Dans la famille "Watchmen", je demande Roscharch
"Créateur d'étoiles"-le chef d'oeuvre d'Olaf Stapledon revisité
UNE RÉÉDITION EXCEPTIONNELLE
« Par une nuit étoilée, au sommet d’une colline, durant la Seconde Guerre mondiale, un Anglais se prépare à vivre le voyage le plus extraordinaire jamais entrepris par un homme. Troublé par les remous de l’existence et du monde, cet alter ego de l’auteur s’abîme dans la contemplation des étendues célestes. Par l’esprit, entraîné loin de son corps resté sur Terre, commence alors pour lui une épopée véritablement cosmique» . Ces lignes offrent un avant-goût de ce qu’on peut trouver dans Créateur d’étoiles, publié originellement en 1937 et dû à Olaf Stabledon (1886-1950), l’un des piliers, avec H. G. Wells, de la conjecture romanesque rationnelle au début du vingtième siècle. Romancier auteur de fresques grandioses défiant les limites de l’espace et du temps, Stapledon était un philosophe venu à la littérature à qui l’on n’accorda jamais sa juste place, ni en philosophie, ni en littérature. Si le roman qui le fit connaître (Last and First Men en 1930) connut son heure de gloire, le public ne fit jamais à ce géant le succès à la hauteur de son génie qui aurait pu le mettre à l’abri des soucis du gagne-pain, à tel point que progressivement les éditeurs renâclèrent même à le publier et que certaines de ses dernières œuvres ne purent être éditées de son vivant.
D’où l’intérêt de cette nouvelle traduction intégrale, par Leo Dhayer, d’un classique de la science-fiction salué comme le chef-d’œuvre d’Olaf Stapledon, comme un repère essentiel du genre au sujet duquel Gérard Klein écrit : « Créateur d’étoiles représente la fresque la plus gigantesque de toute l’œuvre de Stapledon et peut-être de la littérature contemporaine, puisqu’il englobe l’histoire de tout notre univers et de quelques autres. […] C’est dans l’invention, c’est dans la création de son propre univers qu’il faut chercher le véritable Stapledon, l’anti-Pascal par excellence qui ne redoute plus rien du silence des espaces infinis puisqu’il les peuple de ses rêves. » (Gérard Klein) ». L’ambition de cette résurrection est de trouver un nouveau public, de nouvelles générations de lecteurs et lectrices, pour cette œuvre qui a autant à dire au quidam de 2022 qu’à celui de 1937. Il est des classiques qu’il ne fait pas manquer (Les Moutons électriques).
MÉTAL HURLANT S’ENVOLE VERS MARS
Enfin, voilà qu’est sorti ce numéro 3 de Métal Hurlant, ce mook de 288 pages sous-titré Vacances sur Mars et placé sous le parrainage d’Orson Wells et sa fameuse émission radio du 30 octobre 1938 où, adaptant La Guerre des mondes de son presque homonyme H. G. Wells, il fut frémir l’Amérique – mais beaucoup moins que ce que veut la légende, ce que nous raconte en détail Claude Ecken, parmi les quelques articles tous intéressants qui s’insèrent entre les BD qui nous intéressent au premier lieu. Source de fantasmes extra-terrestres depuis plus de deux siècles, la planète rouge a nourri les auteurs de ce numéro, qui se sont emparés du sujet de manière très diversifiée et avec des réussites variables. Intéressant de voir traité un sujet quasi unique (l’arrivée sur Mars et ce qui nous y attend), mais aussi le risque d’une certaine monotonie. De manière générale, si les scénarios sont parfois inaboutis, on remarque des graphistes tout à fait remarquables, comme Jonathan Djob Nkondo pour Protocole, d’une rigueur et d’une clarté absolue, ou le sans paroles SOS d’Élie Huaut, plus réaliste. Mais pour ce qui de la couleur, on reste ébloui par À la recherche du Mob de Jean Dalin avec ses pleines pages aux couleurs Pastel si délicates sur une ville de rêve. Mais de toute façon, c’est à chacun à faire son choix ! (Les Humanoïdes associés).
