FLMS SORTIS
CRAZY BEAR ***
USA. 2023. Réal.: Elizabeth Banks.
On connait le fait divers à la base du film : le 11 septembre 1985, une cargaison de cocaïne (trois sacs à dos de 30 kilos chacun) s’était éparpillée dans la forêt après le crash de l’avion qui la transportait. Un ours brun étant tombé sur un des sacs avait trouvé la poudre à son goût, s’en était gavé, et on avait plus tard découvert son cadavre, la bête ayant été victime d’une solide overdose. Sauf que dans le film d’Elizabeth Banks, l’ours, qui est d’ailleurs une ourse nantie de deux adorables oursons se porte comme un charme et en redemande. L’ouverture la voit attaquer un couple de touriste et dévorer la femme, à la suite de quoi elle surgira à tous propos pour agresser, dévorer ou mutiler les uns après les autres la horde de personnages s’aventurant dans son territoire. Dans le désordre et sans exclusivité : Sari (Keri Russel) partie en quête sa fille Dee Dee perdue dans les bois avec son petit copain Henry ; David et Eddie, deux petits truands recherchant les sacs de poudre aux ordres de leur boss Syd (Ray Liotta dans son dernier rôle), un lieutenant de police Noir, une Ranger dépassée par les événements (l’étonnante Margo Martindale), trois petites frappes habituées à détrousser les promeneurs, un infirmier et une infirmière, et quelques autres. La vedette, plus que ces individus fonctionnels auxquels on ne s’attache guère, est naturellement notre ours, créée en images de synthèse par Weta, la compagnie d’effets spéciaux de Peter Jackson, aussi cocasse quand elle se roule sur le sol en proie aux délices de son paradis artificiel, que terrifiante quand elle ouvre sa gueule couturée et baveuse en gros plan. On s’amuse donc de bon cœur à cette comédie de série B que la comédienne Elizabeth Banks, pour son troisième long-métrage comme réalisatrice, a su tricoter sans temps morts.
Jean-Pierre ANDREVON
65 - LA TERRE D’AVANT *
USA. 2023. Réal. & scén.: Scott Beck & Bryan Woods.
Cela se passe dans un lointain passé, alors que de nombreuses civilisations humanoïdes ont conquis l’espace galactique. Sur l’un de ces mondes, le commandant Mills doit partir pour deux ans en vol exploratoire, abandonnant sa fillette Nevine, malade, et qu’il espère retrouver guérie. Mais son vaisseau, heurté par un champ de météorites, se crashe en pleine forêt sur une planète non répertoriée. Mills, qui se croit au départ seul survivant, va vite rencontrer une gamine, Koa (d’où vient-elle ?) qui lui rappelle sa fille mais parle un langage inconnu. Tous deux vont tenter de gagner, au sommet d’un pic, la seconde moitié du vaisseau qui s’est brisé en deux et peut leur permettre de quitter la planète, où Mills soupçonne en v.f. «une forme de vie alien» (traduction de la v.o. : «une présence extraterrestre»), rien d’autre que des dinosaures. Pourquoi pas ? Si l’on passe sur le traditionnel rugissement des tuyères dans le vide, pourquoi nous assène-t-on au bout de quelques minutes de film le panneau «Nous sommes sur la Terre il y a 65 millions d’années», alors que le suspense quant à la véritable identité de la planète aurait pu être maintenu à la manière de La Planète des singes ? Le scénario dès lors se réduit à une cavalcade éperdue des deux naufragés filmés dans les forêts inquiétantes de l’Oregon où les deux personnages ne cessent de se casser la figure et de récolter plaies et bosses, les dinosaures qui devraient en être les vedettes ne faisant que de rares apparitions, à l’exception d’agiles raptors bien entendu déplumés, un plan sur des ptéranodons grotesques batifolant sur une plage et deux théropodes qui pourraient être des T-Rex hormis leurs membres antérieurs disproportionnés. Le summum est atteint alors que Mills, qui a fait une chute du haut de la montagne où Koa est sanglée dans l’épave de l’astronef prêt à décoller, se voit attaqué par le faux T-Rex. Surgit alors Koa qui le tue en lui crevant l’œil avec un os. Le plan suivant les voit à nouveau tous deux dans le vaisseau qui prend son vol alors que – l’aurait-on oublié ? – le météore éradicateur plonge sur la Terre accompagné d’une pluie de météorites plus petites. Là enfin, pour quelques minutes, les effets visuels sont à la hauteur, si ce n’est que le bolide s’écrase dans la forêt alors qu’on sait bien qu’il a chuté dans le golfe du Mexique. Question : pourquoi un tel bâclage qui tient en totalité à un scénario sans queue ni tête alors la réalisation, si l’on excepte un montage parfois haché menu, reste correcte ? Sans doute faudrait-il le demander au producteur Sam Raimi.
