Enki Bilal expose tous nos futurs
Léo, Rodolphe et Janjetov nous emmènent sur la planète des glaces
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BILAL À COMPIÈGNE
L'espace Jean Legendre de Compiègne nous fait découvrir l'univers de l'auteur culte de BD Enki Bilal. Près de 45 peintures et estampes originales y sont exposées jusqu'au 13 avril 2023. L'exposition montre des personnages intenses et fragiles qui nous effraient et fascinent à la fois. "Il y a des œuvres qui se font retirer de ses bandes dessinées car elles peuvent être assez violentes sur certains aspects. Et puis à côté il y a des visages beaucoup plus doux et tendres, qui sont aussi un reflet de l'humanité", détaille Eric Rouchaud, directeur de l'espace Jean Legendre qui ajoute : « Enki Bilal c'est un auteur, un peintre, un artiste multiple, c'est ce touche-à-tout qui m'intéresse. Son univers nous met en garde face à l'avenir, c'est un artiste qui nous alerte".
Enki Bilal s'amuse à mélanger passé, présent et futur. Il explore les enjeux qui se posent à l'Homme, la chute du communisme, les attentats, le changement climatique. Le dessinateur nourrit son art dans l'actualité et se projette dans le futur pour confronter l'Homme à ses excès ou à ses limites.
Enki Bilal
"On sacrifie nos mémoires vivantes pour de la mémoire vive", précise Bilal qui approfondit souvent la question des nouvelles technologies dans ses œuvres. Il jette des ponts vers un futur qui parfois s'accomplit selon Eric Rouchaud : "Notre époque, avec la révolution numérique, nous dépasse et nous transforme dans nos rapports aux autres. L'un des éléments, le téléphone qui est presque greffé à notre main désormais, c'est quelque chose qu'il avait anticipé bien avant la réalité."
Enki Bilal a également conçu les décors et costumes de la pièce de théâtre Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès. Le spectacle sera joué à la mi-avril à l’Espace Jean Legendre.
Plus d'informations sur le site de l'espace Jean Legendre.
DES NOUVELLES DE L’OURS
Décidément c'est la joie chez Ours éditions, l’imputrescible maison qui ne connait pas l’hibernation ! qui nous écrit : « Nous avons commencé en février avec une dystopie de Claude Ecken, nous continuons en mars avec la fin du monde selon Jean-Pierre Andrevon en attendant, en mars, le post-apo de Madame Wintrebert. Pour l'instant tout va bien.. »
La fin du monde : quatrième acte.
Il fait chaud ! Il fait froid ! Trop d’eau ! Pas assez de flotte !
On n’est jamais content mais si, en plus, c’est la fin du monde, ça va râler dans les chaumières. Celles qui restent.
Abonnements, achat :
ours.editions@protonmail.com
LA FIN DU MONDE, ENCORE ET TOUJOURS
Il y en a qui éludent, pensant « Ça n’arrivera pas ». Et d’autres qui s’y préparent. De quoi s’agit-il ? Sinon de la fin du monde, au moins de l’effondrement de notre civilisation, ce qu’un Pablo Servigne, qui a théorisé le phénomène, appelle la collapsologie. C’est le cas de Salvatore, qui d’avance s’est réfugié dans une ferme isolé du massif vosgien, survivant en cultivant ses fruits et légumes et en chassant. Parce que… « Combien de temps l’eau potable avait-elle continué de couler aux robinets des villes sans électricité ? Quelques heures. Et les réseaux de téléphone fixe et mobile ? Pas mieux. Que s’était-il passé suite à un an sans ravitaillement en nourriture et en médicaments ? Je n’avais pas été là pour le voir ». Le Suisse Antoine Jaquier, avec Tous les arbres au-dessous, brode sur ce thème qu’on risque de voir proliférer, si ce n’est déjà fait, avec un parfait sens du réalisme servi par un style sobre et parfois poétique, dans un roman qui peut faire penser aux (très) vieux lecteurs au magnifique album de Jacques Massacrier Savoir revivre qui, en 1973, donnait déjà toutes les recettes pour subsister en autarcie. Dommage alors que, pour faire mode, Jaquier s’obstine à utiliser le “iel” pour désigner une rencontre d’un genre incertain et que, dans la dernière partie de son ouvrage, il use sans modération, par son héros interposé, d’une plante nommée ayahuasca qui vous entraîne dans une autre réalité, ce qui est un artifice un peu facile pour nous faire croire que finalement tout va bien (Au Diable Vauvert).
