Faire le tour du monde en cinéma
Des livres qui émerveillent, des BD qui épatent, encore un weekend fantastique
OÙ TOURNE-T-ON ?
Tout cinéphile s’est posé un jour ce genre de question : Le désert de la planète Tatooine de Star Wars n’est-il qu’un décor de studio ? Nosferatu a-t-il été tourné en Transylvanie ? Et la zone interdite de Stalker ? Quant à la maison de James Mason dans La mort aux trousses, est-elle bien réelle ? Réponses dans l’énorme et magnifique Atlas du cinéma, qui nous fait visiter les lieux de tournage de pas moins de 360 films tous genres confondus, chacun traité en deux ou trois pages évidemment très richement illustrées qui nous font revivre nos séquences préférées, en passant dans l’arrière du décor. Et ceci en 544 pages, où Arnaud Devillard et Olivier Bousquet ont patiemment recherché les traces de tous ces tournages, en n’oubliant pas quelques arrêts dans les principaux Studios, de Cinecitta à Boulogne, ni dans certains lieux emblématiques, comme le Monument Valley cher à John Ford, ou la statue de la Liberté mise, si l’on peut dire, à toutes les sauces, d’Independence Day à Cloverfield ou Le jour d’après. Et quant à celle que découvre Charlton Heston au bord de la plage de La Planète des singes ? Il ne s’agit que d’une peinture sur verre… D’ores et déjà un must, et de poids ! (Epa).
DES BD AU SOMMET
Féroce (tome 1 : TaÏga de sang) de Gregorio Mucho Harriet & Alex Macho se déroule sur le territoire du kraï du Primorié, en Extrême-Orient russe, tout près des frontières avec la Chine et la Corée du nord, un exploitant peu scrupuleux abat des arbres protégés pour les revendre à la Chine. Mais une équipe journalistes, venu en réalité étudier le rare tigre de Sibérie, a vent de l’affaire. Ce qui fait que le patron des coupeurs de bois décide d’avoir leur peau. Quant au tigre, après avoir été grièvement blessé par un chasseur, il devient l’amba, ou esprit de la forêt, désormais acharné à traquer ces humains dévastant son territoire… Rares sont les BD explorant les étendues glacées de la Sibérie, aussi la surprise est-elle d’autant plus grande à la lecture d’un album excellent, dû à deux Espagnols, et qui rappelle les romans de Jack London ou de James Oliver Curwood de jadis. Avec un scénario bien entendu adapté à l’époque contemporaine, donc très écologique (nous rappelant notamment que la déforestation sibérienne est trois fois plus importante que celle en cours en Amazonie) et un dessin aussi précis qu’évocateur, soutenu par les couleurs sobres de Garkuk Aguirre) où l’on sent littéralement le froid nous pénétrer lors des errances à pied ou en motoneige dans la forêt figée sous la glace. Un premier tome qui fait désirer impatiemment le second et dernier.
Excellente initiative que d’adapter les grands classiques de la SF en BD. C’est le cas de La Geste des Prince Démons (Glénat) du grand Jack Vance. On en connait l’argument : le prince Kirth Gersen, âgé de neuf ans, a vu assassiner ses parents par les cinq Princes-démons. Il n’aura de cesse de se venger, après avoir formé son corps et son esprit à la lutte. Adulte, il peut enfin se lancer à la poursuite des meurtriers, à commencer par Attel Malagate, dit « Le Monstre ». Après un premier album, voici le second, Malagate le Monstre, toujours aux mains du scénariste Jean-David Morvan et du graphiste italien Paolo Traisci, avec des couleurs de Fabio Marinaci. Alors que le grand écran est colonisé par le Dune de Denise Villeneuve et que le petit vient d’accueillir la série Fondation d’après Isaac Asimov, ce nouveau « galactique-opera » ne peut que nous réjouir.
Ces deux albums chez Glénat, dont la galerie, toujours en pointe, prépare une exposition des planches d’Olivier Ledroit, consacrée à sa nouvelle série Le Troisième Œil et qui tiendra ses assises du 20 octobre au 13 novembre. Une soixantaine de planches et illustrations en couleurs directes seront présentées, qui nous plongent dans un décor urbain, celui d’un Paris où se déroule l’action d’un thriller fantastique, Olivier Ledroit revisitant ici librement les lieux emblématiques de la Ville Lumière – Notre-Dame, Louvre, Arc de Triomphe, Tour Eiffel, place de la Concorde, métro… qu’un apprenti vitrailliste se livrant à une expérience psychédélique qui modifie son état de conscience et lui ouvre les portes d'une perception surnaturelle parcourt sans relâche.
Rappelons qu’ Olivier Ledroit, après une carrière d’illustrateur, rencontre le scénariste Froideval avec qui il s’associe pour se lancer dans la BD avec les Chroniques de la Lune noire. Suivent les deux tomes du polar fantastique Xoco, avec Thomas Mosdi, la série de dark fantasy Requiem, chevalier vampire, sur un scénario de Pat Mills puis une nouvelle série mêlant contes de fées et univers steampunk sur le premier scénario de Thomas Day en bande dessinée : Wika. Ledroit travaille chacune de ses planches directement en couleur, jouant avec les effets de matières et les volumes. Le vernissage aura lieu à la galerie Glénat, 22, rue de Picardie, 75003 Paris, mercredi 20 octobre à partir de 19h, en présence de l’artiste.
