Bruce de Gotham: "Ne m'appelez plus jamais Batman"
Qui se cache derrière les complots ? D'autres complots.Sure
COMPLOTISTES : ILS SONT PARTOUT !
Et particulièrement dans le n° 3 de Fantask, ce mook dont la mode ne cesse de se répandre et dont le titre ci-dessus, prolongé par le sous-titre “Pop culture et complotisme, liaisons dangereuses ?” explicite le propos, que le directeur de rédaction, Rodolphe Lachat, résume ainsi : « En l’espace de quelques années, la création des réseaux sociaux associée aux fake news et à la démagogie populiste, sans parler de l’abrutissement ambiant, a donné naissance à un monstre inimaginable auparavant ». Première pierre à ce dossier, une interview du très discret Chris Carter, aux abonnés absents depuis la fin de ses X-Files, sans oublier leurs prédécesseurs, comme Les Envahisseurs, que décortique Christophe Bier, ou They Live de John Carpenter. On quitte le terrain de la pure fiction, pour un long entretien avec Oliver Stone qui nous décrypte son sujet obsessionnel : la vérité ( ?) sur l’assassinat de Kennedy, tandis que le philosophe Pierre-André Tazieff nous rappelle qu’ « il n’y a pas des pensée conspirationniste ou complotiste sans évènement déclencheur », par la suite détourné de sa source par des communautés sectaires persuadées de détenir la vérité. On s’amusera donc à lire que la reine d’Angleterre est en réalité un lézard géant, que Paul McCartney est mort dans un accident de voiture en 1966 et qu’il existe une conspiration des chats. On trouve donc à rire et à s’indigner dans ce plus que copieux volume (225 pages), qu’illustrent diverses BB (un épisode des Simpson, un de Demain… les monstres de Jean-Yves Mitton) et plusieurs porte-folio, comme celui de Jeff Drew dont tous les personnages sont des petits hommes verts ; Un régal, à déguster par petite tranches (EDLM).
LE CINÉMA, C’EST AUSSI DES DÉCORS
« À en croire les décorateurs eux-mêmes, le bon décor de cinéma est celui qu’on ne voit pas… » C’est ainsi que Jean-Paul Berthomé aborde son ouvrage Le décor de film, de D. W. Griffith à Bong Joon-ho, tenant tout de même à préciser que « … ce décor peut être inspiré par des choix artistiques et techniques arrêtés en amont, mais c’est au contact des réalités du plateau que se crée ou s’affine la mise en scène ». Par là même, « loin de devoir être opposés, décors de studios et décors naturels (…) ne présument en rien du degré de réalisme ou de fantaisie qui y sera recherché », ce que disait aussi Godard, le paradoxe étant qu’un tournage en décors dits naturels peut couter beaucoup plus cher qu’un décor construit en studio. C’est à partir de ces considérations que l’auteur, tout au long des 270 pages de son étude, va parcourir sous nos yeux une centaine de films, partant du Dogville de Lars von Trier, où les lieux sont simplement indiqués par des traits tracés au sol, à Samson et Dalila de Cecil B. DeMiIle, pour lequel le réalisateur étudia pendant 14 ans l’architecture antique pour savoir à quoi pouvait ressembler un temple Minoen. Le gigantisme d’Intolérance, les bouts de ficelle noués par Orson Wells pour achever son Othello, 2001 et sa réalisation intégralement faite en studio, le minimalisme de La Nuit du chasseur, toutes les astuces employées par Hitchcock pour nous faire pénétrer dans le musée du Rideau déchiré, autant de secrets dévoilé dans une recension qui ravira tous les cinéphiles (Capricci).
BENOIT PEETERS ET FRANÇOIS SCHUITEN À AMIENS
Les 27e Rendez-vous de la Bande dessinée, à Amiens, ouvriront leurs portes à la Halle Freyssinet du 3 au 25 juin, ce dernier week-end s’achevant avec Benoît Peeters, qui présentera le bilan de son année passée au Collège de France en 2022-2023, où il a occupé la chaire annuelle Création artistique, accordant une belle place à la BD…
On rencontrera encore, parmi les auteurs de ce dernier tour de piste, le mangaka Kenshirô Sakamoto, connu pour son spin-off de Fairy Tail, La Grande aventure de Happy (Nobi Nobi, trad. Anne-Sophie Thévenon). Depuis le 27 mai, et jusqu’ au 1er octobre, le Musée de Picardie abritera une exposition consacrée à l’univers de Jules Verne avec la monstration, entre autres, des originaux de François Schuiten, fidèle compagnon au dessin de Benoît Peters. « Profitant de notre partenariat avec la BnF, nous présenterons le manuscrit originel de son roman Vingt Mille Lieues sous les mers », nous annonce Pascal Mériaux, directeur de la manifestation. Tous contacts :
Office de Tourisme et des Congrès d’Amiens Métropole
23 place Notre Dame
BP 11018
80O10 Amiens Cedex 1
BATMAN BABYBOOMER ?
