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FRANK HERBERT EN DEHORS DE DUNE
Cadeau de la semaine : en deux volumes, les Nouvelles de Frank Herbert. Comme l’écrit en exergue Pierre-Paul Durastanti, qui a coordonné cette intégrale et a révisé la traduction des 40 nouvelles qu’elle contient (publiées entre 1952 et 1979) sur un total de 1380 pages : « Il y a dans l’œuvre de Frank Herbert, éclipsant tous les autres, un livre connu qu’il est inutile de le nommer, de sorte que sa production de nouvelliste fait figure de parent pauvre. Cette intégrale entend rectifier cette perception biaisée ». Ce qu’on approuvera sans réserve à la lecture de cette somme, qui illustre la richesse d’une inspiration qui ne se limite pas aux diverses et concordantes préoccupations d’Herbert : l’intelligence humaine, non humaine, voire artificielle, la rencontre et la communication avec des êtres très différents, et le fait que dans un futur très éloigné, les espèces les plus puissantes possèdent une intelligence et des pouvoir qui font d’eux de véritables dieux, mais embrasse quasi tous les champs de la sf. Ainsi de l’a priori peu herbertien Le Syndrome de la Marie-Céleste (1964) où la population américaine d’un proche futur, à force d’essayer de faire rentrer 48 h dans les seuls 24 à notre portée et de s’épuiser à faire des centaines de kilomètres sur les autoroutes pour satisfaire à des travaux inutiles, commence à disparaître grappes. Mais pour aller où ? Une nouvelle qui pourrait avoir été écrite aujourd’hui et colle avec cette profession de foi : « La science-fiction s’efforce de traduire nos rêves anciens en songes nouveaux et, ce faisant, de rendre les cauchemars moins effrayants ». Il n’est qu’à citer Semence (1970) où une expédition débarquée sur une planète étrangère voit peu à peu dépérir végétaux et animaux de ferme amenés depuis la Terre, menaçant sa survie même, jusqu’à ce qu’un pêcheur quasi illettré découvre cette vérité première : « Voilà ce que les scientifiques ne voulaient pas admettre. Ils s’efforçaient de faire de cet endroit une autre Terre. Mais ça n’en était pas une et, et ça ne pourrait jamais l’être ». Gage de survie : une espère de maïs endogène jusque-là ignorée. Certes, cette somme ne contient pas que des chefs-d’œuvre – citons l’un peu dur çà avaler Les Primitifs(1966) où, pour tailler de façon satisfaisante un joyau martien ultra-dur, les malfrats qui l’ont volé font appel à l’inventeur d’une machine à voyager dans le temps pour ramener de 20 000 dans le passé une femme de l’âge de pierre qui seule saura capable de le faire – mais nous permet de découvrir, qui l’eût cru, un écrivain plein d’humour, exprimé par exemple dans Étranger au paradis (id.), où un explorateur spatial à beaucoup de mal à comprendre les naturels de la planète où il s’est posé, à cause des défaillances du traducteur de l’IA de bord. L’essentiel est que cette somme reflète une curiosité sans limite et la façon de l’exprimer, prouvant qu’il n’y a pas que Denis Villeneuve pour nous remettre Frank Herbert en mémoire mais, et c’est bien le moins, lui-même. Dommage tout de même que les couvertures soient si peu attrayantes (folioSF).
PARIS COMME ON NE L’A JAMAIS VU
Grandville, signé Bryan Talbot, s’ouvre sur la poursuite d’une sorte de camion blindé conduit par un phoque, traqué par une horde de renards montés sur des trottinettes électriques. Mais où et quand se trouve-t-on, dans ce décor qui conjugue une technologie vernienne et des bâtiment Art déco ? « Il y a deux cent ans, l’Angleterre a perdu la guerre contre Napoléon. Comme le reste de l’Europe elle a été envahie par la France, pour devenir par la suite la République socialiste de Grande-Bretagne, suite aux attentats anarchistes secouant la France impériale ». Un pont gigantesque relie le continent à l’île, et Paris se nomme maintenant Grandville, surplombée par la tour Robida, édifié sur le site du ground zéro après qu’un dirigeable a percuté le précédent édifice. Voilà donc une uchronie fantaisiste, peuplée non d’humains mais d’une foule d’animaux anthropomorphes qui occupent toutes les strates de la société, et où se détache l’inspecteur Lebrock, un blaireau à la stature colossale (Brock et le nom anglais de l’animal) qui n’hésite pas à faire un massacre avec les deux pistolets automatiques qu’il cache sous sa houppelande, et qu’accompagne le rat Roderick, inspecteur qui, lui, se sert en artiste da cane-carabine, tous deux devant enquêter sur un meurtres mystérieux. On rencontre aussi un groom ressemblant à Spirou, une simili-Bécassine, un chien blanc appelé Snowy Milou, et si Napoléon VII a une tête de Lion, c’est parce que NapoLEON.
