FILMS EN VOD
THE FEAST ***
(Gwledd) G.-B. 2021. Réal.: Lee Haven Jones. (Shadowz)
Cadi, une jeune femme qui travaille dans une auberge du village, est appelée pour servir les invités d’un dîner donné par une riche famille. La mère, originaire de la région, a hérité de la ferme de ses parents et, avec l’aide de son mari, y a construit une luxueuse demeure grâce aux juteux profits tirés de l’exploitation des richesses enfouies dans le sous-sol. Si tout semble parfaitement lisse au sein de la famille, Cadi ne tarde pas à découvrir que chacun des quatre membres cache des failles, des secrets et des vices. Elle-même est une créature étrange, et va bientôt être le déclencheur d’un drame terrifiant…
Réalisateur de séries télé (dont "Doctor Who"), Lee Haven Jones signe ici sa première mise en scène d’un long-métrage cinéma sur un scénario de Roger Williams avec lequel il avait réalisé son premier documentaire, Galesa, en 2015. Le résultat est digne d’éloges, entre drame psychologique au sein d’une famille dysfonctionnelle, critique écologiste de la société de consommation et body horror parfois extrême. Le long-métrage est porté par la grâce et l’étrangeté de l’actrice principale, Annes Elwy (Le Roi Arthur : le pouvoir d’Excalibur), dont on ne sait, tout le film durant, quel rôle elle sera amenée à jouer dans cette tragédie, ni ce qui l’anime réellement. S’appuyant sur des légendes locales et filmé en langue galloise, The Feast bénéficie d’une originalité de ton bienvenue, nous plongeant dans un univers de cauchemar dont on peine à s’extirper une fois passé le générique final. La grande force du film est de conserver tout du long une véritable élégance, rendant le "monstre" moins repoussant, finalement, que ceux qu’il punit atrocement pour le mal qu’ils font autour d’eux. Voilà un film d’horreur qui aborde le genre par la bande, à la manière d’un Ari Aster ou d’un Robert Eggers.
THE LAST THING MARY SAW **
USA. 2021. Réal. et scén.: Eduardo Vitaletti. (Shadowz)
Dans l’Amérique de la fin du XIXe siècle, Mary entretient une relation trop intime avec la bonne de la famille, Eleanor, ce qui déplaît à sa mère. Cette dernière fait appel à la matriarche pour remettre les deux pécheresses dans le droit chemin à base de prières et sévices corporels. Mais il est difficile de briser deux femmes éprises d’amour et de liberté, même en ayant recours à des forces obscures…
Baignant dans une ambiance mortifère de pudibonderie, ce premier long-métrage d’Eduardo Vitaletti parvient à suffoquer le spectateur grâce notamment à l’interprétation de Stephanie Scott (Insidious Chapitre 3) et d’Isabelle Fuhrman (inoubliable Esther), épaulées par la présence cauchemardesque de Judith Roberts (Dead Silence) en matriarche implacable. La photographie naturaliste met en valeur les éclairages chauds des bougies projetant de sinistres ombres sur les murs, la maison semblant plongée tantôt dans la nuit noire, tantôt une grise journée pluvieuse. Tout était donc en place pour nous proposer une critique supplémentaire du patriarcat, de la religion et des non-dits sur fond de sorcellerie. Or le réalisateur et scénariste préfère s’intéresser au décorum plutôt qu’aux personnages, réduits à des ombres interchangeables, à une atmosphère recréée avec un soin maniaque, mais tout cela au détriment du scénario, qui n’apporte rien de neuf au sujet. Il faudra de plus attendre la toute fin du film pour entrapercevoir un peu de sorcellerie, et bien peu de violence graphique. Beaucoup de silence pour rien.
Yann LEBECQUE
UN HOMMAGE À MICHEL GOURDON
C’est sous l’appellation Michel Gourdon – les Années Fleuve Noir qu’une exposition de ses œuvres aura lieu à la BiLipo, 48-50 rue du Cardinal Lemoine, 75000 Paris, du 1er juin au 24 septembre de cette année. En préambule à cet événement, réalisé en collaboration avec l’Association des Amis de Michel Gourdon (http://Michel-Gourdon.blogspot.fr/), une conférence de Patrick Bernard se tiendra le jeudi 2 juin à partir de 19h à la Bilipo (réservations au 01 42 34 93 00 ou en écrivant à bilipo@paris.fr), qui reviendra sur le parcours et l’œuvre de cet illustrateur identifiable au premier regard. A travers son travail, c’est aussi le portrait en creux de la production éditoriale populaire des 30 Glorieuses qui sera évoqué. Au lendemain de la guerre, les éditions du Fleuve noir, créées en 1949, inventent de nouvelles formes de distribution, systématisent le format poche, favorisent les séries et les personnages récurrents. Ainsi les San Antonio dont Michel Gourdon illustra les premières publications au Fleuve noir. Les couvertures de cet illustrateur hors-norme ont largement contribué au succès de l’éditeur. Occasion de rappeler la parution en 2020 d’un magnifique album lui étant consacré, Les Angoisse de Michael Gourdon, dont nous avions bien entendu parlé à l’époque.
