"DUNE", le combat pour l'épice saute les générations
Hard science à la française dans la spirale du temps
L’EXPLORATION DE DUNE CONTINUE
Après avoir une première fois réédité les six volumes originaux de la saga de Dune de Frank Herbert selon la présentation (un peu modifiée) de la collection “Ailleurs et demain”, qui la première les présenta au public français, les éditions Robert Laffont en opèrent maintenant une refonte, avec de très luxueux volumes fortement cartonnés et d’une présentation aussi sobre qu’élégante. Ce mois-ci, c’est le troisième volume, Les Enfants de Dune, qui s’offre à nous, avec une traduction révisée, une préface érudite de Sylvie Denis, une postface de Natacha Vas-Deyres et un glossaire. Ceux et celles qui ne se sont toujours pas plongés dans cette série après avoir vu le film de Denis Villeneuve n’ont plus aucune excuse !
BILAL ENCORE ET TOUJOURS
À 70 ans, l'artiste Enki Bilal a déjà une bonne partie de sa vie derrière lui. Mais le dessinateur de bande dessinée regarde toujours vers le futur. En écho à l'exposition Aux frontières de l'humain, à l'affiche du Musée de l'Homme à Paris jusqu'au 13 juin, Enki Bilal projette à travers une trentaine d'œuvres sa vision personnelle de l'être humain à l'heure des prothèses, des organes artificiels et plus largement du transhumanisme.
"Tous mes récits, mes dessins, mes peintures et mes films sont concentrés sur l’humain, les relations des hommes entre eux, la sensualité, le monde animal… Tout ce qui est vivant en fait, et qui est maltraité par les pouvoirs qui nous dirigent, nos inconséquences écologiques et la fragilité de la planète. C’est un tout, et c’est un jardin dans lequel je joue", raconte Enki Bilal, lunettes de soleil sur les yeux même à l'intérieur du musée, comme s'il préférait voir notre monde avec un filtre.
Et si Enki Bilal dessine un monde assez noir où les hommes et les femmes se perdent dans les bras des machines, il demeure une part d'humanité dans ses esquisses du futur. "C’est un univers qui est assez dystopique, assez noir. On se rend compte qu’on va vite vers une fin du monde, un monde assez inquiétant. Mais il a toujours une grande tendresse pour l’humanité. Ses hommes, même s’ils sont augmentés, à moitié robots, ont toujours une part d’humanité", commente Noémie Verstraete, la commissaire de l'exposition.
Les dessins de l'artiste sont à découvrir au Musée de l'Homme à Paris jusqu'au 13 juin 2022, en marge de l'exposition "Aux frontières de l'humain".
Et ici, on peut l’écouter deux minutes
UN COMIC VENU DU CHILI
Une drogue de synthèse promettant beauté et pouvoir (sexuel) ravage l’État de New Amazonia. Seulement c’est la mort assurée par implosion des organes au bout de cinq jours. La police officielle étant impuissante, la commissaire Marlen doit se résoudre à faire appel à un ancien flic de choc depuis longtemps mis à la retraite d’office, Joe Santos, qui vit reclus dans la forêt amazonienne avec son vieux lapin nanti d’une patte artificielle, Horace . Une décision d’autant plus pénible à prendre que l’homme, lors de son ultime enquête, fut la cause de la mort de la sœur de la commissaire. N’empêche que voilà Santos lancé sur la piste de Black Jao, le fournisseur du mortel vitrium, flanqué d’une adjointe dont il se passerait bien, l’automate C-Cilia. Pire, alors que la robote se fait éclater la tête lors d’une fusillade, elle a le temps de transférer son esprit dans celui de Santos, qui se voit désormais doté d’une personnalité double bien encombrante. Voilà donc The Last Detective, scénario de Claudio Alvarez, dessin de Geraldo Borges avec les couleurs d’Arthuro Hesli, un one shot qui pourrait venir droit des États-Unis, sauf qu’il est chilien, ce qui lui donne un cachet très particulier, avec un mélange d’humour (les rapports de Santos et de C-Cilia) et d’hyper-violence, dans le décor moite de l’Amazonie profonde. Le dessin de Borges, qui a par ailleurs travaillé sur Justice League, Aquaman, Superman et autres surper-héros US, rend à merveille cette ambiance tropicale. Ajoutons que des extraits d’un faux journal, Amazonia Press, agrémentent l’aventure avec des articles du genre : L’Énergie solaire est cancérigène. Une excellente surprise (Drakoo).
