espions, et marquera son deuxième film familial pour Netflix après We Can Be Heroes de 2020. Antonio Banderas, Carla Gugino, Alan Cumming, Cheech Marin, Danny Trejo, Tony Shalhoub, Alexa Vega, Daryl Sabara, Emily Osment et Matt O’Leary avaient tous joué dans les originaux qui ont collectivement rapporté plus de 550 millions de dollars dans le monde. David Ellison, Dana Goldberg, Don Granger, Elizabeth Avellan et Racer Max produiront avec le propriétaire de la franchise Spyglass Media. Autres projets en cours de Robert Rodriguez : le thriller d’action Hypnotic, avec Ben Affleck et Alice Braga, ainsi qu’une adaptation en série contemporaine de Zorro.
SÉRIES TV
OH BRAVO !
NBC donne son feu vert à une nouvelle version de Code Quantum
En ces temps de remake et survival, NBC a annoncé le reboot de la série culte Quantum Leap (1989 – 1993), Code Quantum en France, créée par Donald P. Bellisario. L’histoire suivait le scientifique, Sam Beckett, campé par un charismatique Scott Bakula, qui voyageait dans le temps et sautait de corps en corps afin de réparer des erreurs du passé. Il était aidé par son ami, et hologramme, Al, incarné par Dean Stockwell, mort récemment, en novembre dernier. Raymond Lee (Here ans Now) vient d’être choisi pour tenir le rôle principal. Son personnage est décrit comme un scientifique et un homme de foi, un physicien de renommée mondiale qui travaille sur un projet de voyage dans le temps. L’action se déroule 30 ans après les événements originaux. L’écriture a été confiée à Steven Lilien et Bryan Wynbrandt (La Brea), qui sont aussi producteurs délégués, avec Martin Gero (Blindspot) et Donald Belissario. Scott Bakula était en pourparlers avec NBC mais il n’est pas lié au projet pour l’instant.
Élisabeth CAMPOS