Jean-Pierre ANDREVON
R.I.P.
Raoul SERVAIS
Le Magicien d’Ostende n’est plus
Ce grand mais discret acteur de l’animation classique vient de nous quitter le 17 mars, à l’âge de 94 ans. Ayant étudié à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand, Raoul Servais, né le 1er mai 1928 à Ostende, va y fonder en 1963 la section «Animation», tout en se lançant dans la confection de courts-métrages dès la fin des années 1950. Au départ, il opte pour des récits classiques, à base de gags amenés par de petits personnages caricaturaux, ainsi de La Fausse note (1963), sur les tribulations d’un petit musicien et son orgue de barbarie, ou Chromophobia (1965), qui voit une armée nazifiée éteindre les couleurs d’un pays riant – sujet exploité un peu plus tard par George Dunning pour son Yellow Submarine. En 1968, Sirène nous montre, dans un port rougeoyant, une femme-poisson prise en tenaille par des grues agressives. Dans Goldframe (1969), un homme se bat contre son ombre qui finit par l’écraser. Avec Opération X-70 (1971), des rats comme des hommes sont soumis à un gaz censé être un clean weapon. Filmé dans une tonalité verdâtre, ce film de 9mn est typique de l’orientation prise par Servais, passé rapidement de la farce aimable à des fables plus cruelles, et du dessin animé de tradition à une esthétique à base de tons délavés et d’une stylisation fil de fer des personnages. Il s’essaie à l’incrustation en 1979 avec Harpya, Palme d’Or à Cannes la même année, où un homme sauve d’une agression un ange-harpie qui finit par le dévorer. Il reprendra cette technique en 1994 pour Taxandria, son seul long-métrage.
Un artisanat poétique
Jan, un jeune prince, est envoyé par son père dans un coin de lande isolé en bordure de mer pour y réviser ses examens. Trompant la surveillance de son précepteur, il est attiré par le phare qui se dresse devant les flots, et par son gardien, Karol, lequel lui ouvre les portes d’un royaume secret, Taxandria, ville de l’éternel présent gardé par des fonctionnaires à haut chapeau conique, où l’on imprime chaque jour le même journal, et où tout ce qui pourrait donner une idée d’évasion vers le monde extérieur (livres, photos, etc.) est proscrit. À Taxandria, Jan rencontre Aimé et Ailée, deux adolescents qui s’aiment et réussissent à fabriquer une machine volante qui leur permettra de s’évader. Raoul Servais a mis quinze ans pour réaliser cet unique long qu’il aurait voulu entièrement animé, projet édulcoré pour raisons de budget : s’appuyant sur des décors de François Schuiten, il y a incrusté sur supports transparents des photogrammes de personnages live, le tout étant refilmé image par image. Un artisanat certes remarquable mais, si les décors, inspirés par Magritte, De Chirico et surtout Delvaux sont superbes, empreints d’une poésie nostalgique (cathédrale ensablée, rues romantiques et désertes à la perspective biaisée), si quelques bonnes idées surnagent (la fabrication du journal perpétuel où les imprimeurs travaillent comme des galériens au rythme d’un gong), le résultat reste mitigé. En cause, un scénario qui, partant dans tous les sens, semble n’être qu’un support à de belles images désincarnées, les personnages réels se montrant d’une platitude sans espoir. Puis il passe, avec Atraksion (2001), un court-métrage de 10 mn., à plus noir encore, dans ce récit kafkaïen où des forçats en droguet rayé traînent des boulets qui, soudain doués d’apesanteur, les entraînent vers le soleil qui se révèle être une ampoule électrique précipitant leur chute. Il participe en 2003 à Jours d’hiver, réunissant 35 très courts métrages coordonnés par le Japonais Kihachiro Kawamoto, avant Tank en 2015, ultime travail, que suivra son unique livre en 2018, L’Éternel Présent - Conte philosophique. Hésitant entre le poétique et l’engagement, desservi par des scénarios souvent inaboutis ou obscurs, Raoul Servais s’est sans doute rêvé un destin à la Paul Grimault. Mais, à cet artisan trop consciencieux non dénué d’un grand talent, il a sans doute manqué un Prévert.