UNE SUPERBE BANDE ANIMALIÈRE
« Il pleut. Cela fait des jours et de jours qu’il pleut. Depuis plusieurs semaines, peut-être. Les ruisseaux et les rivières commencèrent à sortir de leur lit, et la campagne se mit à ressembler à un vaste marécage, contraignant la population à rester cloitrée… » Le début d’une nouvelle variation écolo-catastrophique avec ces lignes introductives à Stratus, de Benoît Peloux ? Que nenni, ainsi que le dévoile la suite : car il s’avère qu’il existe bien un moyen de faire revenir le beau temps, l’oiseau magique Stratus, que le roi garde jalousement dans ses serres. Et qui est le roi ? Un vieux lion fatigué. Et Stratus, fatigué lui aussi, refuse de coopérer. Nous sommes donc en pleine fantasy, et qui plus est dans une bande animalière où vont intervenir trois autres personnages, Atakétu, un tigre ambitieux qui espère bien détrôner le roi dont la population commence à se lasser, lui reprochant son inaction, et un couple de sympathiques malfrats, le rusé renard Faribol et le belliqueux rat Tracnar, que le roi charge d’aller trouver, sur l’île d’Épéricolo, réputée dangereuse, une graine d’Origolmorvignole, qui seule pourrait redonner son pouvoir à l’oiseau magique. Suit une série d’aventures et de péripéties où Benoît Pelloux, scénariste et graphiste venu du dessin d’humour, convoque aussi bien Charles Perraut que les frères Grimm pour nous plonger dans une féérie épique. Mais qu’elle est le plus important dans une bande animalière ? La manière dont sont présentés les animaux anthropomorphes, bien sûr – ici aussi drôles qu’expressifs dans leurs décors, costumes et actions venus des Trois mousquetaires (les duels à l’épée y sont nombreux), ce qui fait de ce très luxueux album de 56 pages un délice qu’il ne faudrait surtout pas croire réservé à nos cher petits (Bamboo).
FANTASY EN VRAC
L’Avènement du roi borgne, d’Elias Carter
Ethan Carter, un jeune étudiant, se fait enlever en décembre 2011 par l’Organisation, une structure secrète internationale très puissante. Il la rejoint de force, afin de poursuivre une éternelle mission : protéger la Terre des puissants démons qui veulent se l’accaparer. Ethan va vite comprendre que sa vie sera désormais bien rude. L’Avènement du Roi Borgne est un roman fantastique relatant les péripéties du jeune Ethan et les missions qu’il devra accomplir. Ces dernières vont le pousser à se poser des questions philosophiques, voire exis- tentielles. Quel est le but de sa vie ? Quelle place a-t- il au sein de l’Organisation, dans le Monde ? Que va- t-il découvrir ? (Vérone).
Le Serpent Ouroboros d’’Erik Rucker Eddison
Sur la lointaine Mercure, les trompettes de la guerre viennent de retentir, les tambours de chanter le fracas des armes et les épées de se parer de leur manteau de pourpre. L’honneur des Démons a été foulé aux pieds par le roi de Sorcerie, et pour laver l’affront, le seigneur Juss et ses alliés s’apprêtent à livrer un combat épique. Leur périple les conduira à travers forêts et déserts, mers et marais, au cœur des fabuleuses contrées de la terre du milieu, depuis leur majestueuse Démonie aux mille montagnes jusqu’aux plus hautes cimes enneigées de la terre.
E. R. Eddison est un écrivain britannique très célèbre pour ce qui sera considéré comme la plus grande fresque de fantasy avant la parution du Seigneur des anneaux. Avec la publication de son Serpent Ouroboros, en 1922, il devient l’auteur du début du XXe siècle le plus influent sur le genre, ayant influencé Tolkien lui-même (Callidor).
