Dernier weekend de la campagne Écran Fantastique 2025
Plongez dans la dystopie à haute conscience sociale de Chantal Montellier
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CHANTAL MONTELLIER SANG POUR SANG
S’il est une autrice de bande dessinée « engagée », avec ou sans guillemets, c’est bien Chantal Montellier. Née le 1er août 1947 près de Saint-Étienne, elle étudie aux beaux-arts de la ville de 1962 à 1969, enseigne les arts plastiques de 1969 à 1973, avant d’être chargée de cours à l’université de Paris VIII. Elle peint, avant de se rendre compte que sa voie (et sa voix) n’est pas là, donnant alors des dessins de presse au Combat syndicaliste, à Politis, l’Humanité, Le Monde, l’Autre Journal, Marianne, France Nouvelle, Révolution – liste non limitative. En même temps, elle aborde la bande dessinée avec de courtes séquences dans Le Mensuel Charlie, Métal hurlant, (À SUIVRE), Psikopat et Ah ! Nana, magazine entièrement féministe dont elle fait partie de l’équipe fondatrice. De cet engagement féministe, et de toutes les causes embrassées par la gauche, ou mieux l’extrême-gauche dont elle ne rougit pas de faire partie, Montellier ne se départira plus jamais, comme L’Esclavage c’est la liberté (1984), Tchernobyl mon amour (2006) et une bonne douzaine d’autres, caractéristiques par la rigoureuse stylisation de ses dessins, aux personnages semblables à des statuettes à déplacer sur les cases d’un environnement géométrique.
C’est pour fêter ses 50 ans d’existence que les Humanoïdes associés nous offrent, et lui offrent ce magnifique et imposant album qu’est Social fiction, 240 pages regroupant quelques bandes courtes et trois albums, 1996 (1978), Wonder City (1983), et Shelter Market (1980), tous retouchés par ses soins, le dernier augmenté de 36 pages lors de sa précédente réédition en 2018 et doté d’éclatantes couleurs fluo. Que dit Montellier de son œuvre ? «Plutôt que science-fiction […], je dirais plutôt social fiction, en ce sens qu’il s’agit pour moi de partir d’une réalité de la société d’aujourd’hui et de la pousser à l’extrême, par exemple le contrôle, l’omniprésence des caméras-vidéos…» Ainsi de 1996 où le client d’un magasin d’accessoires automobiles est assailli par des androïdes féminines, ou Wonder City, plongée dans une cité régie par l’eugénisme.
Plus important, Shelter Market est situé dans un Paris du proche futur, «jungle urbaine sous vidéosurveillance», où les attentats quotidiens nécessitent un couvre-feu à 19 heures. Thérésa et Jean vont faire leurs courses au centre commercial souterrain Shelter, dont le sigle n’est autre que le S encarté dans un triangle de Superman, quand une alerte a lieu. Le directeur annonce que «des terroristes ont fait exploser deux de nos centrales nucléaires». Impossible donc de sortir, les clients se voyant confinés au huitième sous-sol, où «la protection anti-atomique est de 100». Se met alors en place, peu à peu, une société où les règles deviennent de plus en plus contraignantes, où les prisonniers du sous-sol, munis d’un badge leur interdisant certaines parties du magasin, sont parqués pour la nuit et doivent s’inscrire pour des activités obligatoires, le tout sous la surveillance de gardes armés. Et si cette alerte n’était qu’un test ? On le voit, cette histoire est une synecdoque de ce qui pourrait se passer dans une ville entière, un pays entier. Quant à l’humour acerbe de l’autrice, il se manifeste en nombre de détails, comme ces effigies de clowns hilares qui ne cessent de répéter « Be Happy ! », ou la présence de ce panneau orwellien indiquant : « Pour votre sécurité, vous n’aurez plus de liberté. Pig Brother».
Dans sa préface, l’autrice n’hésite pas à confesser : «Hélas pour moi, trop de politique m’étais rentrée dans la tête, donnant à mes BD une coloration qui inquiéta très vite les forces de l’ordre orwellienne et les défenseur de la bien-pensance normalisée. On eut tôt faite de me décréter «Stalinienne», voire « malade mentale », et de me retirer de la circulation». Se verrait-elle alors comme une Sandrine Rousseau des Petits Mickeys ? L’existence de cet album apporte en tout cas un utile démenti à ses craintes (Les Humanoïdes associés).
LOUPS-GAROUS À UNE
Alors que les anthologies vampiriques abondent, le loup-garou paraît bien à la traîne. Or, à part les vampires, qui mieux que le loup-garou plante le plus souvent ses crocs acérés dans nos rêves, et ce, depuis bien plus longtemps que son compère ? De l’Antiquité à nos jours, Lunes de sang, anthologie présentée par Jacques Finné et Alain Pozzuoli nous propose un voyage au cœur de la lycanthropie, dans la fiction comme dans l’histoire et le folklore, nous emmenons à la rencontre d’auteurs mythiques et de spécialistes du sujet, de Pétrone à Ovide, de George Sand à Erckmann-Chatrian, de Guy Endore à Algernon Blackwood, de Hugh B. Cave à Rudyard Kipling. Plusieurs inédits rédigés spécialement par Barbara Sadoul, Jean-Jacques Jouannais, Antoine de Frontval et Tony Mark complètent cette somme, qui semble avoir été publiée pour accompagner le Wolf Man de Leigh Whannell, comprend également
de l’histoire des loups-garous dans la littérature et le cinéma fantastiques des origines à nos jours. Pour les amateurs, indispensable ! (Terre de brume).
