Comment survivre à toutes les catastrophes: "Choisis ton apocalypse"
"L'invasion divine": Philip K.Dick en pleine crise de foi
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UN WESTERN FANTASTIQUE
Si le western rime rarement avec le fantastique (contrairement aux histoires de guerre, par exemple), il est toujours intéressant d’en trouver un sur son chemin. C’est le cas de Wanted, portrait de sang qui suit, en 1877, un curieux trio lancé à la poursuite d’un féroce tueur d’Indiens : Oscar Carjat, missionné par le gouvernement, homme froid et toujours élégant, Rose, tout de noir vêtue et qui fait sensation comme tueuse afro-américaine seule de son espèce, et Dull, adolescent indien dont c’est précisément la tribu qui a été anéantie et ne cherche qu’à venger. Dull possède un talent bien particulier : savoir dessiner à l’exact le portrait des coupables recherchés et, une fois leur visage couché sur le papier, savoir où ils se cachent. Ce qui donne lieu à maintes rencontres se terminant inévitablement par les gun-fighs attendus, Rose n’ayant pas son pareil pour étendre en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire six desperados avec le contenu de son barillet. Le scénario David Boriau, qui avoue s’inspirer de Quentin Tarantino, et le dessin de Stven Dondt, qui surfe entre les étendues désertes des paysage traversée et les brusque efflorescences de sang en gros plan ponctuant les duels en gardant un œil sur Sergio Leone, donnent tout son punch au 102 planches d’un album qui se lit comme on regarderait un film (Drakko).
LA PETITE FILLE ET LE VAMPIRE
La mère de la petite Sarah vient mourir. Éperdue de douleur et d’un sentiment d’injustice, elle ne souhaite plus, pour que ça n’arrive plus, que l’humanité entière atteigne à l’immortalité. À commencer par elle, bien entendu. Justement son voisin, le vieux Gabriel, n’en serait-il pas un, de vampire ? Elle va alors tenter de lui soutirer un peu de sang et se l’injecter, espérant bénéficier de sa longévité supposée. Créé par Raúl Treviño, Mexicain vivant au japon, Live Forever allie un fantastique au quotidien très sud-américain à un mode graphique manga, avec ses 300 pages finement dessinées au trait noir et blanc soutenu par de rares taches rouges. À la fois gracieuse, mais non dénuée d’humour noir ni de notations bien ressenties (doit-on vraiment dire à un gosse que sa maman est au ciel ?), cette réussite aussi originale qu’intrigante attend un second tome pour se conclure… mais comment ? (Kotoon).
UN MAÎTRE DU MANGA
S’il n’est pas aussi célèbre, en France s’entend, que Katsujiro Otomo ou Isao Takaha, Leiji Matsumoto, né en 1938 et disparu cette année même en février, laisse pourtant une œuvre quantitativement très importante. C’est ce que nous démontre Julien Pirou dans les 160 pages très richement illustrées de son Hommage à Leiji Matsumoto, par-delà la boucle du temps, où il suit pas à pas le mangata dont les premières œuvres furent couchées sur la papier alors qu’il n’avait que 11 ans, et dont la première référence, aussi surprenant que cela puisse paraître, est Marianne de ma jeunesse, le film de Julien Duvivier. Si peu de ses séries, abordant aussi les récits sentimentaux que la guerre, mais avec une préférence pour la SF, nous sont inconnues, nous avons tout même pu lire Galaxy Express (1977-1981) mais arrivé ici en 2004, et surtout Capitaine Albator, le Pirate de l’espace, mêmes années, mais traduits en 2002-2003, le tout aux édition Kana, la série animée de Rintarô, 42 épisodes en 1978-79, 1080 en France, en assurant la postérité (Ynnis).
LE PARCOURS DE DÉLIVRANCE
Sorti en 1971, Délivrance, le film de John Boorman reste, plus de 50 ans plus tard, une œuvre phare de l’aventure horrifique. C’est l’élaboration de ce métrage emblématique que David Chappat détaille dans Délivrance, l’histoire d’un chef-d’œuvre de John Boorman. En commençant comme il se doit par le roman de James Dickey, auteur marginal et aventureux qui a mis beaucoup d’élément biographique dans son récit, d’où des relations houleuses avec Boorman, même si le film reste très fidèle au récit originel… « histoire de canyoning qui débute comme un formidable film d’aventure (connaissant) un retournement brutal, où on passe à un film de survie plus proche du cinéma d’horreur ». D’abord envisagé avec Polanski, puis Sam Pekinpath, c’est l’alors jeune réalisateur anglais, riches de ses premières réussites (Point Blank) qui remporte la donne, le choix des acteurs se révélant plus compliqué encore (Nicholson, Brando !), sans parler d’un tournage en décor naturel éprouvant. Mais tout ceci pour incarner in fine « l’état d’esprit du cinéma américain des années 1970 : celui de la remise en cause des valeurs traditionnelles de la déconstruction, du désenchantement, de l’ambiguïté et du doute ». Passionnant (L’Harmattan).
