En attendant "House of the Dragon", "GOT" revient en comics
Et "Negalyod", le nouveau chef d'oeuvre de Vincent Perriot, digne de la grande époque de Moëbius
DU CÔTÉ DES COMICS
Qu’on ait lu ou pas la saga de George R. R. Martin A Game of Thrones, qu’on ait suivi ou pas sur nos petits écrans sa superbe adaptation, on suivra avec le même intérêt sa version dessinée, adapté par Landry Q. Walker et dessinée par Mel Rubi, qui suit son cours, et même son long cours, puisque nous voilà au volume II de La Bataille des rois, qui doit se décliner en pas moins de 4 volumes de 180 pages, sans préjuger de la suite. Le roi Robert Baratheson est mort, qui lui succédera sur le Trône de fer afin de régner sur les sept royaumes ? Les Lannister et les Starks s’affrontent, jusqu’au couronnement de l’inexpérimenté et brutal Joffrey Baratheon. Quel va être le rôle du machiavélique Tyrion Lannister, nommé “main du roi”, et vedette masculine incontestée de la saga ? Bataille et intrigues de cour se succèdent dans cet épisode, classiquement mais magnifiquement illustrée par Mel Rubi, qui se base plus sur le texte de Martin que sur les images de la série télé, ce qui peut désarçonner au premier regard (Tyrion ne ressemble pas à Peter Dinklage, et Brienne de Torth est véritablement laide) mais qu’importe puisqu’on est emporté par un fleuve rugissant à nul autre pareil (Dargaud).
On connait tous le Masque, cette idole vieille de 2000 ans investi des pouvoirs diaboliques du dieu Loki et qui, collé sur la figure, vous donne des pouvoirs extraordinaires – et ce n’est pas Jim Carey qui dirait le contraire… Non plus que le Joker qui, en compagnie de la délicieuse Harley Quinn, est allé faire une visite nocturne au musée de Gotham pour y chaparder des objets de valeur. Malheur pour lui ou, au contraire, grand bonheur pour lui, il a l’idée d’essayer cette apparemment banale figurine de bois. Déjà peu porté sur l’inhibition, voilà donc notre Joker capable de se transformer en n’importe quoi et n’importer qui, ainsi que tout objet lui tombant entre les mains, et semer la dévastation. Même Batman, qui tente une fois de plus de mettre hors d’état de nuire son vieil ennemi, n’y résistera pas, se faisant rosser d’envergure, comme il en a pris une fâcheuse habitude. Joker vs the Mask, d’Henry Gilroy, Ramon F. Bachs et leurs nombreux collaborateurs nous entrainent donc dans une sarabande d’une violence extrême… mais c’est pour rire bien sûr. Comme, aux mains cette fois de John Arcudi et Doug Mahnke, la suite de cet album de 208 pages Lobo/the Mask, où notre invulnérable colosse se partage la relique avec le Joker, dans une suite de castagnes bien pires encore, riche d’une galerie de monstres animés… de très mauvaises intention (Urban Comics).
LE CINÉMA TOUT EN COULEUR
Où tourne-t-on ? « Le monde est un gigantesque plateau de tournage, aux possibilités quasiment infinies, les films mettant parfois en valeur des endroits qu’il est aujourd’hui dissocier d’œuvres faisant depuis longtemps partie de l’inconscient collectif ». D’où, pour flâner plus avant dans ces endroits mythiques, ce bel et grand album de 225 pages, Cultes, rédigé par Nicola Albert, Damien Duarte et Gilles Roland qui nous permet photos à l’appui, de visiter pas moins de cent lieux où ont été plantés les caméras. Ou pas. Car sait-on que 2001 a été tourné intégralement en studio, Kubrick détestant se déplacer (il n’a pas non plus mis les pieds dans l’hôtel Timberline Lodge de Shining), seuls les paysages désertiques de « l’aube de l’humanité » ayant été captés en Namibie… par son assistant John Alcott, et ensuite projetés sur un écran de 30 m devant lesquels purent jouer les figurants australopithèques. Hitchcock ayant pareillement la phobie des extérieurs, les plans généraux de la fameuse séquence de La Mort aux trousses où Cary Grant est harcelé par un avion, s’ils ont bien été filmés en Californie, ne servent que d’arrière-plans à un tournage intégralement en studio. Par contre la « Maison du diable » d’Amityville existe bel et bien et a pareillement été le site d’un massacre familial, ce qui ne l’empêche pas d’être habitée. N’aurait-on pas envie de tout visiter ? Alors feuilletons ensemble cet ouvrage qui réunit pour notre plaisir et de façon ludique le touristique et la cinéphilie (Fantrippers).