BD TOUJOURS CHEZ D’AUTRES ÉDITEURS
Electroboy (tome 2) de Jaouen Salaün : En 2122, sur une Terre dévastée par la sècheresse, une communauté́, réunie dans une enclave, tente de survivre sous la protection d’un bouclier magnétique. Car depuis l’espace, une entité́ supérieure, à la tète d’une armée d’intelligences artificielles tueuses, œuvre à la destruction de l’humanité́. Dans l’enclave, la population vit sous le joug d’une caste dominante. Joshua, un ado en plein questionnement sur son identité́, est harcelé́ par le petit-fils du chef. Un jour arrive un prédicateur ; il parle de « l’homme sans visage », celui qui délivrera les hommes des attaques des IA. S’agit-il de Joshua ?
Après une introduction énigmatique dans le tome 1, Jaouen Salaün apporte, dans ce deuxième épisode d’Elecboy, les premiers éléments de réponse aux nombreuses questions restées en suspens. Le rôle central de Joshua se confirme, les révélations s’enchainent, suscitant aussitôt de nouvelles interrogations, Le dessin ultra-royaliste nous plonge au cœur de ce monde futuriste et pourtant familier, la mise en couleurs, participant pleinement au réalisme de la série. Jaouen Salaün, né en 1979, publie son premier album en 2007, Nova (scenario de Julien Blondel. Puis il s’associe à Christophe Bec pour réaliser un spin-off de Carthago Adventures et une trilogie de science-fiction, Eternum . Electroboy est sa première série solo (Dargaud).
UN PEU DE LECTURE !
Les histoires extraordinaires d’Emy Ltr, signé… Emy Leterre, de son vrai nom Emy Letertre, autrice, comédienne et réalisatrice de courts-métrages, est un recueil de 15 contes abordant le deuil, la solitude, l’abandon, la maladie, l’amour, abordés sous des angles fantasmagoriques : une poupée cassée, une femme-arbre et des elfes de nuit, un serrurier aux pouvoirs particuliers, une guerrière se battant pour l’esprit de son père, tels sont quelques-uns des thèmes abordés par ce livre envoûtant (Flammarion).
Alors que le cyberpunk est plus que jamais d’actualité, le plus célèbre de ses créateurs, William Gibson, auteur du fameux Neuromancien, l’est aussi. D’où la réédition, mais dans une traduction revue et corrigée, donc plus fidèle à l’originale, de Comte Zéro, son second roman et la suite du précédent, où Bobby, jeune et intrépide hacker new-yorkais qui se fait appeler Comte Zéro, se voit coincé dans le système qu’il était en train de pirater et risque de le tuer.
Ce roman étant publié au Diable Vauvert, c’est l’occasion de citer une autre réédition, celle de La Cité des Saints et des Fous, signé du multiprimé Jeff Vandermeer : Ambregis est une métropole refuge pour les peintres, les compositeurs, mais aussi les voleurs et les meurtriers. Peuplé d’écrivains fous, le calmars géants intelligents, d’étranges créatures semblables à des champignons, voilà un univers grotesque, tragique et parfois déchirant, épluché au plusieurs nouvelles entre l’horreur et la poésie.
DU CÔTÉ DES COMICS
Judge Dredd Tome 6
Scénario : Duane Swierczynski
dessins : Nelson Daniel et Steve Scott
Le Juge Psi Anderson revient d'entre les morts (en quelque sorte) alors que le juge Dredd continue son combat dans le secteur un afin de sauver le chef Justice et le conseil des cinq. Sixième et avant dernier tome de la série (sans oublier les hors-séries), avec le même duo aux manettes, Nelson Daniel et Duane Swierczynski, ausuel vient s'ajouter le talent de Steve Scott, qui continue de nous surprendre. L'histoire continue de se mettre en place en utilisant de nombreux éléments évoqués dans les tomes précédents, nous ballotant de surprise en surprise ! 104 pages comme on les aime ! (Reflexion).
JEAN BOULLET S’EXPOSE
À l'occasion du centenaire de la naissance de Jean Boullet (1921-1970), Nicole Canet présentera, du mercredi 13 octobre au samedi 27 novembre 2021, une exposition-vente dans la galerie Au Bonheur du Jour, 1 rue Chabanais, 75002 Paris [01 42 96 58 64] du mardi au samedi, 14h30-19h00.
Peintures, livres, dessins 1941-1960
"Eros, Songe et Enfer"
Une soixantaine de nouveaux dessins seront proposés
"Le songe d'une nuit d'été", 1943
"La divine comédie", 1946
Ainsi que du Varia : dessins de garçons, marins, tatoués, voyous et autres.
Photos de cinéma fantastique, thème que collectionnait Jean Boullet.
Vernissage le mardi 12 octobre, de 17h00 à 22h00.
Pour ceux que ne le connaissent pas, rappelons que Jean Boullet s’était fait connaître comme dessinateur et illustrateur dans le Saint-Germain-des-Prés de l'immédiate après-guerre, qu’il fut aussi un critique de cinéma vénérant les films fantastiques et d’épouvante, ayant créé un ciné-club privé dans sa maison de la rue Bobillot : la Société des Amis de Bram Stoker. Il sera aussi avec Michel Caen et Alain Le Bris (rejoints par Jean-Claude Romer) le cofondateur de la revue de cinéma Midi Minuit Fantastique (1962-1971). Libertaire, anticlérical, Boullet se passionnait aussi pour la sexologie, l’illusionnisme, la magie, la démonologie, la mythologie populaire. En décembre 1965, il ouvre au 79 rue du Château une librairie, Le Kiosque, spécialisée dans ces thèmes et dans la bande dessinée de collection. Il disparait tragiquement pendant l’été 1970 au cours d’un voyage à Tébessa, au sud de Constantine.
Jean-Pierre Andrevon