Pour composer cet étonnant (et détonnant) bestiaire, Bryan Talbot, émérite graphiste britannique ayant travaillé pour 2000 AD comme pour DC, et à qui l’on doit un superbe Alice in Sumberland, s’est inspiré des dessins de J. J. Granville, illustrateur et caricaturiste français du XIXe siècle dont l’œuvre est entièrement composée de ce qu’il appelait des « zoomorphes », tandis que les décors sont inspirés d’Albert Robida. Voilà donc un album entièrement référentiel, et en même temps entièrement personnel, où Talbot, s’inspirant de manière très reconnaissable, pour certains plans, des peintures de David, Delacroix, ou des Affiches de Mucha, fait vivre en une centaine de planches – sans compter les 25 pages de commentaires illustrés concernant ses diverses sources d’inspiration – de façon parfois délicate, à d’autres occasions gorgé de sang, un univers aussi riche pour les yeux que palpitant pour l’esprit. Et qui, publié originellement en 2009, aurait dû rester unique si son auteur, se prenant au jeu, ne l’avait fait suivre de quatre autres aventures de son holmesien Lebrock que l’on souhaite ardemment voir arriver au plus tôt dans nos contrées (Delirium).
GARE AU GORILLE !
Dans Rogues, une bande de traîne-savates habitués à se biturer dans les bars décide à l’instigation de l’un des leurs, à tenter un gros coup : voler le trésor en lingos d’un certain Grodd. Encore un polar sur un thème des plus classiques ? Sauf que la bande en question, formée par un certain Captain Cold, et qui comprend le Charlatan, un magicien d’un genre bien spécial, le Tigre, d’une force surhumaine, Frankie, capable de bouleverser l’environnement et quelques autres, sont tous et toutes des super-méchant(e)s à la retraite, qui firent partie de l’univers de Flash. Et que Grodd est un gigantesque gorille régnant sur Gorilla city, cachée dans la jungle et digne du Wakanda de Black Panther. D’où une bonne série B d’aventures qui, de bagarre en bagarre, tire sans doute à la ligne au long de ses 212 pages mais que le scénariste Joshua Williamson sait mener avec énergie jusqu’à une fin… mais chut ! L’album néanmoins présente un problème intrigant. Si le dessin, classique mais dynamique, est signé du seul Leomcas (Massimiliano Leonardo), pourquoi, à partir de la p. 75, présente-t-il de notables différences avec ce qui précède, plus brut, avec une mise en scène moins inventives ? Qui possède la réponse aura droit… à mes sincères remerciements (Urban Comics).
UNE BRASSÉE DE LIVRES
Comme il est ici de tradition, terminons avec un tour très rapide des dernières parutions livresques que le temps et le manque de place nous oblige à simplement mentionner. À commencer par Tress de la mer Émeraude, premier des quatre volumes (celui-ci fait déjà 650 pages) que Brandon Sanderson, l’auteur aux 20 millions de livres vendus, a composé pendant le Covid. C’est de la fantasy, avec un ancrage océans, dragons et pirates (Le Livre de Poche). Chez Albin Michel, ou la collection “Imaginaire” est d’ordinaire plutôt axée sur la hard sf, paraît Morgane Pendragon, dérivé des Chevaliers de la Table ronde mode féministe, puisque c’est une femme, Morgane, qui succède à Uther Pandragon, comme le raconte un spécialiste de la fantasy à la française, Jean-Laurent Del Socorro. Fantasy toujours avec Le Règne des Chimères, second tome des Royaumes immobiles où Ariel Holzl fait s’affronter des royaumes antagonistes où c’est une femme là aussi qui tient l’épée (Slalom). Et c’est une femme, Aurélie Wellenstein, qui porte haut la fantasy à la française, qui a écrit Le Désert des couleurs, qui vient d’être réédité en Pocket, très esthétique plongée dans un monde où le sable envahit tout. Français lui aussi, Christophe Siébert, avec Valentina (Au Diable Vauvert) entraine cinq ados d’un proche futur post-soviétique dans la ville de Mertvecgorod, pour un livre cyberpunk frère de l’œuvre de Maurice Dantec. Troisième et dernier épisode de La Maison des jeux signé de la Britannique Claire North, Le Maître revient sur le thème du monde vu comme un échiquier, thème que son confrère John Brunner avait abordé en son temps, dans un court roman publié par l’excellente collection “Une heure lumière » du Bélial’. Enfin, Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l’usage des pégus et du gratin, nous propose un voyage à travers 500 mots et expressions en usage dans les 6 épisodes et le film Kaamelott. Comme boucaque ou poucrave. Signé Stéphane Encel, cet amusant glossaire est publié par Le Passeur.
LES ÉDITIONS ROBERT LAFFONT CHERCHENT DE NOUVELLES PLUMES !
Un concours pour les auteurs d’un premier roman destiné aux adolescents et aux jeunes adultes qui rêvent d'être publiés. Le principe : Pitcher son roman sur TikTok et faire lire le manuscrit aux éditeurs. Envois ouvert du 1er février au 31 mars 2023 (minuit, heure de Paris) :
Voici les règles :
1/ Pitcher son roman en 2 minutes maximum dans une vidéo TikTok, en utilisant le hashtag #unRdepremierroman et #collectionR
2/ Envoyer son manuscrit à l’adresse : unRdepremierroman@robert- laffont.com (avec le lien de votre pitch TikTok dans le corps du mail). Votre roman sera lu par un jury de grands lecteurs, et la lauréate ou le lauréat sera proclamé.e en mai 2023, pour une publication dans la collection R en fin d’année 2023.
JEAN-PIERRE ANDREVON