QUELLE APOCALYPSE ?
On connait les livres « dont vous êtes le héros », qui permettent de choisir la direction d’un récit dont on vous donne les bases…. Dans Choisis ton apocalypse, avec Kim Jong-Un & ses amis, l’Écossais Rob Sears s’en amuse, en autant de 153 très courts chapitres où il joue avec la pandémie fatale, le missile égaré, les robots en révolte d’Elon Musk et j’en passe, chaque chapitre se terminant par une injonction à sauter à un autre : « Suivez le rat. Allez page 25.
Mangez-le, plutôt. Allez page 80 ». La vedette incontestable du jeu est naturellement Kim qui accumule les gaffes : « La raison de mon appel ? Eh bien c’est légèrement embarrassant, mais un peu plus tard dans la journée, la ville de New York sera frappée par un de nos vieux missiles qui, par erreur, n’a pas été détruit… » Heureusement, le dictateur a une sœur que l’auteur semble particulièrement apprécier. Pour son physique, sans doute : « Sortez en douce et rejoignez la sœur de Kim Jong-un au portail ouest. Allez page 28 ». Et ainsi de suite. Certes, à la longue, l’intérêt peut s’émousser ; mais nul n’oblige à aller jusqu’au bout (Robert Laffont).
UN BEAU PANEL DE « GRANDS »
Le nombre de rééditions ou d’inédits d’auteurs de premier plan se multipliant ces derniers temps nous oblige, malgré leur valeur, à simplement les survoler. À commencer par La Maison des mères, 6e tome du célébrissime Dune, dont cette nouvelle réédition bénéficie d’un superbe habillage fortement cartonné, accompagné d’une préface et d’une post-face d’Herbert, et d’un mot de Gérad Klein racontant avec émotion sa première rencontre avec un auteur qu’à l’époque personne ne voulait publier (Robert Laffont). De Samuel R. Delany, Babel-17, originellement oublié aux USA en 1966 était indisponible depuis longtemps. Voilà donc une ressortie bienvenue pour renouer avec un auteur qui bouleversa le space-opera en y introduisant la linguistique comme mode de communication (Mnémos). Ayant mixé avec astuce les vampires et l’uchronie dans son cyle Vampira, le Français Victor Dixen y revient avec Le Tombeau des Immortels, où les suceurs de sang dominent toujours l’Europe, en 570 pages illustrées, l’éditeur nous offrant le plaisir d’une double sortie, édition normale et de luxe à tirage limité (Robert Laffont – R”). Retour au space-opera avec le prolifique Peter F. Hamilton et une nouvelle série, L’Arche spatiale, dont le premier tome, Une brèche dans le ciel, sur le thème de l’arche navigant des siècles durant à la recherche d’un onde habitable (Bragelonne). D’Octavia Butler, cette féministe toujours combative sur le racisme et l’esclavagisme et brutalement décédée à l’âge de 59 ans, L’Initiation (1988), restée inédit jusqu’à aujourd’hui, est le second tome de la trilogie Xenogenesis, sur un thème propre à d’intéressants développements : qui peut avoir raison, entre deux espèces partageant le même monde ? (Au Diable Vauvert). Connu pour sa trilogie des Livres de la Terre Fracturées (trois prix Hugo successifs), N. K. Jemisin, avec Némésis de la cité, nous donne le tome 2 de ses Mégapoles, dystoppie sur un New York d’un futur proche, où un Gardien tente d’éviter l’inévitable(J’ai Lu – “Nouveaux millénaires”)…
Et on ne peut en terminer sans revenir à Philip K. Dick avec L’invasion divine, tome 2 de sa Trilogie divine où, près de la fin de vie, l’auteur brodait sur le thème de l’univers comme un simulacre. Republiée simultanément, la monumentale biographie de Lawrence Sutin, Invasions divines, revient en 730 pages sur la vie et l’œuvre confondues d’un écrivain unique en son genre qu’alimentait son mysticisme et sa schizophrénie (FolioSF).
JEAN-PIERRE ANDREVON