Nous avons régulièrement rendu compte, dans notre magazine, du travail extraordinaire de Gérard Escolano, chercheur, historien, auteur, maquettiste, éditeur de ses différents livres sur le cinéma que nous aimons, à commencer par La Fantastique Odyssée des dinosaures au cinéma en 2017 et Monstres mythologiques l’année suivante. Riche de 38 ouvrages (parfois régionalistes), notre fou de l’édition s’est attelé plus récemment à une gigantesque Intégrale des serials et séries en 9 tomes, chacun de 380 pages, totalisant donc 3428 pages riches d’environs 25 000 illustrations. Un monstre, dont les trois derniers volumes (de Ra à Z) viennent de paraître, où l’on trouve certes beaucoup de westerns (Wild West, Texas Rangers) mais nombre d’histoire fantastiques ou le frôlant, ainsi du Red Barry de Wild Gould (1938), des raretés comme The Return of Chandu (1934), où Bela Lugosi, en magicien redresseur de tort, tient un de ses très rares rôles de gentil, la France n’étant pas oubliée, avec par exemple La Roue que réalise Abel Gance en 1923 avec le concours de Blaise Cendrars. Tout cela dans le tome 7, le 8 abordant les premiers Superman, le 9 le culte Zombies of the Stratosphere (1952) de Fred C. Bannon et 27 pages consacrées au seul Zorro, Les Vampires de Feuillade étant bien sûr de la route, ni l’oublié Undersea Kingdom où, en 1p36, on redécouvrait l’Atlantide. Nous n’allons pas une fois encore louer la mise page fourmillante et colorée de ces pavés, où affiches d’époque et photos se bousculent dans une tapisserie éblouissante, dont on peut avoir une idée avec les deux documents joints, à feuilleter. Escolano étant son propre éditeur, on ne risque guère de trouver ses productions en librairie, le mieux étant de le contacter directement : gerard.escolano1@numerirable.com. Détail qui n’en est pas un : vu le travail accompli, le prix des ouvrages défit toute concurrence !
DES BD À NE PAS MANQUER
Un des albums des plus surprenants de ces derniers mois est sans conteste Negalyod, de Vincent Perriot. Certes les récits d’apocalypses ou de fins de du monde, dérèglements climatiques en étant la cause, ont tendance à se multiplier, mais celui-ci échappe à toute référence par son ancrage très particulier : le monde a déjà subi des dégâts considérables, suite en particulier à la montée des eaux, au points qu’il ne subsiste plus à la surface du globe que quelques communautés éparses, qui vivent sur des îles artificielles et traversent les nouveaux océans sur de gigantesque vaisseaux en bois, aux voiles solaires, dont certains sont également aériens. Mais on attend une nouvelle vague qui sous peu va déferler et, cette fois, tout engloutir. Si Jarri et Korienzé, le couple vedette de la saga, tentent de sauver ce qui reste à sauver, il n’en va pas de même d’un capitaine pirate qui s’acharne à traquer les survivants pour que la fin de l’humanité soit vraiment totale. Qu’est-ce qui, alors, diffère cette histoire de tant d’autres ? Le fait que ces derniers humains vivent en harmonie avec toutes espèces de dinosaures qui leur servent à la fois de montures et d’animaux de traits, au point qu’on se croirait dans une dérivée de Dinotopia,… Ce qui nous vaut une galerie de créatures étonnantes, dont les basilosaures, monstres marins plus gros que les baleines mais qu’on chasse pour leur chair, mais aussi comme carburant fossile. Ce monde de fantasy, ou monde parallèle (auquel une chute quelque peu mystique tente d’apporter une explication), Vincent Perrot, auteur complet, le dessine avec une virtuosité remarquable, avec un trait proche de celui de Moebius dont il ne cache pas qu’il fut son maître – le fait que Jarri chevauche une créature volante comme Arzach son ptéranodon accentuant la référence – n’hésitant pas à panoramiquer sur des pleines pages, voire des doubles-pages pour mieux nous faire pénétrer dans des paysages poétiques, ou apocalyptiques, ou les deux à la fois. Soutenu qu’il est par les couleurs éclatantes, et toujours en situation, de Florence Breton, qui fut la coloriste… de Moebius. Dernière précision : l’album est épais de 196 pages. De bonheur (Casterman).
