Enki Bilal explore l'avenir de l'humanité
Lord Cochrane s'associe à Champollion pour combattre à nouveau Cthulhu
BILAL S’EXPOSE
En écho à l'exposition "Aux frontières de l'humain", et à l'occasion de la sortie du troisième tome de sa série de bandes dessinées Bug, en instance de sortie et on vous parlera prochainement, le Musée de l'Homme donne carte blanche à Enki Bilal, pour une exposition qui lui est consacrée, Aux frontières de l’humain,du 16 mars au 13 juin 2022, au Foyer Germaine Tillion du Musée de l’Homme
Enki Bilal ne cesse d’explorer les frontières : celles de l’humain, de l’animal, de la machine, de la planète. Celles qu’il faut franchir pour découvrir un ailleurs, celles qui effraient, celles qui intriguent ou celles qui attirent. Les notions de limite et de métamorphose imprègnent toute son œuvre. Il représente des corps augmentés et hybrides, questionne le progrès, évoque le transhumanisme, imagine le chaos…
Aucun artiste n’aurait pu mieux que lui accompagner l’exposition Aux frontières de l’humain du Musée de l’Homme, dont chacune des six parties (« Je suis un animal d’exception », « Je suis un champion », « Je suis un cyborg », « Je suis un mutant », « Je suis immortel », et « On va tous y passer ! »), résonnent pleinement avec l’univers à la fois réaliste et dystopique d’Enki Bilal où, dans son œuvre, l’humain tient une place prépondérante – un humain abîmé, augmenté, tourmenté, en quête d’un ailleurs et d’un futur meilleurs. Il commente ainsi son œuvre : « « Le futur de l’Homme est balisé de frontières, de bordures, de marges, qu’il se fait un plaisir (en auto proclamée perfection du vivant sur cette planète), de repousser, de provoquer, voire d’affronter. Obsédé par le contrôle de son pouvoir aveuglant, cet humain se trouve mis à nu je le réalise, presque surpris, au cœur de toutes mes créations, et depuis bien longtemps. Cette exposition le prouve. »
Enki Bilal se joue des frontières. Artiste protéiforme, à la fois dessinateur, auteur, réalisateur, peintre, il brouille les pistes pour mieux créer, en marge de toute classification. Célèbre pour ses bandes dessinées, il propose ici une sélection d’œuvres, dont certaines inédites, composée de dessins, de peintures, d’extraits de films et d’écrits.
BD : À LA MANIÈRE DE VICTOR-HUGO
Le Bossu de Monfaucon, (tome 1, Notre sœur) signé au scénario par Philippe Pelaez pour des dessins d’ Éric Stalner se déroule à la fin du XVe siècle. Louis d’Orléans, duc et premier Prince de sang, s’est vu refuser la régence du jeune Charles VIII manipulé par sa sœur, la perfide Anne de Beaujeu. Réfugié en Bretagne, Louis prépare la défense de Nantes lorsqu’un homme étrange, Pierre le Bâtard, lui propose ses services. Il accompagné par un bossu difforme, tiré des caves du gibet de Montfaucon et doué d’une force colossale. Selon le Bâtard, Anne de Beaujeu et son homme de main, l’impitoyable Axel Lochlain, ont en leur possession deux documents remettant en question la légitimité de Louis au trône de France. Et se prétend capable de les récupérer. Dérivée de Notre dame de Paris, le récit fait renaître Quasimodo, que Pelaez ne se résolvait pas à voir périr, et se montre ici plus futé qu’il n’y paraît (« J’eusse aimé être Dieu pour créer l’Homme à mon image ».) Une rigoureuse trame historique, argumentée en fin de volume par une chronologie précise des années 1440 – 1487 sert des aventures souvent cruelles mais que certains personnages réels parviennent à Illuminer, ainsi de Jeanne la boiteuse, épouse contrefaite de Louis d’Orléans, seule à ne pas être repoussée par la laideur de Quasimodo. Le dessin précis d’Éric Stalner (Le Boche, Fabien M , l’excellente saga Le Fer et le feu, ou encore la série de science-fiction Voyageurs dessinée par Boisserie, Siro et Juanjo Guarnido), que porte les magnifiques couleurs de Florence Fantini donne à ce premier album un lustre impressionnant (Grand Angle).
DANS LE FROID DU PÔLE
Nous avons parlé il y a quelques semaines de l’éprouvant et superbe album de Michel Durand, Franklin, relatant l’expédition perdue des voiliers britanniques l’Erebus et le Terror, partis à la recherche d’une voie traversant l’Arctique, et coincés dans les glaces. Il faut croire que le sujet, cet authentique drame maritime, frappe toujours les esprits, car voici cette semaine un autre retour à l’aventure, elle fictionnelle, Adlivum, signée du Napolitain Vincenzo Balzano, qui voit, en 1847, le capitaine Briggs fréter un équipage pour tenter de retrouver les navires disparus. Son vaisseau s’appelant La Marie-Céleste, on devine quel sera son sort, qu’on n’atteint qu’au bout des 168 pages que compte l’album, où un scaphandrier parvient à retrouver la trace des épaves mais, ce faisant, réveillant des fantômes qui pourraient être issus d’un film expressionniste allemand des années 20, comme ces cavaliers squelettiques surfant sur les eaux. Des allusions à Moby Dick ou à Jack l’Éventreur complètent cette traversée cauchemardesque des flots et des glaces, mais c’est surtout l’esthétique de l’album qui retient l’attention. Dessinateur exceptionnel – mais peintre serait un terme plus approprié – Balzano, qui travaille à l’aquarelle, prend son temps pour étaler des visions magnifiques, vaporeuses, souvent pleine page, gris-bleu, gris vert, beige soufré, qu’on gardera longtemps dans l’œil. Un chef-d’œuvre graphique (Ankama).