UN MANGA DANS L’ESPACE
Dans Planètes Perfect Edition t. 1 de Makoto Yukimura, nous sommes transportés en 2075, où la conquête spatiale a fait d’énormes progrès. Une colonie minière s’est notamment établie sur la Lune et une mission vers Jupiter se prépare. Mais toute cette activité a entraîné l’accumulation des débris en orbite autour de la Terre. Leur collecte a donné naissance à un nouveau métier : les éboueurs de l’espace. Planètes suit le quotidien de Hachimaki, un Japonais qui rêve de posséder son propre vaisseau, Yuri, un Russe hanté par la mort de sa femme, et Fi, une Américaine colérique qui a laissé sa famille sur Terre…
Des années avant la sortie du film Gravity, Makoto Yukimura mettait en exergue dans Planètes les dangers liés à la pollution spatiale. Mais son propos va bien au-delà. À travers le voyage introspectif et initiatique de ses protagonistes, Makoto Yukimura nous livre un chef d’œuvre de science-fiction intimiste questionnant autant la place que la solitude de l’homme dans l’univers, avec ce récit réaliste, documentaire, donc pour une fois sans aucun monstre de l’espace Cette nouvelle édition faisant l’objet d’un partenariat avec le Centre National d’Études Spatiales, est notamment agrémentée d’une série d’articles autour de la thématique de l’espace. Dans ce premier tome : la pollution spatiale (Panini manga).
JUDGE DREDD REVIENT !
Il revient, oui, avec ce septième volume des Affaires classées, où l’on découvre 20 nouvelles histoires complètes et entièrement inédites qui nous permettent de retrouver des personnages emblématiques de l’univers de la série tels que Judge Child et Mean Machine, le cyborg psychopathe, Otto Sump, le businessman toujours aussi créatif lorsqu’il s’agit de lancer des modes immondes et dont le succès à chaque fois colossal met la paix sociale de Mega-City en péril! Sans oublier l’entrée en scène massive de la Ligue des Gros, rendus fous par les pénuries alimentaires et prêts à tout pour satisfaire leurs besoins dévorants! Les histoires recueillies dans ce volume ont toutes été publiées entre 1982 et 1983 dans 2000 AD, le magazine incontournable de la BD britannique, et sont entièrement inédites en France.
Parmi les talents présents dans ce recueil, citons John Wagner (A History of Violence, l’Exécuteur, Last American, toujours accompagné d’ Akan Grant (Lobo, Strontium Dog) aux scénarios. Aux dessins, des «monstres» des comic-books tels que Steve Dillon (Preacher, Punisher, Hellblazer...), ou Ron Smith, dessinateur emblématique de la série, ainsi que le regretté Carlos Ezquerra, co-créateur du personnage ! Au total, 360 pages d’histoires cultes restaurées, rassemblées dans une édition luxueuse avec couverture cartonnée et vernis sélectif et une galerie d’extraordinaires couvertures originales en couleurs (Delirium).
