"Blade Runner" se réincarne à Hong Kong et s'appelle "Limbo"
Bollywood revisite "Dune" en monde méga blockbuster
NEWS
UN DUNE MADE IN INDIA ?
Le plus gros budget du cinéma indien
Kalki 2898-AD de Nag Ashwin (multi-récompensé pour Mahanati), qui sortira le 12 janvier 2024, est la nouvelle grande aventure épique de SF en provenance de l’Inde. Le film a été annoncé sous le titre de travail Project K en février 2020, coïncidant avec le 50e anniversaire de Vyjayanthi Movies, la firme productrice. Cependant, le projet a été retardé d'un an en raison de la pandémie de covid-19. Le tournage a donc commencé en juillet 2021 dans un décor futuriste spécialement conçu à Ramoji Film City, à Hyderabad. L’histoire met en scène un avatar moderne de Vishnu, un dieu hindou, qui serait descendu sur terre pour protéger le monde des forces du Mal. Doté d’un budget de 75 millions de dollars, cela en fait le film indien le plus cher jamais réalisé. Ayant notamment pour vedette le célèbre Amitabh Bachchan, il marque les débuts de l'actrice de Bollywood Deepika Padukone dans le cinéma Telugu. Le réalisateur a déclaré que le film avait besoin d'une technologie haut de gamme et de véhicules futuristes spécialement développés pour le métrage. Bien qu'ils puissent être recréés à l'aide d'images générées par ordinateur, Nag Ashwin, qui voulait qu'ils semblent "authentiques", a donc choisi de construire ces véhicules avec une équipe d'ingénieurs dédiée.
MEURTRES EN FORËT
Un found-footage situé en Irlande
Marquant les débuts de Tony Devlin, le britannique The Glenarma Tapes, un found-footage tourné en Irlande du Nord, a reçu le prix du public au festival de Belfast. Au printemps 2020, cinq étudiants en art et deux professeurs ont disparu dans une forêt isolée en Irlande. Ce qui leur est arrivé est resté mystérieux - jusqu'à présent. Leurs derniers mouvements sont reconstitués à partir d'images récupérées lors d'une opération policière près de deux ans plus tard, où il devient clair que ce qui a commencé comme une farce innocente est devenu un horrible combat pour la survie dans l'obscurité de la forêt de Glenarma.
TERREUR EXTRATERRESTRE
Une jeune femme est confrontée à un home invasion d’extraterrestres
Brian Duffield, scénariste et réalisateur, auteur de l’excellent Love and Monster (2020), et qui prépare actuellement Vivien Hasn’t Been Herself Lately, un drame romantico-horrifique où un jeune couple lutte pour survivre face à une entité surnaturelle, nous livre aujourd’hui No One Will Save You, thriller psychologique de SF où Brynn Adams (Kaitlin Dever) une jeune femme créative et talentueuse mais rejetée par sa communauté vit en solitaire, ne trouvant du réconfort que dans les murs de la maison où elle a grandi. Elle est réveillée une nuit par d’étranges bruits provenant d'intrus manifestement non humains. Commence alors un éprouvant face à face entre Brynn et une foule de créatures extraterrestres qui, en plus de menacer son futur, l’amèneront à affronter son passé. «Si vous vouliez un film où une bande de petits hommes verts essaie d'enlever Kaitlyn Dever et qu'elle n'arrête pas de dire, non merci, nous avons fait ce film» plaisante Brian Duffield.
FILMS SORTIS
LIMBO ****
(Zhi Chi) Hong Kong/Chine). 2021. Réal.: Soi Cheang.
Contre toute attente, le grand corps malade du cinéma hongkongais «post-rétrocession» bouge encore et peut même donner quelques signaux de vie vigoureux et enthousiasmants, pour ne pas dire fort stimulants. En témoigne ce violent uppercut asséné avec rage et nihilisme par Soi Cheang (déjà auteur des savoureux Dog Bite Dog et Accident).
Voici sans nul doute le thriller urbain hardcore de l’année qui n’a rien à envier aux opus radicaux de la «nouvelle vague» sud-coréenne. Impossible évidemment de ne pas faire la comparaison avec les œuvres cultes des Bong Joon-ho (Memories of Murder), Kim Jee-woon (J’ai rencontré le Diable… en attendant son nouveau cauchemar intitulé Dans la toile annoncé pour octobre) et surtout Na-Hong-jin avec sa trilogie métaphysique et ultra déviante, The Chaser, The Murderer et, last but not least, The Strangers avec lequel notre Limbo entretient de troublantes similitudes dont l’atmosphère spirituelle plombante ainsi que l’identité ethnique du mystérieux serial-killer…
Sublimé par une magnifique photo noir et blanc (non prévue au départ !), tantôt expressionniste, tantôt cyber-punk, voire carrément rétro-futuriste (mix improbable entre Metropolis, Blade Runner, Dark City et Tetsuo !), transcendé par d’incroyables mouvements de caméra quasi démiurgiques, ce grand thriller pré-apocalyptique et ultra olfactif (on n’a jamais senti d’aussi près les odeurs fétides de la crasse boueuse d’une mégalopole en perdition) parvient avec grâce et facilité déconcertante à cocher toutes les cases du mauvais goût de la fameuse Catégorie III transgressive hongkongaise. Rappelons-nous de ces films scandaleux et sans concession (sexe, violence, contestation politique et sociétale), strictement interdits aux mineurs, produits dans la petite colonie alors sous contrôle britannique entre la fin des années 80 et 1997, date officielle de rattachement à la Chine populaire continentale.