La promesse de sang et le premier tome de La Trilogie des Poudremages, signé Brian CcClellan, vendu à 700 000 exemplaires. Le coup d’état du maréchal Tamas a envoyé les nobles à la guillotine et sauvé le peuple d’Adro de la famine. Mais la guerre couve entre les neuf Nations et les Kez qui, privés d’accords commerciaux, sont sur le point d’envahir Ado. Le maréchal ne peut plus compter que sur les derniers poudrelages de sa cabale, mais aussi sur Taniel, son fils tireur d’élite et un ancien policier devenu détective privé. Mais entre les derniers royalistes et les alliés de Tamas, l’Église, une armée de mercenaires et le puissant syndicat des travailleurs, la résistance ne sera pas facile. À moins que les prophéties annonçant le retour d’un dieu ancien ne renverse la mise… Réponse dans 475 pages moins irréalistes qu’on pourrait croire (Leha).
HARD SCIENCE À LA FRANÇAISE
En 1982 un message inattendu, venu des étoiles, est capté par les radioastronomes américains. C’est une mise en garde, mais contre quel péril ? Pour en avoir le cœur net, le pape Jean-Paul II confie au Père Ernetti la plus troublante des missions : remonter jusqu’au commencement de l’univers avec son chronoviseur, cette prodigieuse machine à voir dans le passé. Il sera aidé dans cette tâche par le physicien Stephen Hawking, qui réécrira les équations permettant à la machine de déployer toute sa puissance. À partir de là commence une plongée vertigineuse dans la spirale du temps. Avec sa complice israélienne Natacha, un agent du Mossad, le Père Ernetti ira de surprise en surprise. Et si le Big Bang, ce point zéro de la Création, n’était qu’une porte ouverte sur des univers multiples ? Et si, à force de chercher Dieu dans sa machine, le père Ernetti finissait par le trouver... là où il ne l’aurait jamais imaginé ? Et si le pape Jean-Paul II était menacé par la pire des conjurations ? Signé par Roland Portiche, réalisateur et auteur de documentaires et de magazines pour la télévision, dont Temps X avec les frères Bogdanoff, Arnetti et le voyage interdit se présente comme une hard science à la française donnant une version originale de la théorie des multivers (Albin Michel).
FRÉMION EN PREMIÈRE LIGNE
Nous n’allons pas faire injure à nos lecteurs en présentant le camarade Yves Frémion, qui œuvre dans la SF depuis 5O ans (au moins), comme éditeur, écrivain, critique, anthologiste, polémisme et on en passe, sans oublier ses convictions écologistes et sa pratique, qui l’a conduit à être député européen (chez les Verts bien sûr).
Écrivain, il publie aujourd’hui Images interdites, la censure au XXIe siècle, ainsi présenté :
L'image - dessin de presse, illustration, BD, cinéma, TV, photo, peinture, graphisme... - est plus que jamais la cible des rages totalitaires dans le monde entier. Aucun pays, du plus démocratique au plus autoritaire, n'est épargné par le phénomène. Aux censures classiques des dirigeants et puissants du monde, qui étaient "la norme" lors du premier "Images interdites" publié en 1989, s'ajoutent aujourd'hui celles de tous les groupes de pression, déchaînés parfois jusqu'au meurtre, et des réseaux sociaux. Depuis le nouveau millénaire, des milliers d'images sont attaquées, détruites, prohibées, et leurs auteurs et diffuseurs harcelés, condamnés, interdits de travailler quand ce n'est pas assassinés. Ce livre répertorie ce qui a choqué, irrité ou rendu furieux les censeurs de tout poil, qu'ils soient politiques, religieux, porte-parole d'associations ou d'opinions publiques ...- ces 20 dernières années. Il se veut aussi un hommage, au travers de cet inventaire non exhaustif mais souvent sidérant, à ces hommes et ces femmes qui osent, parfois au péril de leur vie, défier toutes les censures et revendiquer leur liberté d'expression (Alternatives graphiques).
Lancement de cet ouvrage de 280 pages, à lire absolument, jeudi 31 mars 2022 entre 18 et 22 h dans les locaux de l’association animé par l’auteur, 66 rue Julien Lacroix Paris 20°. Autour d’un verre, comme il se doit…
JEAN-PIERRE ANDREVON