RORSCHACH EN SOLO
Avec Rorschach, Tom KING (avec Jorge Fornés au dessin) s’empare du mythe des Watchmen pour développer un polar dans la lignée de la série HBO de Damon LINDELOF. Cela fait 35 ans qu’Ozymandias a téléporté une pieuvre géante interdimensionnelle sur New York, tuant des milliers de personnes et détruisant une fois pour toutes la confiance du public en ses héros, pour la plupart disparus. Comment interpréter la réapparition de ce “Rorschach” abattu alors qu’il tentait d’assassiner le gouverneur Turley, candidat populiste à la présidentielle ? Qui était l’homme derrière le masque, et surtout quelles étaient ses motivations ? L’œuvre originel, on s’en souvient était une critique virulente de la politique de Reagan et Thatcher. La série HBO, elle, dénonçait le fascisme décomplexé régnant aux États-Unis ; dans cette nouvelle série, Tom King illustre les interrogations qu’on doit se poser dans une époque où la parole officielle n’a plus rien à voir avec la réalité des faits. La quête d’un détective cherchant à percer la véritable identité de Rorschach et de la jeune fille de 19 ans qui l’accompagnait dans la mort alimente un album tout en mises en abymes qui se lit comme un polar de cinéma style Les trois jours du Condor ou Les Hommes du président, où est également mis en relief un phénomène américain qu’une actualité sinistre a remis en mémoire : la passion des armes. 290 pages passionnantes (Urban Comics).
À LIRE EN VRAC
• Dune continue à faire des petits, avec les très luxueuses rééditions fortement cartonnées qu’on entrepris les éditions Robert Laffont, avec des traductions révisées. Ce mois-ci, L’Empereur-Dieu de Dune, quatrième volume de la saga de Frank Herbert, qui nous ytransporte trente-cinq siècle après que Luad’Dib a vaincu le baron Harkonen, alors les milliers de monde de l’univers humain a été secoué par le Jihad. Leto, l’un des Enfants de Dune, est devenu un ver de sable à face humaine et doit faire face au destin qu’il lu dans l’avenir : l’extinction de l’espèce humaine. Une préface d’Irène Langlet et une post-face de Serge Lehman enrichissent ce fragment d’un chef-d’œuvre au long cours (Robert Laffont).
• La Chose en soi, initialement publié l’an dernier chez Denoël, nous est reproposé en poche : signé Adams Roberts, professeur de littérature anglaise à Londres mais surtout auteur d’une douzaine de romans de SF, dont trois ont été nommés pour le prix Arthur C. Clarke, nous plonge dans une base isolé de l’Antarctique, où deux scientifique recherchent des signaux extraterrestres. Une tempête dévastatrice va exaspérer les ressentiments des deux savants, dans un thriller d’aventure qui ne manque pas d’humour (FolioSF).
• Auteur l’un des plus lu en France, Michel Bussi, connu pour ses romans sentimentaux, est aussi un amateur de SF. Témoin sa série N.É.O. où, après La Chute du soleil de fer et Les Deux châteaux, vient de paraître le tome 3, L’Empire de la mort où, après le passage d’un nuage toxique ayant censément exterminé tous les adultes, Zyzo et Alixe, à bord du gigantesque voilier le Solario, font une découverte qui va bouleverser leur destin : un dernier survivant. Une aventure destinée au jeunes adultes”, qui maintient le suspense tout au long de ses 634 pages (Pocket jeunesse).
• Yann Quero n’est pas seulement cet anthologiste exigent dont on a lu de nombreuses compilations (Les Maladies du futur, Le Nucléaire et après…) mais aussi auteur de onze romans, dont Le Procès de l’Homme blanc). Il nous revient aujourd’hui avec Opération Mozart, réédition d’un de ses textes les plus ambitieux, qui voit le milliardaire libanais Elias Zainoun décidé, grâce à un tunnel temporel, à ressusciter Mozart pour lui faire composer une nouvelle œuvre. Suspense, mais aussi mine de révélations sur la véritable personnalité du musicien, 340 pages -aussi passionnantes qu’instructives… (Bleu nuit).
• Les nouveaux auteurs à leur premier roman foisonnent (et ce n’est nullement une réticence), que nous nous faisons un honneur, ici, à présenter. Ce sera aujourd’hui Frank Nello, rouennais de 38 ans, qui publie Nécrocosme, premier tome d’une série fantastique lorgnant sur l’horreur, avec ce qui attend un couple confronté à des créatures anthropophages. 450 pages de suspense présentées dans un fort volume édités sous le nom de l’auteur.
JEAN-PIERRE ANDREVON