Des insectes qui renouvellent le cinéma fantastique français.
"La Nuée" de Just Philippot, quelques nouveaux Nicolas Cage et l'indispensable retour de "Blacula".
Quatre nouveaux films avec Nicolas Cage qui sortiront bientôt.
Dans les prochains mois, Nicolas Cage présentera quatre titres vraiment déjantés ! Tout d’abord, Willy’s Wonderland, le 4 juillet sur les plateformes numériques, qui raconte l'histoire d'un homme engagé pour être le concierge d'un parc d'attractions recélant un sombre secret : la nuit les animatroniques du lieu prennent vie et feront tout leur possible pour mettre fin à la vie de ceux qui croisent leur chemin. Puis le 16 juillet, ce sera Pig, un "revenge movie" dans lequel Cage incarnera un chasseur solitaire de l'Oregon dont le cochon préféré est kidnappé. Il sera dès lors obligé de retourner dans son ancienne maison à Portland et de faire face à son passé une fois pour toutes. Ensuite, en 2022, The Unbearable Weight of Massive Talent,
est un exercice de méta-film dans lequel Cage incarne Cage qui essaie de décrocher un rôle dans le nouveau film de Tarantino tout en essayant de s'occuper de sa fille adolescente. L'acteur, qui a toutes sortes de dettes, est contraint d'assister à la fête d'anniversaire d'un milliardaire mexicain qui est son plus grand fan et qui espère lui montrer secrètement un scénario qu'il a écrit. Tout va se compliquer lorsque Cage est informé par la CIA que le milliardaire est en réalité un trafiquant de drogue qui a kidnappé la fille du candidat à la présidentielle mexicaine. Enfin, Prisonners of the Ghostland est l'histoire d'un criminel célèbre et héroïque envoyé en mission pour sauver une fille qui a disparu dans un univers surnaturel sombre. Tous deux doivent échapper à la malédiction qui les lie et se libérer des êtres qui gouvernent Ghostland, un vortex aussi beau que violent. Le film a été réalisé par Sion Sono.
JACKMAN PIÉGÉ DANS LE TEMPS
Un film de SF dans une boucle temporelle pour l’acteur en salles en aout.
Hugh Jackman sera de retour le 18 aout dans le film de SF écrit et réalisé par Lisa Joy – son premier long-métrage – Reminiscence. Dans un futur proche, la ville de Miami a été submergée en raison du réchauffement climatique. Nicolas Bannister a une occupation très particulière : il enquête dans les souvenirs de ses clients et leur propose ensuite de s'y replonger. Sa vie bascule lorsqu'il rencontre Mae. Une nouvelle affaire, impliquant la jeune femme, va l'obséder et le bloquer dans une boucle temporelle. Il va lui-même être confronté à des souvenirs qu'il ignorait…
LA VENGEANCE DE BLACULA
Le vampire noir revient dans un film entre suite et remake.
Blacula, le classique de la blaxploitation des seventies va faire l’objet d’une suite/remake produit par la MGM. Coécrit et réalisé par Deon Taylor (Meet the Blacks, Traffik, The Intruder), le récit se déroulera dans une ville métropolitaine post-pandémie de coronavirus. Le film aurait lieu quelque temps après les événements de la suite de 1973, Scream Blacula Scream. L’original de 1972 signé William Crain (responsable également d’un Dr. Black, Mr.Hyde, en 1976) mettait en scène Blacula, un ancien prince africain maudit par Dracula après qu'il n'eut pas accepté de mettre fin à la traite des esclaves. Blacula est enseveli et se réveille 200 ans plus tard, prêt à venger la mort de ses ancêtres et de ceux qui ont volé à son peuple son travail, sa culture et son héritage alors qu'ils se l'étaient approprié à des fins lucratives.
SORTIES EN SALLES
LA NUÉE *****
France. 2020. Réal.: Just Philippot.
SORTIE : 16 juin 2021
Difficile de boucler ses fins de mois pour Virginie Hebrard qui, veuve avec ses deux enfants (son mari s’est suicidé) a du mal à tenir son exploitation. Surtout qu’elle a choisi une voie novatrice, bien mal acceptée au village : elle élève des sauterelles, pas tant pour les manger en grillade, une possibilité néanmoins, que pour en faire de la farine pour le bétail. Seulement ses bestioles meurent les unes après les autres, comme de quelconques abeilles. Elle est prête à tout lâcher, ce qui plairait bien à sa fille Laura, ado rebelle que ses copains abreuvent de vidéos moqueuses sur nos fameux réseaux sociaux. Et puis arrive le miracle : blessée dans sa serre, Virginie a la surprise de voir des sauterelles se précipiter sur son bras et sucer le sang. Voilà comment elle va les nourrir, les faire grossir, proliférer, et en vendre enfin assez pour assurer sa survie.
Commencé comme une plongée dans le mal-être paysan, profession sacrifiée où l’on compte le plus de suicides, La Nuée au départ suit le chemin d’autres films du genre, Le Petit paysan ou Au nom de la terre, avant de peu à peu bifurquer vers une horreur en sourdine qui n’a de fantastique que de frappantes images – aussi bien les gros plans des orthoptères donnant de la mandibule sur une proie que leurs nuées assombrissant le ciel quand ils s’échappent – car Virginie, loin d’être une émule du bon docteur Frankenstein, n’est qu’une femme éperdue qui, pour échapper au capitalisme broyeur, suit la seule piste lui étant offerte, et tant pis si elle est mauvaise, la critique de la production extensive dévastatrice se lisant clairement entre les lignes. Jusqu’à la folie saisissant une femme qui ne peut plus reculer. Alors un chien, une pièce de bétail de la ferme voisine… À quand, un homme ? Pour donner corps à ce thriller épidermique («Ça crisse !») hurle Laura éperdue, le réalisateur Just Philippot, dont c’est le premier long-métrage, a choisi de filmer de la manière la plus neutre possible, ce qui est d’autant plus efficace, de donner le rôle principal à une actrice inconnue au cinéma, Suliane Brahim de la Comédie française, immergée dans son personnage, et d’user un minimum d’effets spéciaux, employant de véritables insectes qui, seul écart au réalisme, sont en réalité des criquets pèlerins, eux volant en nuée. Difficile après ça de sortir indemne d’un métrage terrible, autant par ce qu’il nous montre que par ce qu’il annonce. Car c’est écrit, on se nourrira bientôt d’insectes. À moins que nous ne leur servions de nourriture ?