DU SPACE-OPERA EN BD
S’il est un sous-genre de la SF que la BD aborde sans désemparer, tout comme le cinéma, c’est bien le space-opera (terme dont on n’a d’ailleurs jamais trouvé d’équivalent correct en français), et cela à cause des images qu’il suscite. Prenons par exemple Colonisation, longue série se déroulant dans un décor à la Star Trek, où l’humanité, ayant commencé à s’épandre dans la galaxie a rencontré sur son chemin Atils, une civilisation beaucoup plus avancée avec laquelle les rapports son ambigus. La série se fonde sur les actions de l’Agence, dont le but est de tenter de retrouver les premiers vaisseaux d’exploration qui se sont perdus dans l’infini, ce qui donne l’occasion au scénariste Denis-Pierre Philippi et au graphiste Vincenzo Cucca de visiter maints mondes insolites ou dangereux. Ce qui est le cas de ce septième épisode, Répercussions, où nous voguons avec une multitudes d’astronefs qui se tirent dessus au milieu d’un atoll du vide suprêmement esthétique formé de planétoïdes en suspension reliés par des cordons végétaux qui ne sont pas évoquer Avatar 1. Cucca, qui use volontiers de pleines pages pour transcender ce genre de décor, que les couleurs de Fabio Marinacci exaltent, nous en met plein la vue, comme le prouve la reproduction d’une couverture qui se passe de commentaires (Glénat).
, Europa, signé au scénario par Leo et Rodolphe, deux vieux routiers du genre, avec des dessins Zoran Janjetov, qui a travaillé avec Jodorowsky, évoque aussi une exploration et des vaisseaux perdus, mais plus proche dans le temps et dans l’espace puisqu’il s’agit de sonder les mystères d’Europe, cette fascinante lune de Jupiter dont on sait qu’elle recèle, sous une couche de glace de deux kilomètres, un océan susceptible d’abriter la vie. Si un premier volume évoque la disparition des deux expéditions précédentes, ce tome 2, Vertiges (qui peut se lire indépendamment) nous entraine avec une petite équipe à travers ce monde lugubre où l’on peut très facilement geler sur pied. Un scénario qui accroche. Si le dessin est bien plus sobre que pour l’album précédent, il reste très efficace, et on s’amusera de constater que Janjetov a donné au commandant la tête de Robert Mitchum, et au professeur Woodrow celle Peter Graves (Delcourt).
HOLLYWOOD EST UN ENFER
On le savait ? Jean-Philippe Costes, docteur en sciences politiques nous rappelle dans son essai Hollywood Inferno, sous-titré La Divine comédie du star system, où il précipite la capitale du cinéma dans les dix cercles de l’Enfer de Dante. Commençant son ouvrage par son affliction à la nouvelle de la mort de Robin William, atteint d’une forme aiguë de la maladie de Parkinson et qui s’est pendu, à 63 ans, dans son appartement californien. Un exemple qui n’en est pas vraiment un, pas plus que celui de Montgomery Clift qui, après l’accident de voiture qui lui broya le visage, dut s’adonner aux analgésiques pour soulager ses insupportable souffrances… Plus parlants pour évoquer le fait que « le plus horrible des films d’horreur conçu par Hollywood, c’est Hollywood lui-même », cité abritant ivrognes, toxicomanes, suicidaires et autres déprimés chroniques, s’alignent maints exemples de chutes libres plus ou moins rapides : Fatty Arbukle violant et assassinant une actrice lors d’une party, Bela Lugosi se noyant dans l’héroïne, Errol Flynn maître de tous les excès et y laissant sa peau à 50 ans, Howard Hughes s’enfermant y compris physiquement dans sa paranoïa, ou encore des réalisateurs aussi considérable qu’Eric Von Stroheim ou Orson Wells rejetés par le système. Le livre de Costes, s’il rappelle ce que tout cinéphile sait déjà, encourt néanmoins un double reproche : celui de venir bien tard alors que ce qu’il dénonce fait partie du passé et, manque de chance, écrit avant la sortie du Babylon de Damien Chazelle, mais aussi, pour ce qui est du style, une insupportable et constante mise en avant de son ego par un auteur qui abuse du «je », allant même jusqu’à feindre d’avoir assisté au tournage des Misfit d’Huston pour entamer des conversations à bâton rompue avec Clark Gable ou Elli Wallach. Intéressant certes, mais à user avec une distance nécessaire (Liber).
JEAN-PIERRE ANDREVON