Jean-Pierre ANDREVON
MONSTER RIDE
Anne Hathaway jouera dans le nouveau film du réalisateur de It Follows qui sera produit par J.J. Abrams
Après avoir tourné It Follows, l'un des films d’horreur les plus plébiscités de ces dernières années, et le controversé Under The Silver Lake, le réalisateur David Robert Mitchell a déjà son prochain film prêt, qui mettra en vedette Anne Hathaway (Interstellar). Le métrage, produit par Warner Bros et JJ-Abrams via sa société Bad Robot, sera un film qui comprendra des dinosaures et se déroulera dans les années quatre-vingt. Le projet, qui n'a toujours pas de titre officiel, utilisera le format IMAX et ce sera la première fois que Robert Mitchell tournera un titre à gros budget après que les précédents aient été "low cost". Les prises de vues auront lieu à l’automne prochain. On se souvient que Anne Hathaway avait déjà côtoyé les monstres géants dans Colossal (2016) de Nacho Vigalondo.
PÉRIL EN LA DEMEURE
Un film d’horreur anglais primé à SXSW
Prix du Grand Jury ces jours-ci au festival South by Southwest, le britannique Raging Grace est un film d’horreur écrit et réalisé par le jeune Paris Zarcilla, marquant les débuts de ce dernier dans le long-métrage, après plusieurs courts primés. Joy, une soignante philippin sans papiers, décroche un emploi auprès d'un vieil homme, M. Garrett, dans son vaste domaine. Elle le fait sous l'œil attentif de la nièce particulière de M. Garrett, Katherine. Malgré la circonstance plutôt étrange, Joy ne pose aucune question, du moins au début. Elle a simplement besoin d'argent et d'un toit au-dessus de sa tête. Elle cache sa fille Grace dans une valise et lui dit de rester dans la chambre, au moins tant que Katherine est présente. De cette façon, Joy ne perdra pas son emploi. Cependant, Grace sort de la chambre sur la pointe des pieds et remarque quelque chose d'étrange. Katherine semble maintenir son oncle dans un état comateux en le forçant à prendre un cocktail quotidien de pilules. Lorsque Katherine part pendant une semaine, Joy et Grace soignent M. Garrett pour le ramener au pays des vivants grâce aux médecines traditionnelles. C'est alors que les choses deviennent vraiment bizarres…. Débutant comme un thriller resserré situé dans une maison remplie de mystère, où la moitié des meubles est recouverte de draps et de grands portraits de famille semblant regarder chaque mouvement de Grace et Joy, la seconde partie du film, lorsque M. Garrett se réveille, devient un cauchemar implacable. Il s'avère que ni M. Garrett ni Katherine n'ont exactement les meilleures intentions, surtout en ce qui concerne Joy et Grace. Il est évident que Joy et Grace courent un grave danger, et pas seulement à cause de leur statut d'immigration. Elles sont à la merci de deux personnes qui veulent les utiliser à leurs propres fins néfastes. Bénéficiant d’une esthétique gothique, celle d’un vieux manoir effrayant, où se dissimulent des secrets de famille remontant au 19e siècle, cette oeuvre captivante, qui est aussi une histoire de «passage à l’âge adulte», ne lésine pas sur les frayeurs, celles de la menace omniprésente de deux individus dérangés associée à d'étranges séquences de rêves qui deviennent de plus en plus crispantes.
SÉRIE TV
Bande-annonce de Mrs. Davis, la série réalisée par Damon Lindelof avec une nonne face à une super IA
La série sera présentée en première le 20 avril comme l'un des grands paris de la saison. Après nous avoir proposé des séries comme Lost, Watchmen ou The Leftovers, Damon Lindelof a déjà une nouvelle série en cours, Mrs. Davis, qui sera présentée en première le 16 avril aux États-Unis via Peacock. La première saison comptera 10 épisodes. Son intrigue est assez délirante puisqu'elle se concentrera sur une nonne avec un seul objectif dans sa vie, détruire Mme Davis, l'Intelligence Artificielle la plus puissante du monde !