PENDAISONS SPÉCISTES
Sait-on qu’au moyen-âge, et qui plus est jusqu’au début du siècle dernier, des animaux censés avoir commis un crime ou tout autre méfait grave étaient jugés et condamnés à mort ? Comme ce cochon accusé d’avoir dévoré un enfant brûlé vif en 1226 en France ou, bien plus récemment, l’éléphante de cirque Mary qui, pour avoir écrasé la tête de son dresseur qui la battait, a été pendue à une grue en 1916, aux États-Unis, pays qui a semble-t-il été le dernier à pratiquer cette sauvagerie (en plus des Indiens et des «Nègres», comme rappelé opportunément). Voilà que ce que nous rappelle David Ratte dans l’album À la poursuite de Jack Gilet où le sus-nommé exerce dans ce beau pays, dans les années 1910, la profession de bourreau des animaux, allant d’État en État, passant la corde au cou ici à un mulet, là à un chien, ailleurs à une chèvre. Pourquoi le poursuit-on, et qui ? Une charmante Winifred, dont Gilet a précisément fait pendre sa chèvre qui n’en demandait pas tant. Une comédie ? L’auteur s’en garde bien, faisant renaître sous nos yeux, avec un dessin à la fois délicat et d’un réalisme quasi-documentaire ces grandes plaines de l’Ouest qui ne paraissent guère différentes que ce qu’elles étaient un siècle plus tôt, où l’on joue toujours du Colt, et que détaillent nombres de pleines pages magnifiques : ce bison solitaire et un chariot passant au loin, ces canyons rougeoyants où iraient tourner John Ford, ce vapeur s’éloignant sur une haute et fragile passerelle de bois. Quant à Jack Gilet, c’est un personnage composite et hésitant, qui fait un travail qui ne le passionne guère mais, tant qu’à faire, mieux vaut tuer des bêtes que des gens, et dont le visage lunaire, la frêle silhouette, le petit chapeau rond et le veston étriqué font penser à Stan Laurel qui aurait fait merveille dans le rôle. D’ailleurs, au moment de tuer un éléphant et sous le regard impitoyable de Winifred… Au total sur 128 pages à la poésie prenante et à l’émotion palpable, à recommander en premier lieu aux antispécistes, et en second lieu à tou.te.s les autres, s’il en est (GrandAngle).
LA PLANÈTE MARS D’EDGAR RICE BURROUGHS
Doit-on rappeler qu’outre son héros le plus célèbre, Edgar Rice Burroughs et aussi l’auteur des aventures de John Carter de Mars, qui au départ avait sa préférence, et compte onze ouvrages, à commence par La Princesse de Mars en 1912. John Carter, gentleman sudiste traqué par les Apaches, se réfugie dans une caverne où une force mystérieuse le projette sur Mars, ou Barsoom, comme l’appellent ses habitants, géants verts à quatre bras, des défenses faciales de phacochères et naissent dans des œufs), mais aussi une espèce semblable aux humains dont il épousera la Martienne rouge Dejah Thoris, avant de revenir contre son gré sur Terre où il réintègre son corps. Cette saga, retraduite par Fabrice Canepa qui rend enfin hommage à la poésie et l’inventivité exceptionnelle de Burroughs, avait vu en novembre 2023 la publication de son premier titre sous la forme d’un luxueux volume cartonné. Elle se voit prolongée aujourd’hui, sous la même présentation, par sa suite, Les Dieux de Mars, où John Carter revient sur la planète rouge afin d’y rechercher son épouse perdue. Outre le plaisir de ces retrouvailles, on est en droit de se demander pourquoi il a fallu attendre 14 mois entre ces deux parutions. Allô, l’éditeur ? (Hoëbeke).
LES RUINES DE PARIS
Yves Marchand et Romain Meffre, spécialistes de l'urbex, ce genre photographique qui consiste à explorer les ruines de notre monde, ont trouvé un nouvel allié, l'intelligence artificielle. Pour preuves, une exposition à la galerie parisienne Polka jusqu'au 18 janvier et un ouvrage, Les Ruines de Paris regroupant 80 images aux éditions Albin Michel, où Yves Marchand et Romain Meffre inventent un territoire inconnu et irréel. Résultat : un Paris d'apocalypse déserté, brisé et pas du tout libéré. Du Moulin Rouge à l'Arc de Triomphe, des Grands boulevards au périphérique désert, tout n'est que ruine. Entre pastiche et exercice de style, l’IA permet au duo de réaliser le fantasme de voir Paris quand elle ne sera plus, vérifiant du même coup l’hypothèse de l’essayiste américain Alan Weisman dans Homo disparitus (2007) qui s’intéresse aux conséquences, notamment en termes d’infrastructures, d’une brutale disparition de l’espèce humaine sur la planète Terre.
Galerie Polka, 12, rue Saint-Gilles
75003 Paris
contact@polkagalerie.com
Jean-Pierre ANDREVON