Bien différent est le retour de Largo Winch dans sa 23e aventure avec La Frontière de la nuit. En visite incognito dans une mine d'étain en Indonésie, Largo découvre avec stupeur que l'une de ses propres filiales emploie des enfants pour fournir des composants essentiels à nos smartphones. Une découverte qui encourage le milliardaire à faire évoluer le groupe W vers une économie plus éthique et plus verte, sans négliger toutefois les technologies de pointe, en particulier les marchés spatiaux, qu'il s'agisse de satellites ou du nettoyage de déchets en orbite. Largo Winch va ainsi croiser la route de Jarod et Demetria Manskind, jeunes et géniaux entrepreneurs aux mœurs et aux idées détonantes, qui ne manquent pas une occasion de le railler dans les médias. Une rencontre qui sera le prélude à de gros ennuis, dont un vol spatial qui pourrait bien très mal tourner... Car dans l'ombre œuvrent de mystérieux tueurs aux motivations incertaines. Le monde de l'économie change. Mais pas la façon qu'ont certains criminels de faire du business...
Après un premier diptyque plébiscité par le public, Éric Giacometti et Philippe Francq reviennent avec un Largo plus que jamais en phase avec son époque, où cohabitent économie verte, technologie de pointe et fils spirituels d'Elon Musk ! Le lancement de l’album aura lieu le 3 novembre, comme indiqué dans l’invitation ci-jointe. Avis aux amateurs !(Dupuis).
UN MANGA ATTENDU
Lone Wolf & Cub, de Kazuo Koike et Gôseki Kojima, le chef-d’œuvre de Gôseki Kojima et de Kazuo Koike, est de nouveau disponible dans une édition prestigieuse
Autrefois Kogi Kaishakunin du shogun, fonction qui faisait de lui l’un des hommes les plus importants du pays, Ogami Itto n’est plus rien. Victime d’un complot, il a tout perdu : sa famille, son pouvoir, son prestige. Il erre désormais en compagnie de son jeune fils Daigoro à travers le Japon féodal à la recherche de ses ennemis. Tel un loup solitaire, il loue ses services de samouraï au plus offrant et enchaîne des missions toutes plus périlleuses les unes que les autres.
Série culte au Japon, forte d’un immense succès aux États-Unis, c’est Franck Miller qui a dessiné les couvertures américaines de cette édition qui fera date (Panini Manga).
UN PEU DE LECTURE !
Sur le campus, les membres de la sororité Kappa Rho Nu sont toutes belles brillantes. Elles organisent des fêtes où se précipitent les mâles, mais ce que tous ignorent, c’est que cette institution n’est qu’une couverture pour le plus ancien et le plus puissant clan de sorcières du pays, celui des Ailes d’ombre. Lorsque Vivian Devereaux découvre qu’elle possède des pouvoirs, elle est bien décidée à se faire une place dans la confrérie, ce qui ne plait guère à Scarlett Winter, la maîtresse des Ailes d’Ombre. Mais si une menace extérieure se profile, ne seront-elles pas obligées de faire alliance ? Les Ailes d’ombre, gros thriller fantastique, est signée Kass Morgan et Danielle Paige, la première était l’autrice de la très célèbre série Les 1000, adapté à la télévision et distribué sur Neflix, la seconde, scénariste pour la télévision, a également écrit la série Dorothy Mus Die. Des frissons en perspective (Robert Laffont – “R”)
Un roman qui commence par « Voici où rampe l’homme-bête au corps naguère vertueux, mais désormais retourné, cru et dénué de peau » ne peut que pousser à la suite de la lecture ! Nous sommes en 1920, à travers l’Europe d’étranges créatures reviennent à la vie, les Ancêtres, anges qui ont échoué à protéger l’Arbre de la connaissance. En Afrique, la ville coloniale d’Essenwald est un déclin depuis que la forêt qui l’entoure a avalé les ouvriers qui y travaillaient. Et qui peut être cet enfant trouvé aux abords de la ville, qui rejette l’eau bénite d’un prêtre qui voulait le baptiser ? Tous ces mystères, et d’autres, se retrouvent dans Les Ancêtres, signé B. Catling, auteur britannique déjà auteur de Vorrh, et dont Michael Moorcock écrit dans SF Magazine : « Des images que vous n’oublierez jamais, aussi génial qu’un film de Guillermo del Toro » (Outrefleuve).
JEAN-PIERRE ANDREVON