Il a maintenant 60 ans, et ne veut surtout pas qu’on l’appelle encore Batman, seulement Bruce ; et d’ailleurs il est en prison pour 10 années à néo-Gotham, alors que Derek Powers, qui s’est accaparé la fortune des Wayne, règne sur la ville grâce à sa milice privée, le GTO, tout en formant à son service un nouveau Batman, Terry MacGinnis et que la police, bien impuissante, est désormais dirigée par Barbara Gordon, la propre fille du commissaire bien connu. Et que devient Harley Quinn, qui fut la complice puis la femme du Joker, redevenu un (presque) bon citoyen sous le nom de Jack Napier, dont elle a eu deux jumeaux, Jackie et Bryce ? Et Nick Grayson, l’ancien Robin ? C’en est trop pour Bruce Wayne, qui parvient à s’échapper avec le concours de Napier/ le Joker, mort depuis longtemps mais qui survit sous la forme d’une entité holographique invisible à tous, et dont la complicité goguenarde avec le vieux Batman fait penser à celle qui unissait Scott Becket et Al Calavicci dans Code Quantum. Pour nouer tous ces fils, Sean Murphy, auteur complet, déjà connu pour son Batman White Night en 2017, revient avec Batman Beyond the White Night sur un univers qu’il a su complétement bouleverser tout en sachant rester fidèle au corpus de base, au point que sa recréation a gagné le surnom de Murphyverse. Ici parcouru en 264 pages au scénario cousu main et au dessin d’un réalisme acéré que soutient les couleurs de Dave Stewart. Un must (Urban Comics).
UN ÉTONNANT PREMIER ROMAN
Après une guerre atomique qui a coûté un milliard de vies, suivie de la constitution de deux entités planétaires, l’Epak et le Norpak, dont on ne sait pas grand-chose sinon qu’elles procèdent de George Orwell et sont en conflit l’une contre l’autre, une bonne partie de la population, en 2159, s’est réfugiée sous les flots dans des cités sous-marines. Comme Bloom City, dirigé par le clan des Méduses et d’où une femme, Danaë, doit incessamment s’enfuir pour gagner la terre ferme, et un endroit nommé Redhill, pour un rendez-vous important dont peut être l’avenir du monde. Ou ce qu’il en reste. Pour ce voyage dangereux, car dans le désert rôdent les Teneurs, des éradicateurs, Danaë a engagé un mercenaire, Alexis, dont la double particularité et d’être suicidaire, et d’avoir reçu de Duke, le chef des Méduses, l’ordre d’éliminer la personne qu’il est chargé de protéger. Commencé comme un mixte de Blade Runner et de Mad Max, Unity, signé d’Elly Bangs, américaine élevée dans une secte New Age, vivant aujourd’hui à Seattle et dont c’est le premier roman, prend de l’ampleur alors qu’on apprend peu à peu que Danaë, possède une faculté exceptionnelle : passer d’esprit en esprit, ce qui lui est arrivé des centaines de fois, d’où une expérience cumulant en théorie 12 000 ans d’existence. « Elle n’était pas ce qu’elle semblait être, un seul visage avec une seule vie, mais une conscience unifiée créée par la fusion de centaines de personnes ». Ce qui fait de Danaë en même temps un danger à abattre et une sauvegarde pour l’humanité, pour contrer le fait que « des esprits distincts sont fondamentalement incapable de de comprendre ». Ce que l’autrice explicite en revenant au présent : « Quand la catastrophe climatique s’est déclarée, ils ont été incapable de l’accepter. Ils n’arrivaient même pas tous à admettre que la Terre était ronde et que les médicaments guérissaient les maladies ! » Certes, dans sa dernière partie, l’action le cède peut-être un peu trop à la philosophie. Mais, qu’on soit d’accord ou nom avec les théories d’Elly Bangs, voilà un roman entièrement original qui laisse attendre avec impatience un second essai de cette trempe (Albin Michel, “Imaginaire”).
JEAN-PIERRE ANDREVON