Bastons à répétions, viols, tabassages de femmes, effets dévastateurs de multiples addictions urbaines, amputations, mutilations, prostitution, fétichisme extrême, le tout sur fond de religiosités dévoyées et de perte de sens de toute valeur traditionnelle… Le script de Au-Kin yee et de Shum Kwan-sin, à partir d’un livre de Lei mi (Wisdom Tooth), va justement très loin dans la transgression de nombreux tabous, vue d’Europe et d’Occident.
Le pitch, forcément méphistophélique ? Deux flics que tout oppose (un vieux loup solitaire expérimenté à fleur de peau [fantastique Gordon Lam] et son supérieur direct, jeune bleu procédurier et loyaliste) sont contraints de faire équipe pour mettre la main sur un insaisissable serial-killer qui signe ses méfaits par l’amputation de la main gauche de ses victimes féminines, toutes des filles fragiles et précaires : toxicomanes, call-girls, SDF… Bienvenue dans les bas-fonds d’une tentaculaire capitale asiatique qui recrache ses rejetons et ses rebuts dans la fange et l’humiliation quotidiennes. Mais ce n’est pas tout ! Victime d’un terrible choc traumatique suite à la perte d’un être cher dans d’épouvantables conditions, le vieux flic bougon et impulsif va utiliser une jeune toxico en guise d’appât (incroyable rôle jusqu’au-boutiste interprété avec force par l’actrice et chanteuse chinoise Cya Liu qui sert littéralement de punching-ball à une horde de mâles déchaînés et surexcités pendant les 2h du métrage !) pour remonter la trace du «Monstre» et découvrir son antre absolument terrifiant et abject.
Et qu’apprenons-nous ? Vu de Chine, le Mal absolu et radical est incarné par un immigré clandestin japonais, mi-homme, mi-créature infernale, inadapté, inadaptable et fortement nocif pour les populations autochtones ! La traque et le combat final sont tout simplement dantesques et contribuent à nous proposer un terrible matériau contendant, rouillé, acide, poisseux, boueux, collant, suintant, pestilentiel… non exempt toutefois de purs moments de grâce avec la quête (forcément illusoire) de rédemption et de rachat qui anime et maintient en vie absolument tous les protagonistes de cette brillante tragédie à la portée évidemment universelle, dépassant donc le seul cadre confiné et topographique hongkongais.
Un film à découvrir urgemment, par ailleurs déjà primé dans plusieurs Festivals de renom : Festival international du film fantastique de Catalogne, Hong Kong Film Awards ainsi qu’au Festival Reims Polar 2023… présidé par notre Cédric Jimenez national, un homme forcément de confiance et de goût pour avoir réalisé les excellents La French, Bac Nord ou encore Novembre.
Laurent SILVESTRINI
FILMS EN VOD
PARADISE ****
Allemagne. 2023. Réal. : Boris Kunz. (Netflix).
Dans un futur proche, une méthode, mise au point par l’industrie AEON, permet de transférer des années de vie d’une personne à une autre. C’est dans ce monde que qu’habitent Max et Elena. Ces derniers forment un couple heureux jusqu’au jour où leur assurance leur demande de régler une dette. Dans l’incapacité de payer, Elena décide, pour rembourser, de vendre quarante années de son existence. Un choix que n’accepte pas Max qui, travaillant pour AEON, va tout mettre en œuvre pour rendre à sa compagne le temps qui lui a été volé…
Les excellents films de SF ne sont pas légion ces temps-ci. Raison de plus pour se précipiter sur Paradise, production allemande qui se caractérise par son originalité et une histoire aussi habile qu’intelligente. L’idée de pouvoir transférer des années de vie d’une personne à une autre représente en effet un formidable ressort dramatique que le réalisateur, Boris Kunz, exploite à merveille. En quelques minutes, le cinéaste plante la situation en nous montrant Max, prospecteur pour AEON, proposer à un garçon venant tout juste d’avoir 18 ans, de vendre une partie de son existence pour subvenir aux besoins de sa famille défavorisée. Cette volonté d’ancrer le récit dans un contexte social fort donne du poids au propos développé par le script qui tire à boulets rouges sur l’ultralibéralisme et nous questionne sur les inégalités générées par un système ne bénéficiant qu’à quelques nantis. Un système qui va contraindre Elena à céder quatre décennies de son temps et à vieillir à vitesse grand V auprès de son compagnon qui, lui, ne prend pas une ride. Ce qui nous vaut quelques moments très touchants. Car, Boris Kunz, parallèlement au suspense qu’il distille à partir du moment où Max enquête sur les agissements d’AEON, joue la carte de l’émotion et témoigne, au détour de nombreuses scènes, d’une belle sensibilité. Servi par des effets spéciaux de qualité et aidé par une interprétation remarquable, le réalisateur signe ainsi, à l’arrivée, une œuvre puissante, réfléchie et engagée, qui, à l’instar de Soleil Vert ou encore Bienvenue à Gattaca, tend un miroir à notre civilisation contemporaine.
Erwan BARGAIN