LA FÊTE DE LA BANDE DESSINÉE
Les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d'Amiens se dérouleront cette année, tous les week-ends du mois de juin avec deux grands temps forts « auteurs » :
Les 4 et 5 juin, week-end historique d’ouverture : 90 auteurs et autrices invité.e.s en lien avec les expositions et la programmation de l’année, seront présents. Les 25 et 26 juin, le festival se clôturera avec 45 auteurs et autrices invité.e.s cette fois, en collaboration avec les maisons d'édition Glénat, Dargaud, Delcourt/Soleil, Dupuis, Bayard, Futuropolis, Rue de Sèvres, Ankama (pré-programme via ce lien). Lors des week-ends des 11 et 12 juin ainsi que des 18 et 19 juin, la Halle Freyssinet ouvrira ses portes en mode « musée ». Les visiteurs pourront découvrir ou redécouvrir les expositions du festival, grâce à des visites guidées proposées par des médiateurs, dans et hors les murs, avec l'exposition « De Goldorak à Goldorak » à la Maison de la Culture d'Amiens réalisée par Denis Bajram, auteur de l'affiche 2022.
Les expositions et spectacles de la programmation illustrent les différentes facettes de la bande dessinée jeunesse et adulte, et mettent en valeur des œuvres qui traitent chaque année de sujets forts. L'exposition monumentale « Le reste du monde », pour ne citer qu'elle, alerte sur les conditions climatiques et le risque d'effondrement, à travers la série post apocalyptique de Jean-Christophe Chauzy.
FESTIVAL
BLOODY WEEK-END 2022
Un renouveau sanguinaire
Le Festival International du Film Fantastique d'Audincourt, absent depuis deux ans en raison de la pandémie, s'est déroulé les 21 et 22 mai derniers pour le plus grand plaisir des passionnés en tout genre. Un retour en grâce qui a su, encore une fois, ensanglanter la Franche-Comté avec une bonne humeur communicative.
Un hurlement glaçant fuse, plane au-dessus de centaines de festivaliers, survole la DeLorean de Retour vers le Futur, la moto de The Walking Dead, effleure des dizaines de stands de livres, dvd, tableaux, figurines, peintre sur scies, graveur sur guitares, dessinateurs, maquilleurs, maquettistes, avant que de s'éteindre. Puis un autre éclate, et encore un autre. Un slasher à la franc-comtoise ? Non : un concours de Scream Queen. Pas de doute, le Bloody Week-End effectue son fracassant retour ! Car le fondateur, Loïc Bugnon, épaulé par son épouse Aurélie et sa vaillante équipe de bénévoles, a tenu bon face au marasme ambiant. Sans jamais baisser les bras malgré des éditions 2020 et 2021 annulées pour cause de Covid-19, il est parvenu à se réinventer tout en préservant l'essence-même de l'événement : la convivialité. La compétition de courts-métrages, dont la production fut plombée par deux années de restrictions sanitaires, ne peut avoir lieu ? Qu'importe. Les invités internationaux brillent par leur sympathie. Ainsi de Laurence R. Harvey, l'acteur de The Human Centipede 2 et 3, Emmanuelle Escourrou, héroïne en 1990 de Baby Blood, le premier film gore hexagonal, AZZ l'épouvantail, populaire youtubeur axé sur le cinéma horrifique, sans omettre Abdel Qissi qui présenta son nouveau long-métrage, Lopak l'envoûteur. Ami de jeunesse de Jean-Claude Van Damme dont il fit la connaissance au club multi-sports de Bruxelles, il débuta aux États-Unis dans Full Contact avant d'enchaîner avec Le Grand Tournoi et The Order. Tout un programme qui l'amena à côtoyer Roger Moore ainsi que Charlton Heston !
Outre donc les traditionnelles séances de dédicaces, le public, venu nombreux, pu s'immerge au sein de l'univers si cher à nos cœurs : discussions enflammées avec la centaine d'exposants présents, photos avec des cosplayers enthousiastes gravitant non loin d'Aragog, reproduction d'une araignée géante qui ne manqua pas d'effrayer les plus sensibles, quizz musicaux, bluffantes séances d'hypnose, conférence sur le monde trouble des sectes, projections de Massacre au Dortoir et, en avant-première européenne, de Super Z, une histoire de zombies française à la sauce loufoque. Mais voici que le puissant vrombissement d'une V8 Interceptor droit sortie de Mad Max retentit à proximité, coupant court aux conversations. Plus agréable encore que de prendre la pose près du bolide, échanger avec l'auteur/baroudeur qui siégeait à côté, Melvin Zed, a tenu du véritable plaisir de cinéphile. Après plus de 10 ans à parcourir le pays d'Oz afin de compulser moult archives et chercher d'anciens participants à la quadrilogie de George Miller, il vient en effet de sortir un monumental livre consacré au vengeur australien de même que le documentaire Archeologist of the Wasteland qu'il montra au cours du festival devant une salle conquise. Empli de souvenirs inaltérables, ce "week-end sanglant", ou plutôt, ces retrouvailles en chair et en os tant attendues par la grande famille des fantasticophiles, ne donne qu'une envie : réserver son billet d'entrée pour 2023 !
Matthieu REHDE