Ajoutons que les planches originales de Balzano sont encore visibles jusqu’au 19 mars à Paris dans la galerie Achetez de l’Art, 24 rue de Lappe.
FEMMES VAMPIRES ET FANTÔMES JAPONAIS
Elles reviennent… histoires de femmes vampires, est le troisième et dernier volume de la trilogie consacrée à ces femmes-vampires par Jacques Finné et Jean Marigny, infatigables chercheurs attachés depuis plusieurs années à réunir le maximum de textes, connus ou totalement oubliés sur un sujet qui convoque, ainsi que le note Alain Pozzuoli dans sa préface, « les nombreuses variations du désir et de la perversion, de l’attirance et de la séduction, et tous les degrés de la peur ». Huit nouvelles seulement dans cet opus, comprenant quatre inédits, ainsi de La Ville d’Argile de Seymour Brilliot (1975) et ses succubes ivres de sang, ou la redoutable Lady Deverish de La Belle vampire d’Arabella Kenealy, publiée 1896, soit un an avant le Dracula de Bram Stoker. Déjà connu, notons Le Canal d’Everil Worrell (1920), qui fit l’objet d’une adaptation télévisée en 1970 pour la série Night Galery. Les auteurs nous prennent ainsi congé : « Puissent ces dames aux sensualités maléfiques apporter aux lecteurs de longues nuits préoccupantes et lui offrir autant de plaisir que nous avons eu à les rassembler ». Ajoutons : En espérant qu’il ne s’agit que d’un au-revoir (Terre de Brume).
Histoires de fantômes japonais, même s’il reprend le titre d’un film, l’ouvrage ne contient, nous prévient son auteur, Andi Brooks, Britannique vivant à Tokyo, que des histoires relevant de la pure fiction, toutes étant « issues de l’imagination malsaines de leur auteur » – bien que procédant de celles qu’il racontait à son fils pour l’endormir. 40 textes donc, souvent très courts répartis en “Contes des temps anciens” et “Contes des temps modernes”, le décor faisant le partage. Parmi les premiers, on trouve La Femme du chasseur, ou comment le fantôme d’une proie ce venge de celui qui l’a jadis tuée, tandis que les seconds nous offrent Une balade en voiture, la nuit en forêt, où un infortuné automobiliste rencontre la manifestation d’un tanuki, raton laveur qui, dans le folklore du pays, peut prendre forme humaine. Autant de petits plaisirs qu’on peut lire comme on verrait autant de courts-métrages (Oknô).
LOVECRAFT ENCORE ET TOUJOURS
Plus dix ans après avoir défait le monstrueux Cthulhu, Lord Cochrane, audacieux aventurier et marin, reçoit une missive de son ami Jean-François Champollion, le prévenant qu’il est en possession d’un manuscrit de la main de Jules César, révélant l’emplacement de la mythique R’lyeh… Encore une histoire inédite du solitaire de Providence ? Non, seulement la seconde aventure lovecraftienne signé Gilberto Villarroel, écrivain chilien maintenant domicilié en France, après Lord Cochrane, Maître à bord, ici réédité en poche alors que paraît en grand format (aux éditions Aux forges de Vulcain) un troisième roman, Lord Cochrane et le trésor de Selkirk. D’abondantes notes historiques replacent le récit en l’année 1826, l’épisode se terminant par ces trois mots emblématiques (et schwarzeneggiens) : Lord Cochrane reviendra. On palpite et on s’amuse ! (Pocket).
L’OURS DU MOIS
Nos lecteurs doivent maintenant se souvenir, puisque nous y revenons chaque mois, des micro-production de l’Ours, ces petits opuscules à découper nous présentant une nouvelle inédite qui doit compter 22 222 signes, pas un de plus, pas un de moins. C’est aujourd’hui Les Galops de Raïna, signé Janine Teisson, dont on peut lire ci-après la première page qui faut l’objet de la publication du mois.
Les rencontres tiennent d’une alchimie improbable qui génère des précipités inattendus, il faut savoir les apprécier, les savourer, leur donner leur chance.
Rencontrer Raïna c’est effectivement une chance improbable, merci.
Janine Teisson, qui nous offre la rencontre avec Raïna, a également écrit et imaginé bien d’autres histoires de toutes les couleurs, pour les petits, les moyens et les grands, sous le prénom de Janine ou de Jeanne. Cherchez bien, vous la trouverez sur l’Internet.
Pour le commander, contacter
Ours éditions • Yves KOSKAS
2 chemin de la Crouzille
34150 Puéchabon, il ne vous en coûtera que 2 €.
JEAN-PIERRE ANDREVON