Jean-Pierre Andrevon
EN VOD
NOTRE MAISON HANTÉE ***
(Das schaurige Haus). Autriche. 2020. Réal.: Daniel Prochaska (Netflix).
Sabine et ses deux enfants, Hendrik, âgé de 16 ans, et Eddi, 8 ans, quittent la ville pour s’installer dans la commune d’Eisenkappel-Vellach, dans la campagne autrichienne. Mais l’aîné comprend rapidement que leur nouvelle maison est hantée. Avec l’aide de ses amis, Fitz et Ida, il va alors tenter d’élucider le mystère qui entoure sa demeure…
Distribué en 2020 dans les salles autrichiennes avant d’être diffusé, dans le monde entier, sur Netflix, Notre Maison Hantée est l’adaptation du roman pour ados «Das schaurige Haus» de Martina Wildner, ouvrage qui a connu un joli succès en Allemagne. Et le moins que l’on puisse dire est que cette transposition à l’écran est particulièrement enthousiasmante et qu’elle s’impose comme une œuvre aussi plaisante que distrayante. Ce film, réalisé par Daniel Prochaska, dont c’est le premier long-métrage pour le cinéma, ne manque en effet pas de charme et parvient à concilier, avec un certain brio, divertissement familial et épouvante. Le scénario est certes assez classique et ne réserve guère de surprises mais il est suffisamment bien emballé pour emporter l’adhésion. D’autant qu’il met en scène des personnages attachants et qu’il est mené tambour battant. L’action ainsi ne tarde pas à se mettre en place et, en quelques minutes, le spectateur est plongé au cœur de l’intrigue. De plus, le cinéaste parvient à trouver le juste équilibre entre suspense, épouvante et comédie et réussit à renouer avec l’esprit des productions américaines des années 80. Car Notre Maison hantée évoque par moments Les Goonies, une référence qui ne sera pas pour déplaire à toute une génération de parents et qui contribue au capital sympathie du film. Si la réalisation est appliquée et ne témoigne pas d’une grande personnalité, la distribution, quant à elle, s’avère tout à fait convaincante, en particulier les jeunes comédiens qui donnent vie, avec entrain, à cette petite bande d’enquêteurs en paranormal. Il en résulte une histoire de fantômes qui, sans révolutionner le genre, le sert avec amour et respect et qui ravira aussi bien les jeunes spectateurs que ceux plus âgés ayant conservé leur âme d’enfant.
Erwan Bargain
SATOR****
USA. 2019. Réal. et scén.: Jordan Graham. (Shadowz)
Dans une forêt, isolée de tous, une famille vit sous l’influence d’une créature surnaturelle, le Sator, avec lequel la grand-mère, atteinte par la maladie d’Alzheimer, communique. Il réclame des sacrifices pour donner un accès à un autre niveau de conscience. Tous ne partagent pas ses visions prophétiques, mais chacun vit avec cette présence inquiétante, notamment les deux frères, Adam et Pete qui, en bons chasseurs, la traquent inlassablement, allant jusqu’à installer un appareil photo pour capturer son image dans la nuit.
Sator est un film très personnel de Jordan Graham (dont c’est le deuxième long) qui en occupe à peu près tous les postes, du scénario à la musique, en passant par le montage, les effets spéciaux et sonores, et bien évidemment la réalisation. Il fait ici le choix d’un rythme mortifère, installant une ambiance de cauchemar suffocante à la façon de Robert Effers sur The Witch. Par delà l’angoisse omniprésente, qui tarde à se concrétiser pour rendre la violence encore plus choquante, c’est l’épais secret qui entoure les lieux qui permet au film de tenir sur la durée. Jordan Graham filme une Nature sombre, crépusculaire, pleine d’ombre, de mystères et de menaces invisibles, et en fait l’un des personnages principaux. Sa photographie suit la narration déconstruite, passant de la couleur aux teintes gris bleuté à des noirs et blancs tantôt atmosphériques, tantôt expressionnistes, variant les formats d’image et les supports… Les personnages semblent se perdre dans l’immensité de la forêt avant de s’y noyer et d’y disparaître, pour revenir, métamorphosés. Le film ne donne pas de réponses aux nombreuses questions qu’il soulève, inspiré par le fait réel de la grand-mère du réalisateur qui lui a parlé du Sator qu’elle disait entendre s’adresser à elle, la créature ayant "disparu" lorsque sa mémoire s’est éteinte. Marqué par ces moments, il s’est lancé dans ce projet qui lui aura pris cinq années avant de se voir concrétisé de fort belle manière, en dépit d’un budget extrêmement limité l’ayant poussé à prendre l’entièreté de la production en charge. Il en résulte un long-métrage à nul autre pareil, une expérience unique et marquante, à l’esthétique remarquable et parfaitement interprété par les acteurs.
Yann Lebecque